Pour sa première participation à une Coupe du monde, l’équipe du Sénégal avait atteint les quarts de finale, à la surprise générale. Les joueurs de la Teranga se souviennent.
C’était le premier match du Sénégal dans une Coupe du monde. C’était aussi le match d’ouverture du Mondial 2002. Pour les Lions de la Teranga (« l’hospitalité », en wolof), ce jeudi 30 mai 2002 à Séoul, la tension est à son paroxysme. Ils doivent jouer face à l’équipe de France, archi-favorite car elle est championne du monde et d’Europe (1998 et 2000).
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Pendant les hymnes, la tension se lit sur les visages. « Dans nos regards, dans notre attitude, nous voulions montrer qui nous étions, se souvient Ferdinand Coly, défenseur du RC Lens entre 1999 et 2003. On était motivés comme jamais. Entre le Sénégal et la France, il y a une relation forte, une histoire commune. On respectait beaucoup ces joueurs. » Blessé, Zinédine Zidane n’est pas dans le camp adverse, mais l’équipe a de quoi faire peur avec ses Trezeguet, Vieira, Thuram, Lizarazu…
Et pourtant. Après un début de match crispé, les Sénégalais ouvrent le score à la 30e minute grâce à Pape Bouba Diop. Ils vont conserver ce score jusqu’au coup de sifflet final. De Dakar à Saint-Louis, de Rufisque à Ziguinchor, le Sénégal plonge dans la liesse. Au pays de la Teranga, tout le monde se souvient ce qu’il faisait ce fameux 30 juin 2002.
« Match folklorique »
Les joueurs n’oublieront jamais cette première victoire. Ce jour-là, ils ont écrit l’une des plus belles pages du sport africain. Quand ils en parlent aujourd’hui, ils se souviennent d’une équipe de France très sûre d’elle, à la limite de l’arrogance. « Il y avait un peu de ça, se souvient Khalilou Fadiga. Je me souviens que Roger Lemerre [le sélectionneur français] ne semblait pas très bien nous connaître, alors que presque tout notre effectif évoluait en Ligue 1. Marcel Desailly, lui, avait parlé de match folklorique. On avait aussi lu ou entendu des choses sur les marabouts… Bref, ça nous avait piqués ! »
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Le Sénégal, après deux matchs nuls face au Danemark (1-1) et l’Uruguay (3-3), renversera la Suède en huitièmes de finale (2-1), avant d’échouer contre la Turquie à cause d’un but en or inscrit au début de la première prolongation (0-1). Personne ne les avait imaginés à un tel niveau. « On ne sortait pas de nulle part. Cela faisait déjà quelques années qu’on travaillait avec le même groupe et le même coach », rappelle Henri Camara, auteur d’un doublé historique face aux Suédois.
Bruno Metsu, décédé en 2013, après une courte expérience en Guinée, avait été nommé sélectionneur des Lions de la Teranga en 2000, sans forcément se douter qu’il vivrait durant deux ans une expérience qui a marqué l’histoire du pays. « Il s’était très vite adapté, analyse Ferdinand Coly. C’était à la fois un coach, un ami et un grand frère. Il nous laissait une certaine liberté mais, en contrepartie, nous devions respecter le règlement interne. Ce n’était pas le grand foutoir, contrairement à ce que certains pensaient. »
Fous de joie
Au sein de l’équipe cohabitent de forts caractères – Lamine Diatta, Aliou Cissé, Khalilou Fadiga, Pape Sarr, El-hadji Diouf – et les tensions sont inévitables. « Bien sûr que c’était parfois chaud ! Il y a eu des accrochages verbaux, parfois des altercations physiques. Mais cela arrive dans toutes les équipes. Quelques minutes après, c’était oublié ! Nous n’étions pas tous amis, mais ce qui nous portait, c’était l’intérêt de la sélection et du pays », admet Henri Camara. La rumeur prête aussi aux Sénégalais un goût prononcé pour la fête, ce que Ferdinand Coly nuance : « Il nous arrivait de sortir, mais pendant nos quartiers libres ! Parfois, Bruno Metsu était avec nous. Plusieurs fois, il a organisé des dîners chez lui. Nous restions professionnels. »
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Ce n’est qu’à leur retour au pays que les joueurs et le staff ont mesuré l’impact de leur épopée. « On a croqué le Coq gaulois ! », criait la foule. « On savait par la famille, les amis, que nos supporteurs étaient fous de joie, explique Khalilou Fadiga. Mais en arrivant à Dakar, on a pu s’en rendre compte. Entre l’aéroport et le palais présidentiel, où le chef de l’Etat, Abdoulaye Wade, nous attendait, il y avait des dizaines de milliers de personnes. En temps normal, il faut vingt minutes pour faire le trajet. Ce jour-là, nous avons mis plus de six heures. » La génération 2018, qui dispute mardi 19 juin son premier match du Mondial face à la Pologne, tentera de faire mieux.
Alexis Billebault
(contributeur Le Monde Afrique)
Source : Le Monde
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