Niger : en plein désert, des éleveurs touaregs se reconvertissent à l’agriculture

A l’ouest d’Agadez, les Touaregs ont troqué leur dromadaires pour des pelles et des houes. Ils ne suivent plus les troupeaux, décimés, mais creusent des sillons.

Au nord du Niger, aux portes du Sahara, 5 000 familles d’éleveurs touaregs, dont le bétail a été décimé par la sécheresse ou les inondations, se sont reconverties en agriculteurs. Un projet né en 2015 et appelé Irhazer vise à rendre cultivables 750 hectares de terres stériles au cœur d’un désert hostile, pour y produire céréales, tubercules et fourrage, afin d’assurer la subsistance de 35 000 habitants. Aujourd’hui, oignons, pommes de terre, luzerne et blé poussent à 60 km d’Agadès.

Un projet soutenu par la France

 

Le groupe français Orano (ex-Areva), qui exploite l’uranium depuis cinquante ans dans cette région, finance le projet et y a déjà injecté 6 milliards de francs CFA (9 millions d’euros). « C’est un grand défi lancé au désert. Le sol est argileux et rocailleux, ce n’était pas évident d’y faire germer quelque chose », explique à l’AFP Goumour Warzagane, un responsable d’Irhazer.

« L’objectif est d’assurer l’autosuffisance alimentaire pour la population et le bétail« , a affirmé le ministre nigérien de l’Agriculture Albadé Abouba, lors d’une visite du site début novembre 2019.

En quatre ans, plus de 530 tonnes de luzerne et 107 tonnes de blé ont été récoltées. Ces deux produits, dont la tonne se négocie entre 250 et 300 000 FCFA (entre 380 et 450 euros) sur les marchés, étaient auparavant hors de portée pour ces éleveurs très pauvres. Le blé est consommé par les producteurs sous forme de couscous, de pain ou de pâtes, et ce qui reste est vendu. « La luzerne est surtout cultivée ici, parce qu’on est en zone d’élevage et elle est très riche en protéines. Quand les animaux la consomment, on a de la bonne viande et beaucoup de lait », essentiel au repas des nomades, explique Bila Sabit, un autre responsable du projet.

Pourtant, on disait qu’il était impossible de faire travailler la terre par des éleveursBila Sabit du projet Irhazer à l’AFP

Les rendements sont bons, mais le grand souci c’est le manque crucial d’eau pour irriguer les pépinières. Depuis une dizaine d’années, les sécheresses sont de plus en plus fréquentes, mais aussi les inondations, en raison des changements climatiques. « Dans quelques mois, la température atteindra 50 degrés à l’ombre. Il faut trouver un système d’irrigation approprié pour réduire au maximum l’évaporation et l’infiltration de l’eau », explique le ministre de l’Agriculture. Les quatre forages qui fournissent actuellement l’eau ne suffisent plus. Il faut en construire de nouveaux et il faut importer de nouvelles techniques d’irrigation, comme le goutte-à-goutte pour réguler l’eau qui s’évapore rapidement à cause de la chaleur.

« C’est une vraie révolution : si l’élevage tombe en panne, nous avons désormais l’agriculture comme deuxième chance pour survivre », estime le producteur Agali Mahaman. « C’est une question de vie ou de mort : le désert est impitoyable ! » Grâce au projet Irhazer, la situation des éleveurs-agriculteurs s’est améliorée : ils se nourrissent mieux, ils ont plus d’argent pour payer la scolarité des enfants et ne sont plus obligés de vendre leurs quelques bêtes.

Une vraie révolution

 

Ce projet est aussi « dédié à la réduction de l’émigration« . Il « doit occuper les jeunes, sinon ils vont s’occuper d’eux-mêmes en migrant, en devenant des bandits coupeurs de routes ou des jihadistes en herbe« , prévient M. Abouba, qui fut également ministre de l’Intérieur.

Pour renouer avec leur ancienne activité, les exploitants demandent la création d’un volet pastoral, afin d’obtenir des aides pour acheter des chèvres et des moutons. En 2009, 40 000 têtes de bétail avaient été décimées par les inondations dans la région d’Agadez. Ultime défi, après 2020, Orano cessera son financement. Le projet Irhazer devra voler de ses propres ailes, grâce aux « redevances » versées par les exploitants après la vente de leurs récoltes, qui sont déposées sur un compte bancaire.

France info Afrique avec agences Rédaction Afrique France Télévisions
Source : France Info

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