Ligue des champions : les joueurs vont devoir jouer !

À présent, on félicitera les résultats avant de remercier les grandes puissances économiques.

Ça y est, enfin elle revient. La compétition la plus prestigieuse d’Europe, la Ligue des champions, revient. Créée en 1955 et réunissant les trente-deux meilleurs clubs du continent, elle permettra, toute la saison, de voir s’affronter des mastodontes et espérer des rencontres toutes plus spectaculaires les unes que les autres.

Dès mardi 18 septembre, les affiches s’annoncent savoureuses. On attend beaucoup des Liverpool–PSG, Real Madrid–AS Roma ou Manchester City–Lyon. Le spectacle sera sûrement au rendez-vous et les audiences internationales très certainement importantes.

Au niveau des nouveautés, pour la première fois les chaînes du groupe Altice, RMC Sport, diffuseront l’intégralité des matchs, après avoir chipé les droits à Canal+ et BeIN Sports. Cette saison, et jusqu’en 2021, la Ligue des champions (ainsi que l’Europa League, sa petite sœur) ne sera disponible que sur le bouquet SFR. Pour rendre cela possible, la société dirigée par Patrick Drahi va débourser la modique somme de 350 millions d’euros par an, contre «seulement» 140 millions d’euros, payés conjointement par les anciens diffuseurs Canal+ et BeIN Sports. Une hausse de 150%!

Avant en Europe, la puissance économique nationale comptait

 

En mai 2018, sitôt l’annonce du changement de diffuseur faite, la plupart des observateurs et des spécialistes affichèrent une certaine forme de satisfaction. On rappelait notamment que la dotation télévisuelle offerte aux clubs participants était proportionnelle à la puissance économique du pays. Autrement dit, en coupe d’Europe, l’UEFA reversait une part non négligeable de ses bénéfices non pas en fonction de la performance, mais en fonction du montant payé par les chaînes nationales à l’institution européenne.

Par exemple, un participant français pouvait tout à fait espérer récolter plus de vingt millions d’euros en dotation de droits TV –communément appelée «market pool» sans forcément garantir des performances sportives acceptables. Tout simplement parce que Canal et BeIN payaient beaucoup d’argent. Lyon, notamment, lors de la saison 2015-2016, pourtant éliminé dès la phase de poule de Ligue des champions, dont la performance a été jugée comme l’une des pires du sport français en coupe d’Europe, avec une seule victoire sur six matchs, empocha la modique somme de vingt-sept millions d’euros. À l’inverse, la même année, des équipes comme Malmö, en Suède, ou le Bate Borisov, en Biélorussie, touchèrent moins de dix millions d’euros chacune.

«C’est une stratégie savamment orchestrée: on ne se fatigue pas et on attend seulement que le chèque tombe»

Alors quand on apprit que la dotation télévisuelle allait augmenter, on se dit que cela allait forcément bénéficier aux clubs français, qu’ils pourraient toucher deux fois plus sans forcément performer ou surjouer. Ce cas de figure fut mis en avant par le journaliste de RMC Daniel Riolo.

Encore très récemment, dans son émission hebdomadaire Transversales, diffusée sur RMC Sport, le mercredi 12 septembre, celui-ci revenait sur cette particularité financière. «Des clubs choisissent sciemment de faire l’impasse sur la coupe d’Europe. Ils font le travail toute la saison pour se qualifier en Ligue des champions et une fois la compétition atteinte, ils ne font rien et ne se battent pas, ne s’arment pas suffisamment. […] C’est une forme d’attentisme, une stratégie savamment orchestrée: on ne se fatigue pas et on attend seulement que le chèque tombe.»

Place au terrain

 

Mais les choses risquent de changer cette année. Depuis l’élection d’Aleksander Čeferin à la tête de l’UEFA, en 2016, l’équité et l’éthique ont pris une autre place dans le football. Le président a tout fait pour modifier les règles de redistribution des fonds sportifs au profit, d’abord, de la performance.

Initialement, le partage était simple. Sur le trésor de guerre de l’UEFA, obtenu par la vente de droits TV, 60% étaient consacrés au sportif, 40% au market pool. Dorénavant, et à partir de la saison 2018-2019, la dernière part tombe à 15%. Le reste s’organise ainsi: 25% du total reversés sous forme de prime de participation (15,25 millions d’euros à l’ensemble des participants), 30% sous forme de prime de match et 30% sous forme de prime de performance calculée sur les résultats des dix dernières années.

La France aura beau verser plus d’argent à l’instance européenne, ses clubs n’en bénéficieront pas forcément gratuitement. À l’inverse, les primes de match et de participation vont considérablement augmenter. Avant, une victoire en phase de poule rapportait 1,5 million d’euros, à présent ce sera 2,7. Un match nul donnait 500.000 euros, on touchera cette année 900.000. Quant aux primes d’accession, elles augmentent elles aussi.

Plus de passager clandestin

 

Tout a été fait pour bonifier le sportif. Le pactole de l’UEFA a beau avoir augmenté de 30%, ce sont les primes sportives qui ont été valorisées, pas les dotations iniques et injustes en droits télévisés. À présent, le terrain sera d’abord récompensé, avant l’origine géographique. On félicitera les résultats avant de remercier les grandes puissances économiques. On évitera les comportements de passager clandestin, de «profiteur» comme désigné par Daniel Riolo, pour primer en premier ordre les sportifs.

Espérons alors que cela motive les équipes françaises, peut-être mis à part le Paris Saint-Germain, et d’autres écuries. Espérons que Lyon, Monaco et Paris soient encore plus enthousiasmés pour briller sur la scène continentale. Espérons que certaines changent de stratégie et admettent qu’à partir de maintenant, il faudra d’abord gagner des matchs avant de pouvoir faire sauter la banque.

Car, dès mardi, on revient à l’essence même du football: moins d’inégalité et moins d’injustice. Qu’on soit originaire d’Europe de l’Est ou d’un pays riche, ce qui va compter, c’est le sport.

 

 

Pierre Rondeau

 

Source : Slate

 

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