
L’opposition mauritanienne qui se cherche un candidat unique ou principal en vue de l’élection présidentielle de juin 2019 peine visiblement à en trouver en son sein.
C’est ainsi qu’elle aurait jeté son dévolu sur le richissime homme d’affaires mauritanien Mohamed Ould Bouamatou. Ce philanthrope intéressé, jadis ami du président sortant Mohamed ould Abdel Aziz, dont il a participé de façon significative à l’élection, est aujourd’hui exilé car poursuivi judiciairement par les autorités mauritaniennes sur des dossiers aussi bien économique, financiers et sécuritaires. Mais afin de lever ce blocage politico-judiciaire, l’opposition en appelle à l’intervention de la France pour lever le mandat d’arrêt émis à l’encontre du mécène par les autorités mauritaniennes.
Face à la machine de guerre étatique qui aurait intronisé le général Mohamed Ould Ghazouani comme le candidat du système politico-militaire au pouvoir depuis 1978, il fallait à cette opposition fébrile un géant à la hauteur du camp d’en face.
Cependant, le choix ou plutôt l’option retenue ébahit et surprend plus d’un observateur de la scène politique mauritanienne. Au-delà du choix, la méthode interroge tant elle surprend.
Interrogeons la méthode du choix
La méthode consistait à produire un programme politique commun consensuel prenant en compte les intérêts de la nation, puis dans une seconde phase trouver une personnalité politique ou de la société civile pouvant incarner ce projet de société. Ainsi, l’opposition dans son hétérogénéité, comme un seul homme, accompagnera cette alternance.
Depuis plus d’un mois l’opposition réunie autour d’une alliance regroupant pas moins de 15 partis politiques veut se trouver un candidat unique face au candidat du pouvoir en place. Peine perdue, car Biram Dah Abeid de la coalition IRA-SAWAB et par ailleurs membre de l’alliance a déclaré sa candidature de façon unilatérale et en dehors de la coalition.
C’est ainsi que se profile la théorie de la candidature principale en substitution de la théorie de la candidature unique.
Cependant à moins de quatre mois de l’élection, l’opposition n’a présenté ni un programme commun et encore moins un candidat.
Le choix cornélien du candidat
Face à cet imbroglio, des noms circulaient dont les plus crédibles étaient Mohamed Ould Maouloud de l’UFP ou l’ancien premier ministre du dictateur Maaouiya Ould Sidi Ahmed Taya, à savoir Sidi Mohamed Ould Boubacar.
Cependant, un nom et pas des moindres revenait sans cesse malgré le scepticisme de beaucoup d’observateurs, il s’agit de l’homme d’affaires exilé Mohamed Ould Bouamatou ancien financier du président sortant.
Sauf que le faiseur de roi Mohamed Ould Bouamatou est poursuivi par les autorités mauritaniennes et qu’il lui est impossible de fouler le territoire national sans être appréhendé par la justice.
Que Ould Bouamatou soit le manitou, le financier qui dépense sans compter, ou le marionnettiste qui tire les ficelles dans l’ombre est envisageable; mais qu’il incarne le projet de société de l’opposition en tant que candidat ne cesse d’étonner.
Une stratégie douteuse
Il y a des principes doublés de symboles qui dés l’instant qu’ils sont bafoués font tâche.
Face aux poursuites dont est victime Mohamed Ould Bouamatou, l’opposition n’a pas trouvé mieux que de solliciter l’aide de chancelleries étrangères établies Mauritanie.
Ainsi en date du 18 février 2019 les partis politiques de l’alliance électorale ont écrit une lettre, dont nous avons eu copie, demandant à Robert Moulié ambassadeur de France en Mauritanie d’entreprendre les démarches auprès des autorités mauritaniennes pour permettre à Ould Bouamatou de se présenter à la commission d’investiture des candidats de l’opposition.
Cette invitation à la France à s’immiscer dans les affaires politiques internes est plus qu’étonnant venant d’une opposition à qui il arrive souvent de dénoncer cet état de fait.
Cette attitude est incongrue et manifestement peu appréciable tant dans le fond et dans la forme. C’est une faute de débutant pour une opposition animée par des hommes d’expérience, reconnus pour leur patriotisme et leur attachement à la souveraineté de leur pays.
Dans le fond, c’est une question de principe. On n’invite pas des pays étrangers dans des problèmes politico-judiciaires internes. Surtout s’agissant de l’ancienne puissance coloniale.
C’est une invitation à une ingérence très souvent dénoncée par les progressistes.
Toujours dans le fond, c’est franchement faire preuve de naïveté que de croire que la France n’a pas déjà choisi son camp ou qu’elle serait neutre dans le processus politique en Mauritanie. La France qui n’a de principes que ses propres intérêts a choisi le camp de ceux qui donnent plus de gage sécuritaire dans la sous région. Donc celui des militaires.
Quant à la forme, nul doute qu’il arrive qu’on sollicite -en faisant fi des principes- des pays étrangers sur des questions internes sensibles mais jamais en écrivant des courriers susceptibles de fuiter.
Enfin, l’alternance que beaucoup appellent de leurs vœux impose aussi une rupture des liens de vassalité entre la France ou d’autres puissances et l’élite politique qu’ils soient au pouvoir ou dans l’opposition.
L’opposition politique en Mauritanie qui porte encore l’espoir d’une frange de la population vient à travers cet acte suicidaire de se tirer une balle dans le pied, hypothéquant encore une fois ses chances.
Diallo Saidou dit Thierno
22 février 2019
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