
L’arabité est une idéologie importée par les dirigeants mauritaniens pour combler un complexe identitaire dont l’origine remonte bien avant l’indépendance. L’avènement du pouvoir militaire depuis 78 a exacerbé ce phénomène devenu au fil des années un véritable frein à la cohabitation. C’est un point de vue partagé par une bonne frange d’intellectuels arabo-berbères et négro –mauritaniens sur les réseaux sociaux et la presse indépendante du pays.
La difficile cohabitation entre les différentes composantes mauritaniennes c’est le plus grand défi auquel le président mauritanien fait face au moment où il normalise ses relations avec l’opposition. A plus de 45 jours de son quinquennat Ould Ghazouani devra apporter parallèlement une réponse au recrutement des 47 élèves officiers de pilote, des 15 cadres supérieurs de la CNAM, à la nomination des 11 chargés de mission à la présidence, aux postes d’ingénieurs et de cadres supérieurs de l’administration publique. Tous appartiennent à la même communauté arabo-berbère. Une hécatombe qui remet en cause l’unité nationale et la cohésion sociale.
Ce système de gouvernance qui s’apparente au racisme d’Etat a engendré une grande fissure de la république au point que les communautés se regardent comme des chiens de faïence donnant ainsi l’impression d’un pays monocolore dans tous les domaines de la nation.
L’histoire retiendra que le premier président de la Mauritanie feu Mokhtar Ould Daddah s’est inspiré d’une idéologie arabe importée du Maghreb de la Libye et des pays arabes comme l’Irak, la Syrie, l’Egypte, l’Arabie saoudite pour ne citer que quelques exemples pour gouverner le pays.
Le père de la nation s’est lancé dans une arabisation à outrance avant d’adhérer à la ligue arabe et en se tournant résolument vers les pays arabes avant de se couper du cordon ombilical africain en quittant les organisations sous régionales africaines comme la CEDEAO, la CEAO, l’ASECNA.
C’est ainsi que la majeure partie des cadres maures sont formés dans les universités arabes pour remplacer plus tard l’élite négro-africaine à dominante francophone. Et de fil en aiguille cette élite arabophone influencée par cette idéologie arabe notamment la plus extrémiste d’obédience baathiste irakienne et syrienne et nassériste égyptienne et libyenne, s’est accaparée de tous les leviers du pouvoir.
Ce rappel historique est nécessaire pour la compréhension de la cohabitation bafouée par tous les locataires de Nouakchott de Mokhtar Ould Daddah à Ould Ghazouani. L’arrivée au pouvoir des militaires n’a pas résolu la cohabitation.
Au contraire les militaires se sont appuyés sur cette idéologie par lâcheté ou peur de perdre le pouvoir en créant davantage des tensions communautaires qui ont atteint leur paroxysme avec les déportations de milliers de noirs au Sénégal et au Mali en 89 et en 91 à Inal 28 soldats négro-mauritaniens sont victimes d’une exécution extra-judiciaire sous le régime de Ould Taya d’obédience Baathiste dont l’idéologie persiste toujours en Mauritanie.
C’est cette arabité pourtant mal acceptée par ceux-là mêmes aujourd’hui qui sont légion dans les hautes sphères de l’administration dans l’enseignement et dans l’audiovisuel et dans les institutions islamiques et aussi dans l’entourage de la présidence.
La majeure partie de ces idéologues arabes sont des arrivistes dont l’intérêt croissant pour des postes les plus stratégiques, est plus important que l’unité nationale. Ce complexe d’identité se traduit par l’imposition de la langue arabe à l’école et à l’université et dans l’administration au point que ces nouveaux convertis mauritaniens demandent l’interdiction de l’usage du français dans les textes officiels.
Cette primauté de l’arabe a conduit les différentes autorités de Nouakchott à reléguer au second plan les langues nationales ( Pulaar, Sooninke et Ouolof).Une négation de la culture négro-africaine qui font des noirs à partir de 2009 avec l’élection de Ould Aziz des apatrides et étrangers aujourd’hui grâce au recensement biométrique. Autrement dit que les locataires successifs du palais de Nouakchott sont toujours en contradiction avec la république.
Ce paradoxe politique et culturel mauritanien est de plus en plus d’actualité sur les réseaux sociaux et dans les éditos et analyses des journalistes indépendants et fait l’objet de contribution de partis patriotiques comme l’UFP et les FPC relayés par leur porte-parole respectif Lô Gourmo et Kaaw Bilbassi Touré qui pointe du doigt la Beydanisation de la Mauritanie ou l’apartheid déguisé.
Ould Ghazouani est condamné à opérer une rupture avec ses prédécesseurs pour réussir d’abord son dialogue politique avec l’opposition qui ne manquera pas de mettre sur la table des négociations la réconciliation nationale. C’est la condition sine qua non d’une cohabitation apaisée et d’une Mauritanie réconciliée avec elle-même où l’arabe sera une langue unitaire qui cohabitera avec les langues nationales pour la promotion sociale de tous les mauritaniens.
Dans le cas échéant la Mauritanie pourrait reproduire l’idéologie arabiste de la Libye d’inspiration Nassériste qui a fini par l’éclatement de ses différentes tribus et une guerre qui n’a pas épargné son leader historique mort dans des conditions atroces, l’Irak d’inspiration Baathiste avec la question Kurde qui divise le pays en deux avant de s’embourber dans une guerre avec un Etat islamiste comme la Syrie d’inspiration Baasiste dont la plus de la moitié de la population sont devenues des réfugiés à travers le monde.
Cherif Kane
Coordinateur journaliste
Suggestion kassataya.com :
Mauritanie : vers un congrès de clarification de l’UFP
(Reçu à Kassataya le 23 septembre 2019)
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