Au Sénégal, la NBA lance sa première académie de basket en Afrique

C’est à Saly, à 85 km au sud de Dakar, que la ligue américaine de basket-ball a décidé d’établir son premier centre de formation africain.

Ce sont des géants, des gamins. Ils sont dix-neuf à étirer leurs longs membres sur ce parquet flambant neuf. Le brûlant soleil du Sénégal semble lointain sous la tente blanche qui enserre cette salle d’entraînement haut de gamme dans laquelle ronronnent les climatiseurs. Balle en main, ils sont ce que l’Afrique peut offrir de meilleur au monde du basket. Des talents de 14 à 20 ans qui ont été sélectionnés sur tout le continent pour faire partie de la première promotion de la NBA Academy Africa.

C’est à Saly, cité balnéaire située à 85 kilomètres au sud de Dakar, que la ligue américaine de basket-ball a décidé d’établir son premier centre de formation africain. Si l’expérience a débuté en mai 2017, ce n’est que le 26 novembre que le centre a officiellement ouvert ses portes. Il s’est établi dans l’institut sport-études Diambars, créé en 2003 par Patrick Vieira et Bernard Lama pour former l’élite du football sénégalais. De longs bâtiments aux toits de tuile, des allées ombragées de palmiers et des pelouses scintillantes qui détonnent dans l’environnement aride de la région.

« Nous avons choisi le Sénégal, car c’est un pays stable. Les gens sont accueillants, la nourriture est bonne et c’est facile d’y venir comme de partir », avance Roland Houston, coach vétéran du basket universitaire nord-américain, aujourd’hui directeur technique de l’académie.

Le Sénégal est surtout le pays le plus titré du continent en cumulant le basket masculin et féminin. C’est aussi un pourvoyeur important de joueurs pour les championnats occidentaux. Onze Sénégalais ont déjà foulé les parquets de la NBA depuis 1998. Il faut aussi compter avec les récents investissements de l’Etat dans de nouvelles infrastructures : un aéroport international en décembre 2017 et la Dakar Arena, un palais des sports, en août.

« Ce sont encore des enfants »

 

La NBA Academy de Saly est avant tout le rêve d’Amadou Gallo Fall, vice-président de NBA Africa, la branche de développement et de promotion de la ligue américaine sur le continent, ouverte à Johannesburg en 2010. Cet ancien joueur sénégalais, ayant évolué en Tunisie et aux Etats-Unis, est aussi le fondateur de la SEED Academy, un incubateur qui promeut le basket-ball en offrant des cursus de sport-études aux jeunes de son pays.

La création de la NBA Academy s’intègre dans une démarche d’extension et de développement international, adoptée depuis octobre 2016 par la ligue américaine. Il existe déjà six académies NBA dans le monde : trois en Chine, une en Australie, une en Inde et une au Mexique.

Dans cette académie, le premier défi est la langue. Les dix-neuf joueurs ont été recrutés dans huit pays africains (Sénégal, Nigeria, Mali, Cameroun, République démocratique du Congo, Soudan du Sud, République centrafricaine et Rwanda). Il a fallu adopter deux cursus scolaires, en français et en anglais. « L’objectif de cette académie est de former des athlètes certes, mais d’abord des étudiants performants avec un esprit de leader, relève M. Houston. S’ils ont l’air grands et forts, il ne faut pas oublier que ce sont encore des enfants. »

Avant de pénétrer en NBA, il faut passer par la NCAA, le championnat universitaire américain, vestibule de la ligue. Mais, à Saly, aucune structure éducative n’est accréditée par le système américain. L’académie a donc mis en place un cursus en ligne. « C’est comme une école virtuelle, explique Michael Abbott, l’un des deux enseignants du centre. Les jeunes prennent des cours d’anglais, de mathématiques, de science et d’histoire-géographie des Etats-Unis, afin d’être à niveau pour passer l’examen d’entrée. »

Les cours durent de 8 h 30 à 17 heures, entre les entraînements du matin et ceux du soir. La tâche est complexe. « Ils ont des niveaux très différents selon leur pays d’origine, poursuit-il. Il manque à certains des compétences fondamentales. Heureusement, le programme permet d’avancer à son rythme et d’être corrigé en direct par un professeur basé à Seattle. »

N’est-ce pas étrange, quand on est camerounais, de devoir apprendre l’histoire des cinquante Etats américains ? « Ah oui, c’est bizarre, mais on se dit que ça nous servira plus tard », dit timidement Aldrin Dongmo, face à son ordinateur. Fraîchement arrivé au centre, le jeune homme de 19 ans, qui culmine à 2,15 mètres, ne fait du basket que depuis trois ans.

Son profil est similaire à celui de ses coéquipiers. La plupart ont commencé à jouer sur le tard, mais compensent par une taille ou un physique hors du commun. « Ils ont souvent dû s’entraîner sur des mauvais terrains et sont plus susceptibles aux blessures, explique Alexander Alubankudi, le préparateur physique. On doit développer leur corps en leur donnant de bonnes habitudes nutritionnelles et sportives. »

« Il y a toujours une part de chance »

 

Afin de recruter ses jeunes pousses, la NBA Academy s’est appuyée sur ses relais à travers le continent. Un puissant réseau d’agents, développé depuis 2010 dans les fédérations. Elle a aussi créé cinq camps de sélection entre 2016 et 2017. « Nous n’avons pas de type de joueur prédéfini, nous recherchons d’abord des jeunes qui présentent un bon potentiel et une forte marge de progression, explique M. Houston. La NBA exige d’avoir du physique, une intelligence de jeu, une ouverture d’esprit, surtout de se sentir spécial, sinon tu n’y arriveras pas. »

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Wegscheider Kurt-Curry est de ceux-là. Quand on lui demande quel est son joueur préféré, le meneur de 17 ans répond : « Moi-même. » Ce Centrafricain, qui a grandi à Bangui, a trouvé dans le basket une échappatoire. Il se rappelle les coups de feu qui le réveillaient, en 2014, lors de la troisième guerre civile du pays : « Je n’ai jamais été blessé, mais l’un de mes coéquipiers a pris une balle perdue dans la main. »

Ces jeunes talents nourrissent depuis longtemps l’appétit des ligues européennes. Elles viennent profiter de leur crédulité et de la faiblesse des législations locales pour les recruter avec des contrats léonins. La pratique freine le développement de championnats forts et de fédérations structurées. Le coach s’en étonne : « La NBA n’a pas besoin de ces pratiques pour trouver des talents. Ce centre a été créé pour offrir des opportunités, un développement éducatif et sportif de haut niveau, c’est tout. »

L’intérêt de la NBA pour l’Afrique est récent. Dans son histoire, le continent n’a fourni que quatre-vingts joueurs. Mais, depuis quelques années, leur nombre a augmenté, passant à treize basketteurs actifs lors de la saison 2018-2019. La NBA a conscience du vivier africain et ne souhaite pas perdre la main face aux Européens, en particulier les Espagnols. Très actifs sur le continent, ils ont été les premiers à ouvrir au Sénégal, en 2012, la Casa España, un cursus basket-études.


Sur les dix-neuf joueurs de l’académie, très peu, toutefois, finiront sur les parquets américains. « La NBA est hypersélective. Nous les formons afin qu’ils performent au plus haut niveau, mais il y a toujours une part de chance », soutient M. Houston.

Si aucune NBA Academy n’a, pour l’instant, fourni de joueurs à la ligue, c’est que l’expérience est encore trop récente. Pourtant, quelques destins se dessinent. Cette année, trois élèves de l’académie africaine ont été acceptés en NCAA. Le Nigérian Timothy Ighoefe a signé début novembre sa lettre d’engagement auprès de Georgetown University. L’établissement est célèbre pour avoir produit des stars tels Patrick Ewing, Allen Iverson et Dikembe Mutombo. Ce dernier, l’un des pionniers africains de la NBA, figure encore aujourd’hui au palmarès des plus grands défenseurs de l’histoire du basket.

Matteo Maillard (Dakar, correspondance)

Source : Le Monde

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