Unité nationale et Cohésion sociale : Les défis d’une Nation comme projet politique et social : Tentative de réflexion : Dr Sao Ousmane

« Tu comprends maintenant pourquoi, ami étranger, j’aime et je vénère ma patrie comme ma mère ; pourquoi ? Si riche de tout ce qu’elle me donne, je désire transmettre cet héritage. Ne crois pas que cet amour que j’ai au cœur soit aveugle. Mais devant toi, je ne dirai pas les défauts de ma mère Patrie. Car tu sais bien qu’un fils ne gagne rien à critiquer sa mère. C’est en grandissant lui-même qu’il la fait grandir. Si je veux ma patrie meilleure et plus saine, que je devienne moi-même meilleur et plus sain». Texte extrait d’une copie d’un élève de classe de 3ème en 1976 lauréat national dans un concours écrit sur le thème de la Patrie.

Afin de comprendre et d’analyser les réalités actuelles, il est toujours intéressant de faire un retour sur l’esprit des différents positionnements politiques et des dispositifs. Nous allons essayer de définir les mots suivants essentiels pour continuer cette tentative de réflexion : 

I – Les différentes préoccupations liées à l’intérêt national

La Mauritanie, comme la plupart des Etats africains, est le fruit d’une histoire particulière, une nation jeune où tout est à consolider parce qu’évoluant au rythme des autres ayant acquis leurs libertés depuis des années. Notre pays est à ranger dans le groupe particulier des successeurs d’une circonscription administrative d’un ancien empire colonial démantelé, la France en l’occurrence. Dès l’indépendance en 1960, les mauritaniens ont eu la volonté de constituer, une nation unifiée dans le cadre de ses frontières. Le peuple mauritanien est passionné en tout ce qu’il fait et c’est pourquoi, seules la défense de la sécurité publique, la préoccupation liée à l’intérêt national, la concession, la concertation, la garantie de l’expression plurielle, des convictions politiques, religieuses, syndicales dans le respect des institutions, de la Constitution, des lois et règlements pourraient garantir un environnement apaisé pour les populations, les investisseurs et l’économie nationale. Les organisations non gouvernementales, les autres composantes de la société civile, en restant à équidistance des forces au pouvoir et de celles de l’opposition, joueraient un rôle salvateur, de réconciliateur, de facilitateur, au besoin même, rien ne les empêcherait de faire appel aux régulateurs sociaux traditionnels que sont les grands chefs religieux. La force, la violence, la rébellion, la révolte, l’arrogance, l’anarchie ne sauraient assurer une paix durable. Par contre le consensus issu d’une concertation tant large que sincère, le dialogue, le respect mutuel, la considération dues aux lois et règlements, aux institutions, l’éducation des jeunes générations par la transmission des valeurs fondamentales de la vie humaine semblent être une nécessité voire une urgence pour notre cohésion nationale. Cette éducation ne devrait pas être laissée aux seules mains des établissements scolaires. Ce qui nous amène à dire que les secteurs de la vie et de la création se dessinent aujourd’hui par une reprise en main du passé avec la conviction que le présent est un immense réservoir pour penser l’avenir. Les responsables de la nation doivent travailler à l’élaboration et au renforcement de dispositifs permettant d’impliquer plus significativement la jeunesse dans le développement du pays. Cet effort peut notamment passer par des échanges entre les jeunes vivant au pays et leurs concitoyens de la diaspora qui représentent une force extraordinaire.

II- Le défi à souligner

Le défi pour notre pays est dans le dépassement des frontières ethniques, culturelles, linguistiques et il importe de le relever. C’est, à n’en douter, l’occasion de poursuivre le chantier de l’unité nationale, de construire une société républicaine juste, réciproque, franchement collaborative, viable et vivable pour toutes les composantes sociologiques et linguistiques quelles qu’elles soient.

L’identité nationale, c’est le fait de se sentir comme partie intégrante d’un grand tout, et finalement, son fondement c’est la cohésion sociale. Et c’est peut-être par crise de la cohésion sociale, liée au chômage, aux inégalités croissantes qu’il y a crise de l’identité nationale. Crise que l’on constate entre autre par l’expression d’un rejet. Le modèle de l’Etat-nation a fait que l’identité nationale a longtemps été associée à l’identité civique pour que l’identité nationale devienne identité culturelle, et que la citoyenneté s’exerce à un autre niveau, et que l’on aille ainsi, petit à petit, vers une identité post-nationale. Malheureusement, on constate que la tendance est à l’inverse : les micro-nationalismes, au niveau infranational* revendiquent pour eux-mêmes la souveraineté politique, et la pensée souverainiste a encore beau jeu dans la politique interne de notre pays. Pourtant laisser les seules logiques économiques, commerciales et financière régir un monde qui a plus que jamais besoin de justice, d’égalité, et de projet commun est incompréhensible. L’identité civique au niveau national, cosmopolitique et peut-être un jour « post-nationale » est devenue un impératif.

Même si la définition de la cohésion sociale ne va pas de soi parce qu’elle est à la fois un état et un processus et parce qu’elle se situe entre l’idéal et le réel, on peut s’en former un concept qui ne privilégie aucune dimension au détriment de l’autre mais qui, tout au contraire, s’appuie sur l’écart entre les deux pour parvenir à une définition. Il faut alors tenir compte autant des opinions que des pratiques, des faits que des droits. La tâche n’est pas simple, mais elle n’a rien d’impossible et elle ne vire pas à l’éclectisme car au bout du compte toute cette théorie est charpentée autour de cette idée, déjà présente chez Durkheim, que dans nos sociétés la justice sociale est au cœur de la cohésion. Dans cette perspective, la cohésion n’est pas l’absence de conflits, de désaccords ou de divergences mais ce qui assure la coexistence dans le cadre raisonnable du respect de l’égale liberté de chacun.

III – Pour ne pas conclure

Nous constatons que lorsque tous les principes sont réunis et que la nation a choisi ses représentants pour les différentes assemblées ou instances ainsi que le Président de la République, le problème de la liberté des individus se pose constamment avec acuité du fait des interprétations différentes qu’en font surtout les hommes politiques selon ce qui les arrange le plus, suivant les circonstances du moment, peu importe l’intérêt général, celui de la nation. Nous allons surtout retenir la définition positive de la liberté qui l’assimile beaucoup plus à de l’autonomie et de la spontanéité d’une personne dotée de raison de pouvoir agir quand elle en sent le besoin. La liberté est la possibilité de pouvoir accomplir un acte selon sa propre volonté, que ce soit dans le cadre d’un système politique ou social, à la condition de ne pas porter atteinte aux droits des autres membres de la société et à la sécurité publique. N’est-ce pas pour cette raison fondamentale qu’il est dit qu’elle s’arrête là où commence celle des autres ?

Le respect strict des lois et règlements, renforcé par celui dû à l’environnement social, c’est-à-dire envers ses prochains, ses concitoyens, des institutions, les recommandations de la morale, de l’éthique, des exigences de l’équilibre vital, doit demeurer, de manière constante, dans l’esprit de tout un chacun d’entre nous avant chaque acte à poser, surtout lorsqu’il revêt un caractère public aux conséquences incommensurables. Nous devons nous en soucier en nous posant la question de l’impact positif et négatif que pourrait avoir l’exercice d’un droit sur les autres ou face à eux. Le plus important dans la vie en communauté réside dans notre capacité, notre aptitude à dépasser nos propres personnes, l’égo de chacun d’entre nous pour l’intérêt exclusif du plus grand nombre, dans une république, ne peut et doit être que celui de la nation quelle que soit la force politique, sociale, financière dont nous pensons disposer.

PS : QUE LE TOUT PUISSANT PROTÈGE NOTRE CHER PAYS

*Le terme infranational désigne un niveau inférieur à celui d’une nation. Par exemple, on parle d’un pouvoir infranational pour faire référence à une autorité qui s’exerce sur un territoire plus restreint qu’un pays : une région, une commune.                                           Éclectisme se dit aussi de la disposition d’esprit qui consiste à se garder de toute vue étroite et systématique.

Bibliographie

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Simmel G., 1905. Sociologie. Etudes sur les formes de la socialisation, Paris, PUF, tr. fr. 1999.

Smith A., 1759. Théorie des sentiments moraux, Paris, PUF, tr. fr. 1999

Smith A., 1776. Enquête sur les causes et la nature de la richesse des nations, tr. fr. 1999

Nations et nationalismes depuis 1780 : programmes, mythe et réalité, Gallimard, 1992 (éd. originale : Nations and Nationalism, 1990).

McCrone D., Surridge P., 1998. National Identity and National Pride. In Roger Jowell, et al., « British and European Social Attitudes, the Fifteenth Report », Ashgate, Aldershot.

« Identité nationale : « grosse ficelle » pour la gauche, geste « électoraliste » pour le FN [archive] », sur LeMonde.fr, 26 octobre 2009.

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Van Eeckhout L., « Thuram et quatre personnalités lancent un appel à une « République multiculturelle et post-raciale » » [archive], sur lemonde.fr, 20 janvier 2010 (consulté le 10 juin 2018)

Fraser N., 1996. Qu’est-ce que la justice sociale ? Reconnaissance et redistribution, Paris, La Découverte, tr. fr. 2005

 

 

(Reçu à Kassataya le 11 avril 2019)

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