Justice transfrontalière

Dans sa chasse effrénée aux opposants, dont le seul tort est de lui avoir dit non et de s’être élevés contre ses méthodes cavalières de gestion, Ould Abdel Aziz  ne veut aucun répit. Même à quelques jours de la fin de son deuxième et dernier mandat, il mobilise avocats et policiers, dans une traque qui risque fort de n’avoir pas plus d’effet que les précédentes.

Les mandats d’arrêt lancés, il y a quelques années, contre ses opposants à l’extérieur ont été rejetés par l’Organisation internationale de police, la fameuse Interpol, au motif qu’ils sont de nature politique et ne se basent sur aucune preuve formelle. Aziz ne s’est pas avoué vaincu pour autant. Il ordonne à ses hommes de monter un nouveau dossier où deux hommes d’affaires, opposants en exil, sont accusés, entre autres, de «blanchiment d’argent et fraude fiscale ».  Et pour appuyer sa démarche, il sollicite des experts d’Interpol, de façon à rendre le dossier plus «recevable » que le premier. L’homme a manifestement la haine tenace. Et fait  tout pour porter l’estocade à des adversaires coriaces, avant que ses flancs ne se dégarnissent.

C’est ainsi que, de source bien informée, des experts Interpol  sont arrivés, il y a quelques jours, discrètement à Nouakchott au motif qu’ils allaient dispenser une formation mais en fait c’était surtout pour  appuyer lesdits dossiers préparés par le Parquet général mauritanien contre ces opposants vivant l’extérieur du pays. Les voilà repartis après avoir conseillé la maréchaussée sur la meilleure façon de bien ficeler un mandat d’arrêt. N’aurait-il pas été plus judicieux, pour Interpol, que son équipe soit dépêchée pour enquêter sur le Ghanagate et les malles de  Coumba Bâ? Un délit transfrontalier où le dollar américain a coulé à flots.

 

 

Au nom de quel principe Interpol accepte-t-elle de se faire instrumentaliser par  un dictateur prédateur qui, jusqu’au dernier jour de son mandat, emprisonne, fait disparaître et libère comme bon lui semble?

Et que dire des ONG peshmergas qui acceptent d’être les instruments de la police politique : plainte contre des opposants à l’extérieur, juste pour leur porter préjudice, quand bien même le dictateur n’ait pu les juger malgré une justice aux ordres ? Ces mêmes ONG qui ont prêté leur nom pour justifier l’emprisonnement des blogueurs Ould Weddady et Cheikh Ould Jiddou ? Et que dire des dizaines de citoyens honnêtes toujours maintenus en liberté provisoire, depuis plusieurs années, juste pour satisfaire l’ego du guide éclairé ?

L’opposition démocratique doit ameuter toute autorité internationalement compétente : Secrétaire Général des Nations unies, Haut-commissaire des Nations unies pour les droits de l’Homme, Président et Secrétaire général d’Interpol, etc. – pour dénoncer cette assistance policière internationale  contre l’opposition mauritanienne. Il est vraiment grand temps que cette page se tourne, que la justice cesse d’être instrumentalisée, que l’opposition cesse d’être tenue pour délit. C’est une position normale, critique, indispensable au débat de la chose publique et les institutions internationales si soucieuses de promouvoir la démocratie doivent mettre le holà partout où cette position est bafouée. Et ne jamais accepter, en tout cas, de détourner leurs justes règles au service d’une telle injuste traque.

 

Ahmed Ould Cheikh

 

 

Source : Le Calame (Le 23 juillet 2019)

 

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