Coronavirus : l’OMS inquiète pour les pays qui ne sont pas prêts à faire face à l’épidémie

L’OMS a qualifié l’épidémie « d’urgence de santé publique de portée internationale », et s’inquiète de plusieurs scénarios catastrophe.

Réuni pour la troisième fois en une semaine, le comité d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a finalement recommandé, jeudi 30 janvier, de classer l’épidémie du nouveau coronavirus comme une urgence de santé publique de portée internationale.

Son directeur, Tedros Adhanom Ghebreyesus, le seul à même de la décréter, a suivi l’avis de son comité en prenant le soin d’ajouter que cette initiative n’était en aucun cas « un acte de défiance vis-à-vis de la Chine » et qu’elle était motivée non pas « par ce qu’il se passe en Chine mais par ce qu’il se passe dans les autres pays ».

Selon le règlement sanitaire international (RSI) en vigueur depuis 2005, l’urgence de santé publique de portée internationale est « un événement extraordinaire dont il est déterminé qu’il constitue un risque pour la santé publique dans d’autres Etats en raison du risque de propagation internationale de maladies et qu’il peut requérir une action internationale coordonnée ».

Devant les journalistes réunis en conférence de presse, le docteur Tedros a justifié cette mesure par l’augmentation du nombre de cas et de pays touchés ; 9 692 cas ont été répertoriés en Chine – qui enregistre aussi l’ensemble des 213 morts répertoriés à ce jour. C’est plus que lors de l’épidémie de SRAS (syndrome respiratoire aigu sévère) en 2002-2003, au cours de laquelle 5 327 personnes avaient été infectées.

213 morts du coronavirus au 31 janvier 2020

Ce tableau présente les cas d’infections confirmées et les cas mortels de coronavirus dans le monde. Dernière mise à jour le 31/01/2020 à 07 h 26.

infections
morts
Chine
9 776
213
Thaïlande
14
Japon
14
Hongkong
10
Singapour
10
Taïwan
8
Macao
7
Australie
7
Malaisie
7
Australie
7
France
6
Etats-Unis
5
Allemagne
5
Corée du Sud
4
Emirats arabes unis
4
Canada
3
Vietnam
2
Népal
1
Cambodge
1
Sri Lanka
1
Finlande
1
Soit un total de :
9 893 infections confirmées
213 morts

Les cas de transmissions interhumaines inquiètent

 

Une centaine de cas ont été déclarés dans d’autres pays, y compris en Europe et en Amérique du Nord. De nouveaux cas, qui ne concernent que des personnes revenant de la région de Wuhan, ont été annoncés en Finlande, en Inde et aux Philippines.

Mais ce qui inquiète surtout le comité d’urgence – qui a « presque unanimement » recommandé le lancement de cette alerte mondiale, selon son président, le professeur français Didier Houssin –, ce sont les cas de transmissions interhumaines enregistrées dans cinq pays (France, Etats-Unis, Allemagne, Japon, Vietnam).

Aux Etats-Unis, une femme ayant contracté le virus en Chine a contaminé son mari lors de son arrivée dans l’Illinois. En France, le sixième cas détecté concerne un médecin qui a été infecté par un patient ayant seulement déclaré la maladie après être retourné en Chine. Cela pose la question de la contagiosité des patients asymptomatiques. « Bien que ces chiffres soient relativement faibles (…), nous devons agir ensemble pour limiter la propagation », a expliqué le directeur de l’OMS.

L’organisation onusienne craint aussi un deuxième scénario catastrophe : la possibilité que l’épidémie puisse atteindre des pays dont le système de santé ne serait pas capable de gérer une telle crise sanitaire, en Afrique notamment, un continent avec lequel la Chine entretient de nombreux liens commerciaux. Si un premier cas suspect – en Côte d’Ivoire – s’est finalement révélé négatif, les experts estiment que les risques sont élevés.

Lire notre enquête : comment la Chine a fait pression sur l’OMS

Des pays ne sont pas prêts à faire face à l’épidémie

 

Une mise en garde qui intervient alors que le Conseil de supervision de la préparation globale (GPMB), un organe indépendant lancé en 2018 par l’OMS et la Banque mondiale, a averti, jeudi 30 janvier, que de nombreux pays n’étaient pas prêts à faire face à l’épidémie de pneumonie virale. « Tous les pays et gouvernements locaux, y compris ceux qui n’ont pas été touchés, doivent d’urgence consacrer des ressources au renforcement de leurs capacités essentielles de préparation », souligne-t-il, ajoutant qu’ils doivent être en mesure de « prévenir, détecter, informer et répondre à l’épidémie ».

Le déclenchement de l’alerte sanitaire mondiale doit précisément permettre d’aider les Etats membres des Nations unies (ONU) à mettre en place des mesures de prévention et de détection adéquates et de dégager des fonds pour combattre le virus.

Les pays les plus touchés actuellement (Chine, Japon, Allemagne, Etats-Unis, Corée du Sud et Vietnam) sont toutefois suffisamment robustes pour se passer de toute aide financière.

Parmi ses recommandations, l’OMS demande aux Etats membres de se tenir prêts à détecter les nouveaux cas, à les isoler et à suivre les chaînes de transmission pour éviter la propagation de la maladie. Elle déconseille cependant de limiter les voyages et les échanges commerciaux avec la Chine, pour ne pas « perturber la distribution de l’aide » et ne pas avoir un impact négatif sur l’économie du pays.

L’OMS pourra en revanche interroger les mesures prises par les Etats membres, certaines jugées « contestables » par le Pr Houssin citant « les refus de visas, les fermetures de frontières et la mise en quarantaine de voyageurs en bonnes conditions ».

Selon un diplomate, c’est l’effet boomerang d’une telle mesure. « Il y a maintenant un tampon OMS officiel. Tous les ministères de la santé sont en alerte et vont pouvoir décider de mesures qui pourront être jugées trop restrictives par l’organisation. »

De nombreux experts critiquent par ailleurs le fonctionnement binaire du système qui a poussé à déclarer une urgence mondiale alors que les chiffres des malades en dehors de la Chine restent pour l’instant très faibles. Lors d’une rencontre avec les journalistes, le docteur Tedros lui-même avait laissé entendre qu’une alerte intermédiaire « orange » aurait sans doute été plus représentative du risque actuel.

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Une pression internationale forte

 

Mais la pression internationale s’était faite de plus en plus forte après une semaine de va-et-vient diplomatique. La décision de Moscou de fermer ses 4 250 km de frontières communes avec la Chine, l’arrêt des liaisons aériennes entre certaines grandes capitales européennes et la République populaire, et l’évacuation de ressortissants étrangers par la France, le Japon et les Etats-Unis avaient renforcé de facto l’isolement international de Pékin.

Le départ du docteur Tedros pour une rencontre au sommet avec le président Xi Jinping au début de cette semaine avait permis de ménager la susceptibilité de la Chine, deuxième contributeur financier au budget de l’OMS derrière les Etats-Unis, membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU et principal acteur du commerce international. Le docteur Tedros lui a permis de préparer son opinion publique à l’annonce d’une alerte en le positionnant comme chef de file dans la gestion de cette crise.

Face aux journalistes, le directeur de l’OMS a une nouvelle fois loué « la transparence et la rapidité avec laquelle la Chine a détecté le virus puis partagé ses informations » affirmant « n’avoir jamais vu ça de [sa] vie ». Selon lui, « la Chine est tout à fait capable de contrôler l’épidémie » grâce aux mesures « radicales » prises par Pékin avec le confinement de plus de 60 millions de personnes à travers le pays.

 

Marie Bourreau

(Genève, correspondance)

Source : Le Monde

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