Mauritanie, le grand vide autour des malades qui vivent avec la trisomie 21

Dieynaba Diallo est la mère d’un enfant trisomique décédé, à l’âge de 14 ans,…Un jour, on lui avait balancé à la figure :

 

« Cet enfant, Dieu te l’a donné pour que tu le caches ». Des mots qui résonnent toujours dans les oreilles de Dieynaba Diallo, qui dirige aujourd’hui l’ADHEH, l’association pour le développement holistique de l’enfant handicapé, créé en 2012. Cette association mène un combat pour une plus une grande prise de conscience sur la trisomie 21, une maladie qui reste très peu connue en Mauritanie, célébrée dans le monde entier, chaque 21 Mars.

« La situation des enfants atteints de Trisomie 21 reste très peu connue autant des parents, des proches que de l’environnement social global dans lequel évolue l’enfant. […] La problématique du handicap, malgré les avancées récentes en matière de politique d’inclusion, reste un problème entier qui nous concerne tous », relève Mariétou Konté, coordinatrice de l’ADHEH, lors de la journée mondiale de la trisomie 21, appelant à plus d’ »environnement protecteur » sur les porteurs de cette maladie.

-On porte cette faute sur notre dos-

Dieynaba Diallo, présidente de l’ADHEH : « Ils sont souvent exclus du système scolaire. Ils sont exclus de façon générale. C’est compliqué. Quand on a un enfant qui n’est pas comme les autres, qui est né avec ses différences, on a différents problèmes à gérer. Le premier problème, c’est le regard des autres. Ils sont vus différemment, ils sont vus comme une chose, pas une personne. Au sein déjà de la famille, la maman est généralement prise comme la personne qui a mis au monde cette chose qui n’est pas comme les autres enfants. On porte cette faute sur notre dos. Il faut le vivre. C’est l’occasion de nombreux divorces. La femme se retrouve seule avec l’enfant, soit à mendier, soit à s’occuper de l’enfant si elle a les moyens de le faire. Je me rappelle quand pour la première fois, j’ai amené mon enfant à l’école maternelle, quelqu’un m’a dit : ce type d’enfant, Dieu te l’a donné pour que tu le caches. Ce que je n’ai pas accepté bien sûr. »

En Mauritanie, la prise en charge de la Trisomie 21 est encore loin d’être acquise, en attendant l’ADHEH parie sur le cheval de la sensibilisation pour informer sur cette problématique, et arriver ainsi à une plus grande prise de conscience et davantage d’engagements pour que le vide actuel autour de la trisomie 21 et des familles qui vivent avec, se transforme en une prise en charge effective et accessible.

Aminétou Mint Elmoktar, présidente de l’Association des femmes chefs de famille (Afcf) : « C’est un stigmate que l’enfant porte, que la famille porte, à vie. Et ce n’est pas facile à porter. Malheureusement, jusqu’à présent les efforts restent très minimes et très éphémères pour que ces enfants puissent vivre une vie digne, garantie par la loi, les conventions internationales, sous-régionales que la Mauritanie a ratifiées comme la Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE), la Charte Africaine des droits et du bien-être de l’enfant, l’Ordonnance n°2005-015 portant protection pénale de l’enfant. […] Nous avons vu des enfants atteints de trisomie 21 dans d’autres pays qui écrivent, dessinent et qui contribuent même, parfois, ils travaillent et ça c’est très important. Notre religion protège cette catégorie d’enfants, leur donne une valeur de plus, une importance de plus. Malheureusement, tout ça n’est pas tenu en compte, dans notre société qui tient toujours au confort et à la personne complète. »

-« Croyances culturelles »-

Dans nos pays, les croyances culturelles ont la peau dure. Koita Khalil, psychologue, plaide pour la mise en place de centres d’accueil pour les enfants porteurs de trisomie 21:

« Quand tu as besoin de quelque chose que tu n’as pas trouvé, ça peut être la cause de ce trouble. Il y’a même des médecins qui ont existé dans ce domaine et qu’on appelle « les médecins du désir ». Ils vont te demander de sacrifier des choses pour que l’enfant rentre. J’ai rencontré une femme qui me dit : je voulais vraiment un salon très magnifique mais mon mari ne m’a pas aidé à trouver ce salon donc l’enfant est né dans ces conditions. Donc, on est souvent dans les croyances culturelles. Il faut faire attention à ça aussi, en balayant la peur et la honte. Quand on a un enfant porteur de trisomie 21, le regard des autres, ça nous impacte, ça nous touche. On connait des situations où les familles enferment leurs enfants. »

Ouvrir les yeux sur la trisomie 21, une anomalie génétique, c’est faire un dépistage précoce pendant la grossesse, pour une prise en charge adéquate, recommande Dr Houlimata Ba, cardiologue :

« Sur le plan médical, ce sont des enfants sujets à beaucoup de pathologies notamment cardiaques. Un sur trois patients trisomiques vont naitre avec une anomalie cardiaque, donc congénitale. Si cette anomalie n’est pas dépistée à temps, ce qui pose plus de problème, il arrivera que cette pathologie cardiaque ne sera plus curable à long terme. Du coup, qui dit problème cardiaque incurable, dit taux de mortalité qui va augmenter. Si le dépistage est fait très tôt, ces malades peuvent être pris en charge chirurgicalement parce qu’il faut les opérer. Une fois, ces enfants opérés, ils sont déclarés guéris. Le problème qui se pose, ce sont des enfants qui n’ont pas de prise en charge, en général. Parmi les patients que je vois trisomiques, 2 à 3% ont une prise en charge au niveau de la CNAM. Si, on n’a pas une prise en charge adéquate pour ces enfants, du coup y’a un gros problème. La prise en charge chirurgicale est très couteuse : pas moins de 2 millions d’ouguiyas. Les autres pathologies ne posent pas beaucoup de problèmes, d’autant plus que c’est un traitement médical. Le plus gros problème, ce sera le volet cardiaque. »

En Mauritanie, il n’existe pas encore de statistiques sur la trisomie 21.

Texte & Photos | Par Babacar BAYE NDIAYE

Source : Mauriweb

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