Mauritanie : ce que cache l’escalade du pouvoir contre les islamistes

La fermeture du centre de formation des Oulémas cette semaine à Nouakchott et la menace de dissolution du parti islamiste TAWASSOUL suscitent des interrogations des observateurs. Cette escalade des autorités de Nouakchott qui ne date pas d’aujourd’hui est la résultante de la montée inexorable de l’islam politique en Mauritanie sous la houlette du parti islamiste TAWASSOUL devenu depuis 2013 la première force politique de l’opposition.

 Cette ambivalence de Tawassoul entre l’islam politique et la religion a déjà fait un long chemin depuis les années 70 où les islamistes étaient dans la clandestinité avant leur reconnaissance officielle en tant que parti politique en 2007 sous le régime du premier président élu démocratiquement Sidi Ould Cheikh Abadallahi. Et depuis le parti a réussi à convaincre les mauritaniens de ses idéaux de justice et de solidarité envers les plus démunis. Ce pragmatisme a porté ses fruits dans toutes les élections du pays depuis 2013. Et les dernières élections ont confirmé son implantation à travers le pays et la préférence de beaucoup de mauritaniens par rapport aux partis traditionnels de l’opposition nettement en recul. C’est cette remontée spectaculaire qui inquiète aujourd’hui le régime de Ould Aziz qui l’accuse d’être téléguidé de l’extérieur et soutenu par des fonds étrangers.

Le chef de l’Etat en fin de mandat serait convaincu que ce parti et bien d’institutions religieuses cachent des courants salafistes contre lesquels il veut endiguer avant 2019. En fermant manu militari le centre de formation des oulémas dirigé par un érudit qui a fait également ses preuves dont la notoriété en dehors des frontières mauritaniennes n’est plus à démontrer Ould Aziz s’attaque au cœur du prosélytisme religieux. Cependant l’éradication d’une mouvance islamique qui a accepté le jeu démocratique est une toute autre affaire. Son abolition est d’autant plus difficile politiquement. Tawassoul a aujourd’hui 14 députés et dirige 5 mairies dont 2 dans la capitale et présent dans les conseils régionaux. Si l’’utilisation de la force est quasi impossible la tentation de régler les problèmes par l’instrumentalisation de la justice à des fins politiques est plus facile comme en témoignent les affaires Ould Ghadda, ancien sénateur et chef de file des frondeurs et Ould Abeid. le président de l’IRA dont le procès politique est loin de se terminer.

Le président mauritanien peut recourir aux lois anti-discriminations de janvier 2018 pour punir les auteurs de discours haineux et les groupuscules identitaires spécifiques. Cette escalade est dictée par des ambitions personnelles du numéro un mauritanien de devenir le leader de la sous -région dans la lutte contre le Jihadisme dans le cadre du G5. Pressé par ses pairs africains et la France Ould Aziz peut maintenant assimiler Tawassoul à la moindre occasion à la mouvance intégriste de l’Etat islamique (DAECH) comme il le laisse entendre depuis sa deuxième investiture et après la victoire de l’UPR aux dernières élections le qualifiant dangereux pour la république faisant allusion aux intégristes religieux dans certains pays arabes et du Maghreb. Mais le distinguo entre les frères musulmans moins orthodoxes et les intégristes de DAECH n’intéresse pas Ould Aziz à quelques mois des présidentielles. L’homme fort mauritanien tient à ses promesses pour continuer de recevoir de l’aide des puissances occidentales et de réaliser son projet de protectorat de l’AZAWAD qui lui tient à cœur pour régler l’équation du peuplement en faveur de la communauté arabo-berbère du pays et la paix dans cette bande sahélo-saharienne.

Cherif Kane
Coordinateur journaliste

(Reçu à Kassataya le 26 septembre 2018)

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