KANE Hamidou Baba, Président du Mouvement pour la Refondation (MPR) revient à la charge, en s’engageant, le 26/04/2019, dans la course à la présidentielle prévue le 22 juin prochain. Dans une configuration politique inédite, il est le candidat, cette fois-ci, d’une forte coalition de partis politiques dits “négro-africains” qui ont choisi la dénomination du “Vivre-ensemble”. Tout un programme.
Docteur en communication jouissant d’une renommée non usurpée, KANE Hamidou Baba est le cinquième candidat “de poids” déclaré à la présidentielle en Mauritanie, après Mohamed Ould Ghazouani, le “champion” de la majorité appelé à assurer la continuité du Système légué par Mohamed Ould Abdel Aziz, Sidi Mohamed Ould Boubacar, ancien Premier ministre de Taya, adoubé par le parti islamiste Tawassoul, et deux candidats issus de l’opposition traditionnelle: Biram Dah Abeid, leader abolitionniste dont l’organisation IRA (non reconnue) a scellé un pacte “stratégique” avec le parti ba’thiste Sawab, et Mohamed Ould Maouloud, soutenu par son parti, l’Union des forces de progrès (UFP) et le Rassemblement des forces démocratiques d’Ahmed Ould Daddah “empêché”, comme Messaoud Ould Boulkheir, par la limitation de l’âge (75 ans) d’être de la partie.
La candidature de KANE Hamidou Baba sonne comme une remise en cause du Système dans ses fondements depuis la création de l’Etat mauritanien, avec la question récurrente du partage du pouvoir entre les deux communautés nationales : les Arabes, revendiquant une large majorité, et les Négro-mauritaniens qui estiment qu’il y a une volonté manifeste de les confiner dans une citoyenneté de “seconde zone”. Le “Vivre-ensemble” qui fonde les revendications de cette communauté rappelle, dans ses grandes lignes, les soubresauts que la Mauritanie a connus aux premières années de son indépendance et qui n’ont été transcendés que par le semblant de consensus national sur lequel Moctar Ould Daddah avait jeté les bases de l’Etat-Nation.
La détérioration de ces compromis (tout autant que les compromissions) est aujourd’hui à l’origine du malaise et la refondation réclamée par le parti de KANE Hamidou Baba n’est rien d’autre que ce “Vivre-ensemble” auquel il associe, pour plus d’efficacité politique et stratégique, les autres formations dirigées par des Négro-africains : l’AJD/MR de Ibrahima Moctar Sarr, le PLEJ de Bâ Mamadou Alassane, le RPC (ex FLAM) de Thiam Samba et le MPC Arc-en-ciel de Bâ Alassane Hamady Soma, alias Balas, auxquels il faudra aussi adjoindre des organisations de la société civile issues de cette communauté nationale.
Pour la première fois, ces formations politiques assument, ensemble, des revendications nouvelles-anciennes, mélange de malaise profond (le sentiment d’être exclus) et de ressentis qui remontent aux douloureux évènements de 1989 faisant naître, depuis, un besoin urgent de démocratie et de justice.
Il est cependant réconfortant de constater que ces partis politiques, “identitaires” par réaction à une situation de suprématie affichée par une certaine élite maure, proposent une solution qui rétablirait cette Mauritanie unitaire dans laquelle on retrouverait les vertus d’antan : le dialogue et la recherche du consensus.
C’est le sens qu’il faut donner à la promesse du candidat KANE d’organiser, au bout de trois mois, des Assises nationales destinées à corriger les dysfonctionnements constatés aujourd’hui parce que les “Mauritaniens ont raté plusieurs occasions de se parler.” “Dans les cent jours suivant mon élection à la Présidence de la République, j’organiserai des assises nationales dans lesquelles toutes les forces vives du pays seront représentées. Nous chercherons des consensus forts sur des sujets touchant aux réformes constitutionnelles, aux institutions, à l’aménagement du territoire, aux réformes foncières et pastorales, au découpage administratif (…) mais aussi à la gouvernance politique qui sera assortie d’une charte de l’unité nationale et de la cohésion sociale”.
Il livre déjà ce qui semble être les prémices d’un programme politique qui, s’il nécessite d’abord, la victoire du candidat pour sa mise en œuvre, est avant tout une suggestion “notable” pour Ould Ghazouani que les observateurs considèrent, à tort ou raison, comme le successeur probable d’Aziz.
L’exclusion qui entame sérieusement l’unité nationale passe pour le dossier qui a le plus besoin d’un “plan d’urgence” politique, mais le candidat du “Vivre-ensemble” n’oublie pas ce qui est commun à tous les Mauritaniens : la détérioration des conditions de vie, la santé, l’éducation, l’eau et l’électricité. “Dans cinq ans, nous allons renverser la tendance ; les Mauritaniens produiront 70% de ce qu’ils mangent. L’eau, l’électricité, le riz, le sucre, les farines et l’huile connaîtront une baisse avant la fin de l’année 2019”. Le candidat a également exprimé sa volonté de réformer le système éducatif : “L’école publique unifiée sera restaurée pour la mettre à la portée de tous nos enfants, une fois réglée la question des langues, désormais officielles. Nous ne voulons pas une école publique ou privée dans laquelle nos enfants se tournent le dos. Nous allons réactiver les internats, particulièrement en milieu rural, et créer trois universités à Rosso, à Kiffa et à Nouadhibou”.
KANE Hamidou Baba a par ailleurs dit qu’il va confier le prélèvement de la Zakat à l’Etat, assurer l’accès universel à la santé, le retour de l’Armée dans les casernes et la création d’emplois pour les jeunes. L’offre est donc alléchante mais le candidat du “Vivre-ensemble” doit compter avec la dispersion, plus que pour les autres candidats, d’un électorat négro-africain dont une bonne partie a toujours fait allégeance au pouvoir et une autre voit en Biram Dah Abeid le “Messie” tant attendu.