Une application de messagerie polyglotte, le pari d’un ingénieur béninois

Créée en septembre 2018 par un ingénieur béninois installé dans la Silicone Valley, la messagerie instantanée Interim a pour but d’interconnecter les internautes en brisant les barrières linguistiques.

Les messageries instantanées comme Messenger ou Whatsapp nous permettent déjà de converser avec le monde. Un Français peut discuter avec un Chinois ou un Arabe à condition qu’ils soient bilingues ou polyglottes. Mais imaginez un réseau social qui vous permet de vous faire comprendre directement dans la langue de votre interlocuteur et inversement.

C’est le défi que veut relever la messagerie instantanée « Interim » lancée en septembre 2018 par un ingénieur béninois Sem Irvin Djéguédé. « Interim est une application de messagerie instantanée dotée d’un programme de traduction intelligente, qui permet notamment de briser la barrière de la langue », explique à France 24 l’informaticien de 33 ans qui a travaillé comme chef de projet Business intelligence (BI) pour PSA Peugeot-Citroen à Paris. « Avec Interim, si vous êtes francophone à Conakry, vous pouvez communiquer aisément avec un Chinois à Pékin sans parler un seul mot de mandarin », dit-il fièrement.

Engouement des internautes

Depuis son lancement, l’application disponible sur Android et bientôt sur IOS a été téléchargée près de 7 000 fois, preuve de l’engouement qu’elle a suscité et du besoin des internautes. « Nous avons été surpris par le nombre de téléchargements en moins de quatre mois. On avait projeté d’atteindre 10 000 téléchargements d’ici septembre 2019. Mais là je pense qu’on atteindra les 50 000 téléchargements à cette échéance », s’enthousiasme Sem Irvin Djéguédé.

C’est pendant ses missions au sein du groupe PSA que lui est venue l’idée de concevoir la messagerie instantanée Interim. Le constructeur leader du marché automobile en France a des filiales un peu partout dans le monde. Un environnement de travail multilingue où pourtant les barrières linguistiques ne sont jamais loin. « Lors d’un voyage à Istanbul, je devais être à une réunion à 9 heures. J’ai eu un retard de 45 minutes parce que mon chauffeur ne comprenait ni l’anglais, ni le français. Il ne parlait que turc. Une langue que je ne comprenais pas non plus. Je n’arrivais pas à lui indiquer correctement l’adresse. On a donc perdu beaucoup de temps à nous balader en ville », raconte l’ingénieur. Autre situation : certains collègues ne sont pas tous à l’aise avec l’anglais et se retrouvaient dans des situations délicates face à des emails qu’ils comprenaient mal.

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Ces différentes anecdotes ont conforté Sem Irvin Djéguédé dans son idée de concevoir une application qui interconnecterait le monde en surmontant les barrières linguistiques. En juin 2016, l’ingénieur béninois quitte son travail et s’envole pour les États-Unis. Attiré par l’écosystème des start-ups américaines, il s’installe avec deux autres cofondateurs (un Indien et un Ivoirien) à Palo Alto dans la Silicon Valley pour développer son application devenue une société de droit américain. « Nous y avons trouvé quelques investisseurs et mentors qui ont été intéressés par le projet », explique l’ingénieur. C’est ainsi que l’application a pu voir le jour.

Comment fonctionne-t-elle ? Une fois inscrit sur Interim, l’utilisateur peut renseigner sa langue, se faire des amis en fonction de ses centres d’intérêt. « On peut aussi retrouver des amis à partir de leur email ou de leur numéro de téléphone », explique Sem Irvin Djéguédé. Pour l’instant, il n’y a que deux langues (l’anglais et le français) disponibles sur l’application. « Mais dans les prochains mois, nous allons lancer, le mandarin, le russe, l’espagnol et l’arabe. Ce sont les langues les plus parlées ».

Tour de Babel 2.0

Mais l’application suscite déjà des interrogations dans le rang des universitaires. « L’application me fait penser au mythe de Babel. Du point de vue biblique, Dieu a puni les hommes en diversifiant les langues. Mais là, c’est comme si le numérique aidait à nouveau les hommes à communiquer en se comprenant chacun dans leurs langues, une sorte de Tour de Babel 2.0 », analyse la sociologue Absa Gassama interrogée par BBC Afrique. Et d’ajouter : « Du point de vue cognitif, c’est bien de parler plusieurs langues. On est dans un monde globalisé. Est-ce qu’on va se cacher derrière un outil même s’il est instantanée ou continuer à parler plusieurs langues ? Cela remet beaucoup de choses en question ».

Pour Sem Irvin Djeguédé, l’intérêt d’apprendre et de parler de nouvelles langues demeure : « Cela ne va pas rendre paresseux les utilisateurs ». Interim – qui signifie en latin « pendant ce temps-là » – « permet juste d’échanger le temps d’avoir les bonnes bases dans la langue de son interlocuteur », défend l’ingénieur.

 

 

Source : France 24

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