Une décennie prometteuse pour l’Afrique ?

Malgré des problèmes sociaux et sécuritaires persistants, le continent va sans doute mieux qu’on ne l’imagine, explique Marie de Vergès dans sa chronique.

Chronique. Une nouvelle décennie s’annonce et le discours « afroptimiste » a du plomb dans l’aile. Il n’est plus trop question de « renouveau » ou d’« émergence », cette expression très en vogue il y a dix ans quand l’Afrique affichait des taux de croissance faramineux. Aujourd’hui, l’heure est aux avertissements sur le risque d’une nouvelle crise de la dette. Les poids lourds de la région – Afrique du Sud, Nigeria, Angola – tournent au ralenti. A l’échelle mondiale, l’Afrique subsaharienne concentre plus de la moitié de l’extrême pauvreté.

Ces données se conjuguent, dans certaines parties du continent, avec une situation sécuritaire inquiétante. Les attaques terroristes se multiplient au Sahel tandis que la Somalie, la Centrafrique ou la République démocratique du Congo semblent prises dans une spirale de violences sans fin. Sans même parler de l’urgence climatique qui menace l’Afrique plus que toute autre région du monde.

Mortalité infantile divisée par deux en vingt ans

 

Il faut pourtant nuancer. Ne pas céder à l’autre piège facile qu’est l’« afro-pessimisme ». D’abord, parce que 54 pays ne composent pas un tableau homogène. Ensuite, parce que les choses vont sans doute mieux qu’on ne l’imagine, malgré des problèmes persistants. Prenons la santé. L’espérance de vie a nettement progressé pour atteindre 63 ans. Inférieure à la moyenne mondiale (72 ans), elle a tout de même gagné dix ans depuis l’an 2000. La mortalité infantile a été divisée par deux sur la période, tout comme le nombre de décès liés au paludisme. Quant au sida, qui provoquait des ravages dans les années 1990, le nombre de nouvelles infections est en baisse et l’accès aux traitements augmente.

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La pauvreté reste massive, mais certains pays ont réalisé des bonds de géant. L’Ethiopie en est un bon exemple. Terre des grandes famines des années 1980, le pays a longtemps véhiculé toutes sortes de clichés misérabilistes. Mais la tendance s’est inversée, au gré d’une croissance dépassant 9 % par an une décennie durant. La grande pauvreté touchait 61 % de la population en 1999. Elle a été réduite de moitié en quinze ans. L’évolution est similaire au Rwanda. Le pays, théâtre du dernier génocide du XXe siècle, est montré en exemple pour sa politique de développement et s’enorgueillit d’un taux de scolarisation en école primaire proche de 100 %.

« L’année 2020 marque le début d’une décennie prometteuse pour l’Afrique », veut croire la Brookings Institution dans son nouveau rapport prospectif « Foresight Africa ». Ce think tank américain souligne qu’au cours des cinq prochaines années, parmi les dix pays affichant la croissance la plus rapide dans le monde, sept seront africains. Malgré la chute des prix des matières premières qui a laminé les plus grosses économies du continent, des changements structurels sont à l’œuvre qui maintiennent, ailleurs, une dynamique favorable.

Un marché intérieur stupéfiant

 

La principale transformation, c’est la démographie. D’ici à 2050, la population devrait doubler pour atteindre plus de 2 milliards d’habitants. Un humain sur quatre vivra alors en Afrique. Cette explosion démographique pose de grands défis, en matière de création d’emplois ou de partage de la croissance. Mais elle signifie aussi la création d’un marché intérieur stupéfiant, à même de susciter, pour les décennies à venir, un intérêt planétaire.

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L’attrait du continent n’est déjà plus à démontrer si l’on en juge par l’activisme de la Chine depuis le début du millénaire. En construisant et en prêtant à tour de bras, Pékin est accusé de tendre à ses partenaires africains un « piège de la dette ». Le risque existe. Mais ces derniers se réjouissent aussi d’avoir vu se multiplier les chantiers de routes, de ports ou de voies ferrées, pilotés par le géant asiatique. Dans le sillage chinois, d’autres émergents arrivent, de la Turquie au Brésil en passant par l’Inde ou les pays du Golfe, pressés d’investir à leur tour pour conforter leurs positions.

Un lent développement retient moins l’attention que les catastrophes et les échecs. Mais l’Afrique est en transition, suivant des schémas bien différents de nos modèles historiques. Et réclamant, pour les apprécier, une certaine dose d’« afro-réalisme ».

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Marie de Vergès

Source : Le Monde

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