En Mauritanie, l’action de femmes leaders permet de troubler l’inertie qui touche certains secteurs de l’économie et de la société. En chamboulant les pratiques anciennes, elles insufflent un dynamisme qui profite finalement à des communautés entières.
Depuis près de 10 ans, Zahra Abdallahi, PDG d’une entreprise de BTP, met à profit son engagement associatif pour sensibiliser la population à des problématiques essentielles, notamment la valorisation durable des ressources naturelles et l’adaptation au changement climatique.
Invitée aux Journées européennes du Développement 2018, elle a raconté son parcours et ses projets à l’Association Internationale des Maires Francophones (AIMF). Autant qu’elle se souvienne, Zahra Abdallahi a toujours eu dans l’idée de monter un business. Le commerce, elle est faite pour cela. Mais dans une société entièrement construite autour du foyer, où la femme est là « uniquement pour consommer, pas pour produire », les opportunités sont rares. « Le principal problème réside dans la faible valorisation des ressources, même au niveau local, explique Zahra Abadallahi.
Jujube, gomme arabique, baobab, doumier, moringa… Toutes ces plantes, légumes et fruits ne sont quasiment pas exploités, malgré les potentialités économiques et environnementales. Les noyaux du doumier peuvent remplacer le charbon et ainsi éviter le déboisement ; un litre d’huile de moringa vaut 1000€ et les restes des tourteaux peuvent servir d’aliment pour le bétail… ».
Pourtant, aucune filière, aucun circuit commercial ne se développe, et la cueillette prévaut. En 2014, Zahra devient la présidente de l’Association de Sauvegarde du Milieu Environnemental (ASME), qui milite pour une meilleure utilisation des ressources naturelles en Mauritanie. Et selon elle, les femmes ont un rôle majeur à jouer dans ce secteur. Sur le terrain, la gestion des ressources naturelles est l’apanage des associations de gestion locales collectives (AGLC), qui associent les autorités communales, les sages et les villageois.
Seules 20% de ces associations comptent des femmes dans leurs instances de décision, et leur voix n’est souvent pas entendue, alors que ce sont elles qui sont généralement chargées des récoltes ou de la cueillette, avec les enfants. « Nous devons parvenir à un équilibre entre les différents intérêts qui s’expriment dans ces associations », affirme Zahra Abdallahi.
« Pour passer le cap de la cueillette individuelle et des méthodes de vente traditionnelles, ces associations ont besoin d’un appui technique et financier. Trouver cet appui est notre principal défi. » Pour en arriver à intégrer les femmes au sein des associations gestionnaires, Zahra Abdallahi a d’abord dû « passer pour une inhabituelle » et changer le regard des gens. « Une femme ne peut pas se déplacer toute seule, explique-t-elle.
Lorsque j’ai voulu le faire, vers 20 ans, cela a été une catastrophe ! Cela a été très difficile de convaincre mon entourage ; mais, lorsque j’ai failli abandonner mon projet, mon père m’a soutenue et incitée à continuer. », Explique Zahra.
A force de persuasion, celle qui est désormais PDG dans le domaine du BTP est parvenue à prendre d’autres femmes sous son aile pour créer des coopératives informelles et faire du commerce. « Il a fallu demander l’autorisation aux parents en personne, CV à l’appui, pour chacune d’elles, se souvient-elle en souriant, et appeler toute la famille toutes les 30 minutes une fois sur le trajet. Aujourd’hui, le regard a un peu changé, il se fait un peu moins lourd quand on le croise sur la route, mais les choses restent difficiles. »
Reboisement de 10 000 arbres près de la willaya de Hodh El Gharbi-Aioun, Mauritanie. Outre la façon d’envisager le commerce et la gestion des ressources naturelles, Zahra Abdallahi entend également sensibiliser la population mauritanienne sur le changement climatique et ses conséquences, et ce dès le plus jeune âge. « Le projet qui me tient à cœur en ce moment et que j’espère voir aboutir très rapidement est le reboisement des écoles fondamentales (ce qui correspond à l’enseignement primaire en France, ndlr) de Nouakchott. L’idée est de donner envie aux enfants de promouvoir son environnement et de le protéger. » Quoi de mieux pour cela que la symbolique de l’arbre ?
Le projet prévoit de planter au moins un arbre par cour d’école et d’accompagner cet événement d’un programme pédagogique insistant sur l’importance des arbres dans l’écosystème et la sensibilisation au changement climatique et à ses conséquences dans le quotidien des enfants. « La majorité de la population, et notamment les enfants, n’a aucune idée de ce qu’est le changement climatique et de ce qu’il implique, regrette la cheffe d’entreprise. C’est pourquoi cette action, directement dans la cour d’école est importante. Et puis, une école sans arbre, c’est triste ! »
Zahra espère que les premiers spécimens pourront être plantés dès la rentrée prochaine. Là encore, elle cherche activement partenaires et financements.
Source : Agence Tawary
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