1914-1918 : l’Afrique a payé un lourd tribut à « la Grande guerre »

On ne connaît toujours pas précisément les noms des quelque 45 000 soldats africains morts ou disparus à Verdun, au Chemin des Dames, aux Dardanelles… Entre 1914 et 1918, la France a envoyé au front 500 000 soldats venus des colonies.

Ils s’appelaient Ouédraogo, Traore, Ouattara, Belkacem ou Harbi, mais aucun monument aux morts ne recense leurs noms. Entre 400 et 500 000 soldats africains, dont 172 000 Algériens, ont été recrutés au cours de la Première guerre mondiale, dont plus de 60 000 en 1915-1916, pour compenser les lourdes pertes de l’armée française. Au total, « l’armée d’Afrique » a perdu près de 45 000 hommes, ce qui représente un peu plus de 3% des morts français de la Grande guerre.

Soutenue par son empire, la France a pourtant longtemps occulté la mobilisation de ces hommes venus d’Afrique. Le continent africain lui a fourni 165 000 citoyens de l’Afrique Occidentale française (AOF), 18 000 de l’Afrique Equatoriale française (AEF), plus de 172 000 Algériens, près de 100 000 Tunisiens et Marocains et 40 000 Malgaches. Ils ont été engagés à la fois sur le front de France, aux Dardanelles et sur le front d’Orient (les Balkans).

Incorporés dans les bataillons dits de « tirailleurs sénégalais », ces hommes étaient originaires des pays qui constituaient alors l’Afrique Occidentale française, qui regroupe les actuels Sénégal, Côte d’Ivoire, Bénin, Guinée, Mali, Burkina Faso, Niger, Mauritanie et Madagascar.

Un peu plus de 800.000 «indigènes» ont été enrôlés comme soldats ou comme travailleurs dans l\'ensemble des territoires constituant l\'empire colonial français (Afrique, Indochine, notamment). Près de 57.000 d\'entre eux ont été tués et plus de 14.000 portés disparus (source Histoire et mémoires des deux guerres mondiales).
Un peu plus de 800.000 «indigènes» ont été enrôlés comme soldats ou comme travailleurs dans l’ensemble des territoires constituant l’empire colonial français (Afrique, Indochine, notamment). Près de 57.000 d’entre eux ont été tués et plus de 14.000 portés disparus (source Histoire et mémoires des deux guerres mondiales). (AFP)

L’hécatombe du Chemin des Dames

 

Le 16 avril 1917, 15 000 tirailleurs sénégalais sont lancés, en première ligne, à l’assaut des crêtes du Chemin des Dames. Incorporés à la VIe armée, ils sont placés sous le commandement du général Mangin qui espère démontrer la valeur de la « Force noire », décrite dans son livre paru en 1910. Malgré l’engagement de chars d’assaut, la bataille menée entre la Somme et l’Oise se révèle désastreuse. A la fin de cette journée effroyable, près de 1 400 tirailleurs sénégalais, paralysés par le froid, sont tombés sous le feu des mitraillettes allemandes.

Au côté de Mangin, le général Nivelle promet la victoire « en 24 ou 48 heures ». Une dizaine de jours plus tard, l’offensive n’est toujours pas terminée, les combats ont entraîné la mort de 30 000 soldats français, dont 7 500 tirailleurs sénégalais, soit environ 45% des effectifs engagés.

Une telle hécatombe, ajoutée à l’espoir déçu d’une fin de la guerre, provoque une série de mutineries. Dès 1915, les résistances face au recrutement forcé de tirailleurs en Afrique prennent la forme de révoltes ouvertes, comme dans le Bélédougou (Mali), dans l’Ouest-Volta (Burkina Faso), au nord du Dahomey (Bénin) en 1916, ou encore à Madagascar.

Corps expéditionnaire d’Orient

 

De nombreux tirailleurs sénégalais seront également tués sur le front d’Orient, lors de la bataille des Dardanelles en Turquie. Pour attaquer les Turcs (alliés des Allemands), les alliés occidentaux créent un nouveau corps expéditionnaire sous les ordres du général anglais Hamil­ton. Ce corps comporte quatre divisions britanniques (12 000 hommes) et le groupe­ment français du général d’Amade, dénommé CEO (Corps expéditionnaire d’Orient) dans lequel figure la 2e brigade mixte coloniale (6 000 hommes répartis en deux bataillons de « coloniaux » – essentiellement des Pieds-Noirs, des Algériens musulmans et des tirailleurs sénégalais).

Le débarquement a lieu sur les deux rives des Dardanelles. Côté asiatique, c’est un succès : les troupes françaises prennent une à une les tranchées turques lors de combats au corps à corps grâce aux Sénégalais. Malgré les pertes sévères (770 morts côté français), les assaillants sont maîtres du fort. Sur la rive européenne, les Britanniques auront moins de succès. La bataille des Dardanelles sera au final un fiasco militaire pour les alliés.

Durant la Grande guerre, les tirailleurs sénégalais se battent également dans les Balkans, contre l’Allemagne et la Bulgarie. En 1918, ils permettent aux alliés occidentaux de remporter une victoire déterminante sur la Bulgarie.

Des bras pour les usines

 

Le Maghreb n’a pas seulement contribué à l’effort de guerre dans les tranchées mais également en fournissant des milliers de bras pour les usines. Durant quatre ans, l’Afrique du Nord va envoyer 180 000 travailleurs dans l’Hexagone, dont beaucoup vont rester sur place après la fin des hostilités. 100 000 Algériens et 40 000 Marocains ont été envoyés en métropole, essentiellement dans les grandes villes comme Paris, Marseille, Lyon et Saint-Etienne, mais aussi quelquefois dans les campagnes, afin de remplacer la main-d’œuvre masculine partie au front.

Les premiers quartiers historiques maghrébins de France se sont constitués à cette époque : la Goutte-d’Or à Paris ou encore Vénissieux à Lyon. C’est de la Première guerre mondiale que date l’immigration maghrébine en France.

Michel Lachkar

Rédaction AfriqueFrance Télévisions
Source : France Info

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