Contrer l’esclavage et toutes ses manifestations chez nous : déracialiser l’approche en toute sincérité

En Mauritanie, j’écrivais que presque chaque communauté développe en son sein les germes  de l’ordre inique et injuste dénoncé sur l’échelle nationale. Par exemple, quand certains parlent  d’un état raciste et esclavagiste, ils font semblant d’ignorer que leur communauté est aussi  discriminatoire et esclavagiste à un certain niveau.
Chez nous, la victime d’un racisme peut être  aussi cet esprit communautariste foncièrement esclavagiste de mentalité ici et là. Espérons que  l’état se mette à combattre véritablement les racistes et les esclavagistes de tous bords. Il n y a  pas plus louche et fourbe que celui qui dirait qu’indexer les méfaits de l’esclavage statutaire chez populations noires, dédouanerait l’esclavage subi par une partie de nos frères haratines. 
Ainsi la cohérence et la sincérité nous intiment d’embrasser large dans nos engagements  militants et politiques. Aujourd’hui parmi certaines voix militantes, le racisme d’état  se dénonce  avec chiffrage à l’appui mais l’esclavage et ses différentes manifestations sont abordés  furtivement avec une subtilité qui trouble.  
 
Bref c’est un peu du « mauritanien » militant à la carte.  Le code esclavagiste dit hérité du rite  malikite, tient une place importante dans la littérature sociale et religieuse chez tous tenants de  clergés communautaires (Noirs et Blancs) . Dénoncer l’esclavage au Guidimagha (Sud  mauritanien) ne donnerait pas un ouf de soulagement à la conscience d’un esclavagiste dans l’Inchiri. La donne purement cutanée et binaire de l’affaire, est une arnaque intellectuelle quasi  scandaleuse. Je dirais chez nous, tous les esclaves et assignés socialement comme tels, sont à  99,9% Noirs  et les féodalo-esclavagistes sont Noirs et Blancs.
Dans l’aspect purement communautaire, l’esprit esclavagiste et le féodalo-esclavagiste sont complices d’une  manière  implicite. L’un et l’autre ne pense DROIT que sous le prisme de leur hégémonie respective,  sociale en intra d’abord et politique à l’échelle nationale. Oui TOUS ensemble, dénonçons avec  le président Biram Dah Abeid l’apartheid de fait dans l’arabisation forcée de l’expression de  l’état, mais il en faut autant sur ce qui couve depuis toujours dans communautés noires. Ce  système rétrograde et moyenâgeux qui humilie et ostracise socialement, appelé gentillement  système de castes pour partage des tâches sociales. Faux et usage  du faux socialement et  intellectuellement  aujourd’hui, par ce système de castes, les gens ne vivent pas ensemble mais  séparés et liés par un certain utilitarisme sociétal déséquilibré fait de subordinations et d’obligations. 
Dans nos communautés noires dites de castes, il y a 2 ensembles à mon avis,  l’ensemble des esclaves statutaires et les autres. C’est une évidence chez  les soninkés avec  l’éveil abolitionniste et anti-esclavagiste GANBANAAXUN FEDDE initié par les composantes  castées esclaves, l’autre ensemble hormis quelques JUSTES PROGRESSISTES, a formé une  coalition réactionnaire très agressive dans divers endroits. Par exemple dans le Guidimagha  mauritanien, pour cause de problématiques liées à l’esclavage, dans des villages, des Noirs  tentent d’exproprier les biens (foncier) d’autres Noirs. Des familles vivent une quarantaine  sociale parcequ’ils refusent les assignations sociétales esclavagistes. Et apparemment ces  violations récurrentes ne tiennent pas l’attention d’un certain type de militant qui racialise à  outrance TOUT au point qu’on présume que sa socialisation serait à l’origine de son  positionnement à sens unique. Cette socialisation qui formate hermétiquement les mentalités  féodalo-esclavagistes dans nos communautés.
Concernant la gênante question du mariage,  qui, de mon point de vue semble très marginale par rapport à l’éveil citoyen et antiféodal, mais  peut être un curseur d’évaluation d’une certaine mauvaise foi. Le gars qui est prêt à se marier  avec une femme Fidjienne, dirait que sa caste l’empêcherait d’épouser une autre femme dans le  même groupe sociolinguistique partageant la même religion au passage. Et lui qui irait  dénoncer un racisme blanc ailleurs lié  à un mariage mixte Blanc/Noir.
Si on revenait aux  castes, dire qu’elles symbolisent le partage de tâches pour l’harmonie sociale, j’ai souvent  constaté une omission pas innocente dans le discours de certains défenseurs de cette « chose »  et qui atténuent son caractère  esclavagiste . Ces gens acculés quand les secousses du  phénomène déborde autour d’eux, essaient de citer toutes les castes liées à des fonctions ou  métiers identifiés mais glissent subrepticement sur une, comme  pour entretenir davantage le  déni légendaire.
Il est urgent qu’on revoie nos logiciels d’engagement et de militantisme  pour  l’avènement d’un véritable état de droit dans notre pays. Les afrikaners se sont inspirés de leur  droit coutumier racialiste pour appliquer l’apartheid contre les Noirs sud-africains, et également  nos droits coutumiers ont des germes socialisées d’un apartheid sociétal  qu’on essaie d’ériger  en valeurs sociales. Ne pas en avoir conscience pour un militant universaliste, revient à une superficialité criante et l’ignorer devient une incohérence sinistre doublée de mauvaise foi.
Koundou SOUMARE

(Reçu à Kassataya 09 mars 2020)

 

 

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