A Paris, la CAN se joue aussi dans les restaurants

Ambiance mercredi soir dans le XVIIIe arrondissement, lors de la rencontre Sénégal-Bénin.

«Mané, Mané, Mané», scandent les filles dans l’arrière-cuisine chez Zeyna, un restaurant sénégalais dans le quartier de la Goutte-d’Or, à Paris. Sadio Mané est un des leaders de l’équipe nationale sénégalaise de football, les Lions de la Teranga. L’équipe jouait mercredi soir ce soir sa place en demi-finale en Coupe d’Afrique des nations (CAN) contre les Ecureuils du Bénin. Pour l’occasion, Caddie, la fille de Zeyna a fermé sa boutique d’étoffes et rapporte les actions entre les deux équipes de la salle à la cuisine où mijote du dibi, de l’agneau en ragoût. Amadou, sénégalais d’origine, dévore cette spécialité les yeux rivés sur l’écran. Il a dû partir plus tôt du travail pour être chez Zeyna dès 18 heures, au début du match. «Mon patron m’a même emmené à la gare pour que je sois ici à l’heure.» Il faut dire qu’Amadou est cuisinier au centre sportif de haut niveau d’Eaubonne, dans le Val-d’Oise. «Même Mbappé, il est venu s’entraîner chez nous !» déclare-t-il fièrement. Le pronostic officieux de (2-0) pour le Sénégal semble compromis à la mi-temps où le score est toujours nul. La serveuse lit à haute voix le bandeau qui défile sur l’écran. «Le Sénégal est tombé sur un os. Et un gros, ajoute-t-elle amusée. Un os de dinosaure même.»

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De l’autre côté de la rue, dans le café de l’Espoir, l’ambiance est plus masculine. Ils sont environ quarante, à siroter du café et du thé à la menthe sur des chaises en plastiques tournées vers l’écran. Sénégalais, Béninois, Algériens, Marocains… Les commentaires vont bon train. «L’arbitre c’est un Marocain, c’est pour ça qu’il est comme ça !» crie en riant un client qui porte un maillot blanc de l’équipe algérienne strié de trois bandes vertes sur les épaules. Mais Mustapha Ghorbal, l’arbitre qui a refusé un premier but aux Lions à la 53minute est en fait un Algérien, se moquent les autres. A mesure que les minutes s’écoulent, le bar se remplit comme une rame de métro aux heures de pointe. Mais le patron, un Marocain, veille. Il vire les gamins, vérifie que tout le monde prenne une consommation. «Je mets tous les matchs, sans distinction, du premier jusqu’à la finale. Même si mon équipe est déjà en dehors de la course.»

Les supporters sénégalais commencent à s’agiter sur leurs sièges, aucun but ne rentre. A la 66minute, c’est l’explosion de joie, Idrissa Gueye, le joueur d’Everton, ouvre le score et marque le seul but de cette rencontre. On se tape dans les mains et un supporteur improvise quelques pas de danse au milieu de la foule. Le brouhaha a attiré deux prostituées asiatiques qui officient de l’autre côté de la rue. Elles tentent de comprendre ce qui se passe, observent l’écran et repartent en haussant les épaules. A la 73minute, un but est à nouveau refusé aux Sénégalais. La VAR a désormais raison de tous les débats et le patron s’improvise médiateur : «Il y a toujours un perdant et un gagnant. Alors que le meilleur gagne.» Chez Zeyna, les filles sortent le drapeau tricolore sénégalais. Caddie dit à sa copine : «Viens, on fait comme les Algériens, on va sur les Champs-Elysées !»

Mathilde Bienvenu
Source : Libération (France)

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