Terrorisme – Et si Daech établissait sa base au Sahel ?

Quarante-neuf soldats maliens ont été tués le 1er novembre dans le Grand Sahara lors d’une attaque revendiquée par l’État islamique. Le lendemain, un militaire français a également trouvé la mort. Une semaine après l’élimination, en Syrie, d’Abou Bakr Al-Baghdadi, Daech “pourrait se replier dans l’Afrique sahélienne”, avance ce quotidien burkinabé.

Emmanuel Macron, le président français, ne croyait pas si bien dire le 26 octobre dernier, après l’élimination du calife reclus à Raqqa [Abou Bakr Al-Baghdadi], en affirmant “que ce n’[était] qu’une étape, la guerre contre l’EI [était] loin d’être finie”.

Alors que l’on continuait de s’interroger sur les causes de la mort toujours mystérieuse des journalistes Ghislaine Dupont et Claude Verlon, dont ce 2 novembre constitue le sixième anniversaire, les escadrons de la mort des terroristes fondaient sur la base militaire d’Indélimane, dans le secteur de Ménaka, au Mali. Bilan de cette attaque : une cinquantaine de soldats maliens qui passent l’arme à gauche, du matériel détruit et des armes emportées. Après l’estocade contre le camp militaire de Koutougou, au Burkina Faso, le 19 août (24 morts), œuvre de l’EI via l’État islamique dans le Grand Sahara (EIGS), voilà que le Mali vient d’essuyer une lourde bérézina militaire avec ce grand coup de canonnière perpétré par Daech.

 

Le lendemain, un militaire français, le brigadier Ronan Pointeau, rejoignait la liste funeste après que son blindé léger eut sauté sur un engin explosif improvisé, toujours dans la zone de Ménaka. Le même jour, deux autres militaires maliens tombaient les armes à la main, victimes aussi d’un de ces objets explosifs enfouis sous le sol. Résultat : un week-end sanglant, consacré aux défunts.

Mais contrairement aux attaques généralement subies par les forces burkinabées et maliennes, ces agressions ont été revendiquées. Elles sont le fait de l’État islamique dans le Grand Sahara, dirigé par Abou Walid et son sinistrement célèbre second, Abdel Hakim Al-Sahraoui. Une revendication qui a le mérite de couper court aux supputations.

 

L’élimination par les GI américains de la figure totémique de Daech le 26 octobre 2019 ne pouvait être suivie que de spasmes revanchards en Occident, en Amérique et en Afrique. En s’octroyant la paternité de cette hécatombe au camp militaire de Ménaka, le représentant attitré d’Al-Baghdadi en Afrique adresse un avertissement sanglant pour signifier que la disparition de son mentor ne restera pas impunie.

Il ne faudrait pas s’étonner que l’EI décide de faire du Grand Sahara son prochain théâtre d’opérations. Traqué, forcé à la clandestinité en Syrie, étouffé en Libye, il pourrait se replier dans l’Afrique sahélienne, qui apparaît désormais comme la zone plus poreuse.

Les terroristes sont mieux organisés et mieux équipés

 

Les attaques se multiplient contre les armées africaines. Elles sont de plus en plus meurtrières, violentes. Les assaillants deviennent de plus en plus nombreux. Et à chaque attaque, d’importants matériels de guerre sont récupérés. Les groupes terroristes, l’EI dans le Grand Sahara en premier lieu, se renforcent. Ils sont mieux organisés, mieux équipés et semblent évoluer. Leurs capacités de recrutement semblent aussi aller crescendo. En face, les forces armées semblent statiques et, surtout, peu entreprenantes ou impréparées face à ces combattants asymétriques.

Il apparaît aujourd’hui vital que les centres décisionnels prennent (si ce n’est déjà le cas) la mesure de la menace qui est en train de germer dans le giron de l’Afrique. Elle semblait inoffensive lorsqu’il s’agissait de prise d’otages qui apparaissaient bénignes. Mais aujourd’hui c’est une véritable gangrène qui se développe dans les dunes du Sahara, portant atteinte à la paix.

C’est une rengaine. Le G5 Sahel l’a compris et l’a inscrit dans ses gènes. Il faudra vraiment être aux côtés de Barkhane, dont il était prédestiné à prendre la relève. Ensuite, la piste issue du sommet de Sotchi pourrait être mise rapidement en branle, car rien n’est de trop dans cette guerre où l’orgie de moyens et de technologie n’assure pas forcément la victoire, mais l’expertise si.

En ce domaine, les Russes, ayant l’expérience de la bataille de Grozny, pourraient aider les Africains. Mais la réponse au terrorisme n’est pas que militaire. Elle est aussi humaine. Ce qui nourrit largement le recrutement des groupes terroristes, c’est la pauvreté, les inégalités et les injustices. Les réduire, voire les supprimer déridera les lignes régulières de ces agressions. La thérapie doit être cependant plus énergique. Nettement plus énergique.

Ahmed Bambara
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