Récemment un chroniqueur français, Éric Zemmour pour ne pas le citer, qui habille d’intellectualisme son racisme primaire, a relancé une vieille polémique sur les prénoms des descendants d’immigrés.
Cet homme, né en 1958, mais qui apparemment vit au XIXe siècle, veut le rétablissement d’une loi de 1803 qui oblige les parents à nommer leurs enfants nés sur le territoire avec un prénom français présent dans le calendrier. Voilà pour le côté intellectuel de sa pensée. Le côté raciste intervient lorsque pour illustrer son propos il s’en prend à la chroniqueuse Hapsatou Sy en affirmant que son prénom est une insulte à la France, parce qu’il ne ferait selon lui pas partie de l’histoire de ce pays. Petit aparté, Word aussi s’en prend à elle puisqu’au moment où j’écris ces lignes son prénom est souligné de rouge comme les fautes d’orthographe, mais ça c’est une autre histoire.
Éric Zemmour, malgré tous les livres et philosophes qu’il a étudiés pour réussir son échec au concours d’entrée à l’ENA, est dans l’erreur tant dans la forme que le fond. Tout d’abord, défendre l’idée qu’un prénom africain soit une insulte à la France, c’est tenter d’imprimer dans les pensées que ce pays est vierge de toute influence étrangère au niveau patronymique. C’est une contre-vérité absolue qui est en premier lieu démentie par le nom du pays. La France tire son nom du peuple Franc, qui a soustrait la Gaule à la domination de l’Empire romain et dont l’origine est germanique. Nous sommes donc dans un pays qui se réclame d’un passé gaulois, de culture latine mais qui porte un nom germanique. Une combinaison somme toute bien éloignée de la logorrhée raciste d’une terre et un peuple historiquement hermétique à l’influence étrangère.
Poser la question de la nécessaire francisation des prénoms des enfants de parents immigrés, c’est également penser son corollaire. À savoir, l’africanisation, l’américanisation ou autre, des prénoms d’enfants nés de parents français à l’étranger. Or sur ce sujet, silence radio. Là où ils étaient prêts à déchaîner les furies sur les étrangers présents sur leur territoire, les mêmes revendiqueront la liberté ou le sentiment national pour les prénoms des enfants de leurs compatriotes partis s’installer à l’étranger. Une position à géométrie variable qui est elle-même raciste car elle sous-tend la supériorité de la culture française, qui tout en restant hermétique sur son sol devrait pouvoir s’exporter dans des pays tiers. L’idée selon laquelle s’appeler Hapsatou en France serait une insulte à ce pays est donc non-seulement fausse mais également inconséquente. Mais n’est-ce pas là la définition du racisme ?
Les populations africaines ont une histoire commune avec la France qui a été et est encore un des vecteurs principaux de la grandeur française dans le monde
La saillie du polémiste Éric Zemmour contre Hapsatou Sy ne se limite pas à insulter sa personne. Il poursuit en niant qu’elle (et donc ses semblables), de par son patronyme et sa culture (et phénotype mais ça c’est interdit de le dire), ne font pas partie de l’histoire de la France. C’est ce qui donc justifierait son dégoût de ces prénoms étranges et étrangers. Une lecture très sélective de l’histoire qui est à la fois un marqueur idéologique de l’extrême droite française et une tentative de négation du rôle des cultures et populations africaines dans l’histoire de France. Or, ces populations ont une histoire commune avec la France qui a été et est encore un des vecteurs principaux de la grandeur française dans le monde.
Pour rester dans l’histoire récente : les tirailleurs sénégalais (qui en réalité étaient de toutes les colonies française d’Afrique subsaharienne) font partie des libérateurs de la République au même titre que les résistants – Brazzaville qui jusqu’à nouvel ordre est sur le continent africain, a été la capitale de la France comme avant elle Paris ou Lyon, la France ayant fait partie d’une confédération appelée Communauté française avec dix États africains. Cette dernière, est la forme la plus poussée d’association politique que la France a connue jusqu’ici.
Ces exemples sont les marques de cinq siècles de présence française en Afrique et inversement, d’Afrique dans l’Hexagone. Autant de temps où des Hapsatou ont été sujettes et citoyennes françaises, bien avant l’arrivée de l’immigration subsaharienne en métropole. Si on vous dit que cela n’est pas suffisant pour faire partie de l’histoire du pays des droits de l’Homme, alors on vous raconte des histoires.
Source : Jeune Afrique
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