L’excision des filles a fortement régressé en Afrique

Les actions contre les mutilations génitales féminines portent leurs fruits dans plusieurs pays, mais de fortes variations subsistent.

Il existe des preuves d’une baisse énorme et significative de la prévalence des mutilations génitales féminines et de l’excision chez les enfants « , estiment des chercheurs britanniques et sud-africains, dans une étude publiée en ligne par le British Medical Journal Global Health mardi 6  novembre.

Sur une ou plusieurs décennies, selon les données disponibles, apparaît une baisse parfois spectaculaire de la prévalence dans plusieurs régions africaines, notamment en Afrique de l’Est où, de 71,4  % en  1995, elle a chuté à 8  % en  2016. Elle a aussi régressé de 73,6  % en  1996 à 25,4  % en  2017 en Afrique de l’Ouest, et de 58  % en  1990 à 14  % en  2015 en Afrique du Nord. Néanmoins, de fortes variations subsistent au fil du temps entre pays et régions et au sein d’un même pays.

L’Unicef estimait, dans un rapport publié en  2016, que plus de 200  millions de femmes et de filles, dans une trentaine de pays dans le monde, avaient subi des mutilations génitales féminines ou une excision. Et les moins de 14  ans représenteraient 44  millions du total.

Dans cette nouvelle étude, Ngianga-Bakwin Kandala (université du Witwatersrand, Afrique du Sud) et ses collègues ont analysé plusieurs bases de données pour documenter la fréquence des mutilations génitales féminines et de l’excision. Leur travail couvre plus de 200 000 enfants entre la naissance et l’âge de 14  ans sur la période 1990-2017, dans vingt-neuf pays (vingt-sept situés en Afrique plus l’Irak et le Yémen) connus pour abriter cette pratique. Il manque au tableau mondial cependant l’Indonésie, pays où le nombre d’excisions est très important.

Facteurs de risque

 

A la différence des données déjà connues, cette nouvelle étude s’intéresse au cas des enfants.  » On disposait des chiffres des femmes de 15 à 49 ans, et ce sont les mères qui déclarent si elles ont, ou non, excisé leurs filles. Il  peut y avoir un biais, bien sûr, une sous-estimation – dans l’étude du British Medical Journal Global Health, car certaines femmes peuvent craindre d’affirmer avoir pratiqué cette opération aux enquêteurs, alors qu’elle est officiellement interdite, mais dans l’ensemble, cette annonce de la baisse des taux de prévalence est une -excellente nouvelle « , estime -Armelle Andro, démographe à  l’université Paris-I-Sorbonne, qui a cosigné une étude sur les mutilations génitales féminines dans le monde  en avril  2017, dans le bulletin Population et  sociétés de l’Institut national d’études démographiques (INED).

Cette prise en compte nouvelle des enfants est d’autant plus importante que l’âge moyen à  laquelle est pratiquée l’excision aurait tendance à baisser, se situant avant l’adolescence, et même avant l’âge de 10 ans.

L’étude met en évidence de fortes disparités entre pays d’une même zone géographique. L’Afrique de l’Ouest présente des taux moyens parmi les plus élevés du continent : 72,6 % au Mali, 61,2  % en Mauritanie ou 50,3 % en -Guinée. Dans d’autres pays de cette région, en revanche, le pourcentage est très faible : 0,4 % au Ghana, 0,5 % au Togo ou 1,8 % au Bénin.

En Afrique centrale, les taux de prévalence les plus élevés sont rencontrés au Tchad (13,9 % des filles), suivi par la République centrafricaine (3 %) et le Cameroun (0,7 %). En Afrique de l’Est, le taux moyen annuel varie de 2 % au Kenya à 67 % en Erythrée. En Afrique du Nord, les deux seuls pays pris en compte étaient le Soudan (41,9 %) et l’Egypte (28,4 %), sachant que l’excision n’est pas pratiquée au Maghreb.

 » Un bon début « 

 

 » Les preuves actuelles semblent montrer le succès de la politique nationale et internationale -d’investissement et d’intervention au cours des trois dernières décennies « , écrivent les auteurs de l’étude. L’une des explications possible à cette baisse de -prévalence est, selon eux, – » l’interdiction légale actuellement en vigueur dans la plupart de ces pays « .

Les auteurs de l’étude restent cependant prudents, car, pour de nombreux pays, la base statistique reste faible. Ils soulignent également la persistance des facteurs de risque pour les filles de subir ces mutilations : le manque d’éducation, la pauvreté, les traditions culturelles, la mauvaise couverture sociale et la perception de l’excision pouvant apparaître comme une condition nécessaire pour le mariage.

Pour éviter un retour en arrière, Ngianga-Bakwin Kandala et ses collègues incitent à faire des opérations de prévention ciblées sur les  » thèmes culturels sensibles «  une priorité majeure de santé publique.  » Si l’objectif de la politique publique est de s’assurer de l’élimination de cette pratique, il est urgent d’aller plus loin dans les efforts « , estiment-ils.

 » C’est un bon début, mais il faut maintenir la pression, car on sait que rien n’est acquis s’agissant des droits des femmes et de leur santé « , insiste de son côté -Armelle Andro. D’autant que les Nations unies ont fait de l’éradication totale de ces mutilations génitales féminines à l’horizon  2030 un des objectifs de -développement durable qui ont été adoptés à l’unanimité des  Etats membres, en septembre  2015.

Rémi Barroux, et Paul Benkimoun

 

 

Source : Le Monde

 

 

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