L’ONU propose de protéger 30 % de la planète d’ici à 2030

La COP15 sur la diversité biologique prévue en octobre devrait aboutir sur des accords mondiaux pour sauver la biodiversité. Une première ébauche de texte prévoit la protection d’un tiers de la surface de la Terre.

Enrayer l’érosion de la biodiversité, gérer les ressources de manière durable et restaurer les écosystèmes. Telles sont les missions de la 15e Conférence des parties (COP15) de la Convention des Nations unies sur la diversité biologique (CDB), programmée en octobre à Kunming, en Chine, sur le modèle des conférences climat. Des négociations internationales doivent y aboutir à l’adoption d’une feuille de route mondiale pour sauver l’ensemble des écosystèmes.

Pour amorcer ces négociations, la CDB a publié, lundi 13 janvier, une première ébauche de texte comprenant 17 objectifs, parmi lesquels une proposition ambitieuse : protéger au moins 30 % de la planète – terre et mer – d’ici à 2030. « L’objectif est de stabiliser le taux de perte de biodiversité d’ici à 2030, puis de faire en sorte que cette biodiversité augmente de nouveau d’ici à 2050 en laissant les écosystèmes se régénérer », explique Aleksandar Rankovic, chercheur à l’Institut du développement durable et des relations internationales, chargé du dossier COP15.

Le texte reprend des conclusions du Groupe international d’experts sur la biodiversité de l’ONU. Dans un vaste rapport publié en mai 2019, ils soulignaient le rôle de l’agriculture, de la déforestation, de la pêche, de la chasse, du changement climatique, des pollutions et des espèces invasives dans la dégradation accélérée de la nature.

Un million d’espèces menacées d’extinction

 

Selon ce rapport, 75 % de l’environnement terrestre a été « gravement altéré » par les activités humaines et 66 % de l’environnement marin est également touché. Résultat : environ un million d’espèces animales et végétales sur les quelque 8 millions estimées sur Terre sont menacées d’extinction, dont « beaucoup dans les prochaines décennies ». Près de 23 % des oiseaux, 25 % des plantes, 33 % des récifs coralliens, 40 % des amphibiens, 10 % des insectes et plus d’un tiers des mammifères marins sont menacés.

Pour enrayer ce déclin rapide de biodiversité, le groupe de travail du CDB a proposé d’amener à 30 % le taux d’aires terrestres protégées et au même nombre celui des aires marines protégées. Aujourd’hui, les zones protégées représentent 17 % des surfaces terrestres, soit environ 20 millions de kilomètres carrés (un peu plus de la superficie du Canada et des Etats-Unis réunis) et 10 % des zones maritimes. A titre d’exemple, le Brésil possède le plus grand système d’aires protégées terrestres au monde, avec 2,47 millions de kilomètres carrés (km2). A l’inverse, le Moyen-Orient a le taux de protection terrestre le moins élevé, environ 3 %, ce qui équivaut à environ 119 000 km2.

« Le chiffre de 30 % de surfaces protégées est ambitieux, mais il ne sort pas de nulle part, explique David Ainsworth, porte-parole de la Convention sur la diversité biologique. En un an, le groupe de travail du CDB a regroupé les demandes des gouvernements, les conseils des scientifiques et les consultations de la société civile. Ce chiffre a été discuté et un consensus a été trouvé. » Dans ces 30 %, 10 % des zones protégées devraient être en état de « protection stricte », « c’est-à-dire qu’aucune activité humaine, comme la pêche ou l’agriculture, même réglementées, ne peut y avoir lieu », poursuit le porte-parole.

Objectifs ambitieux

 

Autre objectif de la COP15 : relier climat et biodiversité. En effet, l’érosion de cette dernière a beau être flagrante, elle peine à sortir de l’ombre que lui fait la crise climatique.

« Aujourd’hui il y a une déconnexion entre le climat et la biodiversité, aussi bien de manière locale qu’internationale, confirme le chercheur français Aleksandar Rankovic. La CDB propose des moyens pour rapprocher les deux conventions et ainsi lier les accords sur la biodiversité aux accords de Paris sur le climat. » Carlos Manuel Rodriguez, le ministre de l’énergie et de l’environnement du Costa Rica, très impliqué dans les discussions, a insisté sur ce lien en s’exprimant sur le document rendu public le 13 janvier : « Nature et climat sont les deux faces d’une même médaille et nous devons affronter les deux crises de manière agressive, dans tous les secteurs et avec le même objectif. »

Parmi les autres points abordés dans l’ébauche de texte figurent une réduction d’au moins 50 % de la pollution causée par l’excès de pesticides, de déchets plastiques et d’autres sources de pollution, une utilisation durable de toutes les ressources d’ici à 2030 ou encore la préservation ou l’augmentation de la diversité pour 90 % des espèces d’ici à 2050.

Autant d’objectifs ambitieux, selon les observateurs. Mais « jusqu’au coup de marteau final de la COP rien n’est joué, prévient Aleksandar Rankovic. D’ici aux négociations, il faut alerter sur ces textes pour que les discussions ne se limitent pas à la convention et que l’ensemble des populations se manifestent ».

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Enfin, le rendez-vous de Kunming pourrait acter de l’échec de la stratégie biodiversité menée ces dix dernières années. En 2010, lors de la COP10 au Japon, la CDB avait adopté des accords dits « objectifs d’Aïchi », qui établissaient vingt points à atteindre pour 2020. Dix ans plus tard, le constat est amer : la plupart des objectifs, notamment le fait de diviser par deux le taux de perte des habitats naturels, n’ont pas été atteints. « Nous aurons les résultats exacts au terme de la période 2011-2020, mais nous savons déjà que beaucoup ne seront pas réalisés », admet David Ainsworth.

« Rendre des comptes »

 

« Les accords précédents, bien qu’ambitieux, ressemblaient plutôt à une liste de vœux pieux, souligne Aleksandar Rankovic. Il y avait beaucoup d’engagements mais très peu de chiffres. L’ébauche publiée aujourd’hui propose des objectifs précis, chiffrés, ainsi que des modalités de suivi et de moyens mieux pensés. Elle crée également un cadre dans lequel les pays vont devoir se rendre des comptes. »

Des ONG regroupées dans la coalition Campaign for Nature s’inquiètent cependant que « le texte n’inclue pas certains concepts-clés comme la gestion des zones protégées, ou l’équité entre les populations, qui sont essentiels à une protection et une conservation efficaces ». Elles poussaient depuis un an pour que le chiffre de 30 % soit inscrit dans le texte en débat.

« Des scientifiques, des centaines d’organisations et des millions de personnes dans le monde ont appelé les nations à se rassembler et à s’engager à protéger au moins 30 % de la planète d’ici à 2030, confirme Brian O’Donnell, directeur de Campaign for Nature. Le projet d’aujourd’hui montre que les pays sont à l’écoute et qu’ils reconnaissent l’importance croissante du rôle de la protection des terres et des eaux. Il s’agit d’une première étape très encourageante. Mais il reste encore beaucoup à faire dans les prochains mois. »

Plusieurs sessions de discussions vont se dérouler d’ici à la COP15. Certains pays devraient être moteurs des négociations, parmi lesquels l’Union européenne mais aussi le Costa Rica, la Colombie et le Mexique. « La Chine, qui va accueillir la COP, espère également les résultats les plus ambitieux, concrets et crédibles possibles », observe Aleksandar Rankovic.

A l’inverse, de grands acteurs, comme le Brésil, restent pour l’instant en situation de blocage dans les discussions préliminaires. Quant aux Etats-Unis, ils sont le seul pays, avec le Vatican, à n’avoir pas ratifié la Convention sur la diversité biologique – « un problème de moins dans les négociations », aux yeux de certains observateurs. « Les objectifs de ce texte assument une ambition forte, souligne Aleksandar Rankovic. Il faudra désormais qu’ils résistent au test à l’acide des négociations avant et pendant la COP15. »

Clémentine Thiberge

Source : Le Monde

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