Mauritanie : des pistes pour réduire le chômage des diplômés

Photo de groupe de la première promotion de Maitrisards embauchés par la BMCI. L’on reconnaît Soko Adama Bocar, actuel Ministre de l’Enseignement fondamental.

Par Mory Guéta Cissé 


Nous avons tenté dans le cadre d’une étude préliminaire d’apporter notre contribution à travers une approche pragmatique reposant sur des expériences vécues ayant abouti à des résultats probants pour juguler petit à petit le chômage des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur et/ou des instituts de formation.La question revêtant un intérêt national, le schéma que nous proposons et soumettons à votre lecture pour des amendements et apports constructifs que les différents ministères et démembrements de l’Etat concernés (Emploi, Finances, Santé, Education, BCM) pourraient étudier pour validation avant de s’en ouvrir au secteur privé national chargé de sa mise en application par une délégation spéciale sous strict contrôle.
Notre approche devrait nécessiter une action diligente pour que les mesures idoines puissent être prises sans attendre pendant cette période de grâce pour le Gouvernement qui vient d’être mis en place et qui voudrait faire de l’emploi des jeunes diplômés une véritable priorité.

De notre point de vue, en l’absence d’un engagement citoyen de l’UNEM par une prise de décision ferme fixant le niveau de participation de ses membres par secteur d’activité pour résorber le chômage des diplômés de l’enseignement supérieur, une action immédiate peut être envisagée pour la prise en charge par le secteur bancaire du recrutement tous les trimestres d’un contingent de 100 employés diplômés de l’enseignement supérieur à répartir entre les différentes banques qui prendront en charge le coût de leur formation et initiation aux techniques bancaires avant de les intégrer dans le système bancaire national.

L’initiative ne doit pas être donnée à la seule UNEM d’organiser ces formations/recrutements car si telle pouvait être leur volonté on n’en serait pas arrivé à une telle situation d’autant que sur leurs programmes chacune des banques dispose théoriquement d’une académie ou d’un centre de formation n’assurant même pas la formation continue de leurs personnels pour se voir confier la promotion de l’emploi des jeunes diplômés.La participation active des banques dans la première phase du processus de recrutement des cadres diplômés peut se faire très vite car les préalables pour la mise en place d’une telle initiative peuvent être satisfaits en moins de 15 jours pour un démarrage effectif de la formation vers la fin du mois de novembre 2019, ce qui devrait correspondre plus ou moins à la fin de la période de grâce généralement accordée à tout Gouvernement rentrant.

Le budget de formation pourrait être obtenu à travers la coopération mais de mon point de vue, il devrait être entièrement pris en charge par les seules banques pour mieux les impliquer dans le processus ; ce budget tient compte d’une allocation accordée aux stagiaires pour leur habillement et d’une allocation mensuelle pour la durée de la formation, ce qui constitue une innovation majeure qui sera fort appréciée par les bénéficiaires et représentera un investissement à minima pour les banques qui n’ont pas contribué à la formation académique de ces futurs cadres de banque qui seront mis à leur disposition dans de délais très courts.La contribution des autres secteurs des activités économiques (Assurances, Pétrole) dans la résorption du chômage des diplômés de l’enseignement supérieur prendra plus de temps car nécessitant des investigations (notamment des recensements) afin de poser des diagnostics fiables pour des programmes de recrutements directs ou des affectations opérées par les Ministères de l’Emploi et de l’Energie et des Mines pour les plans de formation pour assurer une bonne gestion de la manne pétrolière et gazière par l’implication de cadres nationaux.Pour le secteur de la santé, les recrutés devraient en principe être directement opérationnels alors que pour le secteur de l’éducation des formations pédagogiques pourraient être nécessaires, ce qui se fera par les anciens inspecteurs d’académie auxquels on pourrait faire recours et leur patriotisme devrait les pousser à répondre positivement à cet appel

A – CONTRIBUTION DIRECTE DU SYSTEME BANCAIRE

La Mauritanie compte aujourd’hui 20 banques et établissements financiers en exercice pour les besoins de l’activité économique nationale et qui sont sensés apporter leur contribution à la résorption du chômage par l’emploi des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur.Aujourd’hui, le recrutement du personnel des banques nationales obéit plus à des critères de parenté ou de cooptation plutôt qu’à une recherche objective de personnel qualifié pouvant assurer la pérennité et le succès des institutions ; ce qui explique le faible niveau de formation du personnel actuellement en service ce, dont les clients se plaignent ainsi que des nombreux cas de détournement sans aucune suite judiciaire du fait des relations familiales en jeu.La dernière vague de recrutement de « Maitrisards » sortants de l’Université de Nouakchott remonte à l’époque de Marhoum Sidi Mohamed Abass, Président Directeur Général de la BMCI, ainsi que du Patronat mauritanien, et aucune autre banque ne lui a emboité le pas ; il est heureux de constater comme en atteste la photo jointe que parmi ces maitrisards de la BMCI on compte actuellement un Ministre dans le nouveau Gouvernement du Président Mohamed El Ahmed Ghazouani.

Il y’a lieu de préciser qu’il ne sera pas demandé aux banques existantes de recruter en une seule fois une quinzaine de maitrisards comme l’avait fait la BMCI mais, d’intégrer ces recrutements dans leur Business Plan de développement pour faciliter la relève à raison           du recrutement de 5 maitrisards au moins par an par banque en fonction de leur taille pour contribuer à la promotion de l’emploi des jeunes diplômés.

Par ailleurs, les statistiques officielles actuellement ne permettent pas de déterminer de façon précise ni le nombre d’employés du secteur bancaire ni la contribution du système financier au développement de l’activité économique nationale par secteur d’activité car aucune politique prospective ni cahier des charges ne contraint les banques opérant dans le pays à une affectation sectorielle de leurs emplois, et, ces deux tares devraient être corrigées dans les meilleurs délais car sans planification le développement ne peut être garanti.En conséquence, une action urgente devrait être menée pour donner un signal fort à l’opinion publique nationale afin de montrer de manière concrète et sans tambour ni démagogie la volonté du nouveau Gouvernement de prendre à bras le corps la question de l’emploi des jeunes diplômés de l’enseignement supérieur afin de réduire le chômage.

Dans un premier temps une sélection de 100 « Maitrisards » devrait être opérée sur la base d’une future affectation de 3 à 6 futurs employés par banque selon leur taille et ce premier groupe sera réparti en 4 sous- groupes de 25 stagiaires chacun pour un cycle de formation de 3 mois à raison de 3 heures le matin et 3 heures l’après-midi pour leur inculquer les valeurs et leur donner les éléments susceptibles de faciliter leur intégration dans une institution financière en maitrisant le langage , les techniques, la déontologie et le sens commercial.La sélection des candidats se fera d’une part en tenant compte de la parité Hommes/Femmes et, d’autre part en intégrant une dose de discrimination positive afin que toutes les communautés ainsi que toutes les Wilayas s’y retrouvent.Après une formation d’un mois au cours de laquelle une initiation leur sera donnée sur les techniques et pratiques bancaires, il sera instauré au cours des deuxième et troisième mois de formation une immersion en entreprise le matin pour compléter la formation et les après-midis seront consacrés aux études de cas ainsi qu’aux explications des diverses techniques découvertes durant les séances en immersion dans les banques.Le système bancaire dans sa totalité, sur invitation de la Banque Centrale de Mauritanie et du Président de leur confédération financera ces cycles de formation dont elles seront les principales bénéficiaires et, les Maitrisards stagiaires bénéficieront d’une allocation mensuelle qui leur sera payée en fonction de leur assiduité et de leur comportement durant la formation.

Un budget initial pour un seul cycle de formation sera élaboré et en cas de succès de cette première initiative, des corrections y seront apportées pour pouvoir assurer au cours d’un an 4 cycles de formation soit un programme de recrutement annuel de 400 Maitrisards soit environ 2000 maitrisards précédemment de potentiels chômeurs, qui seront insérés dans le système bancaire au cours du premier mandat du nouveau Président comme des employés et contribuables assujettis au payement des impôts sur le revenu  Cette solution simple que nous proposons peut-être étendu à d’autres secteurs en cas de saturation du système bancaire et un appel à des mécènes peut doter le centre avec des ordinateurs portables pour l’initiation des stagiaires à la bureautique ainsi qu’aux techniques de l’information et de la communication concomitamment à d’autres moyens à trouver.Le problème d’un local ne se posera pas car ce Centre de formation pourrait être installé selon la décision des autorités dans les locaux de la BCM ou de l’UNEM, ou au CFPP ou dans les locaux du Lycée Technique de Nouakchott. Mais il faudra se garder dans un premier temps de mettre cette structure sous la tutelle de la BCM ou de la fédération des banques pour éviter de la dévoyer mais plutôt au sein d’une cellule sous la haute autorité du Ministre de tutelle avec une bonne visibilité de la Présidence de la République pour un suivi des performances.

Les affectations des stagiaires après leur cycle de formation se feront au choix ou par tirage au sort à moins que certaines banques, au vu du travail effectué par des stagiaires au cours de leur immersion dans leurs services, ne fassent une option écrite pour leur recrutement ; tous les stagiaires seront intégrés dans la hiérarchie des cadres en fonction de leurs statuts.Les stagiaires de la BCM, après cette première initiation pourront être envoyés pour complément de formation plus spécifique à leur futur métier à la Banque Centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest BCEAO, à la Banque Nationale d’Algérie, à celle de Tunisie ou du MarocDes cabinets locaux disposent de l’expertise et de l’expérience nécessaire pour mener à bien à coté des autorités administratives et de toutes les parties concernées la réussite de cette mission de portée nationale.Pour les diplômés qui voudraient se lancer dans les affaires en créant leurs propres affaires, des lignes de crédits bancaires pourraient leur être accordées avec la mise en place d’un suivi par ces mêmes institutions pour leur encadrement en vue de la réalisation de leurs projets

 

B- D’AUTRES PISTES A EXPLORER POUR D’AUTRES SECTEURS
– Le secteur de la santé

 

De la même manière que pour le système bancaire on pourra développer cette initiative à moindre frais pour résorber le nombre de diplômés chômeurs dans le secteur de la santé en procédant au recensement de toutes les cliniques privées, les cabinets médicaux ainsi que les officines de pharmacie aussi bien à Nouakchott qu’au niveau de toutes les capitales régionalesLes recensements qui seront effectués concomitamment par la police et la Gendarmerie dont les résultats seront confrontés aux diverses autorisations délivrées par le Ministère de la Santé et rapprochés à la Direction des Impôts pour confrontation serviront de support d’appréciation pour estimer les besoins réels de recrutement et les capacités de résorption du système par rapport au recensement des diplômés chômeurs dans le secteur de la santé.Au vu des résultats des divers recensements, des réunions de concertation avec les opérateurs du secteur de la santé seront programmées pour les amener à endosser la démarche de manière à faciliter le recrutement des diplômés à la recherche d’emploi aussi bien pour les médecins, chirurgien dentistes, vétérinaires que pour les spécialistes, sages-femmes et infirmiers.

– Le secteur de l’enseignement

 

Le secteur de l’enseignement est assez porteur et peut contribuer efficacement à résorber une bonne partie des diplômés chômeurs pour toutes les matières de l’enseignement primaire et secondaire.Aujourd’hui force est de constater que la plupart des enseignants du secteur privé sont des étrangers ne disposant pas généralement d’une formation pédagogique tout comme nos diplômés chômeurs dont ceux intéressés à faire carrière dans l’enseignement peuvent être recensés et suivis pour des cours d’initiation à la pédagogie avant de les affecter dans les divers établissements d’enseignement privé avec un suivi pendant les vacances scolaires De la même manière que pour le secteur de la santé un recensement des écoles privées devra être envisagé par les autorités compétentes dont les résultats seront confrontés aux autorisations et licences accordées par les Ministères concernés avec un rapprochement des effectifs des enseignants avec le payement des impôts dus.Le Gouvernement pendant cette période de grâce peut faire passer avec l’assentiment général de l’ensemble des populations toutes les réformes surtout celles qui auront un impact économique et financier réel sur les populations et ce sera à la pertinence des projets et à la vitesse de leurs exécutions que les responsables seront jugés.Voilà des pistes de réflexion dont la mise en exécution pourrait contribuer à la résorption progressive du chômage des diplômés de l’enseignement supérieur et, s’agissant d’un problème national, la contribution de tous est nécessaire et nul n’ayant le monopole de la science et ne pourrait revendiquer la paternité d’une action citoyenne.

 Mory Guéta CISSE

Source : Financial Afrik

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