Le ramadan, jadis et ailleurs

“La fête est générale et le peuple, si misérable soit-il, a sa part de toutes les joies.”

Allez les gars, faisons un peu d’anthropologie diachronique… et comparée. Cela nous fera passer le temps. Puisque nous venons d’entrer en ramadan, il est peut-être amusant et instructif d’examiner la question sur la durée. Comment ça se passait il y a un siècle? Nous disposons du témoignage de Jeanne Puech (1861-1940) qui était mariée à un médecin égyptien. Elle observa pendant près de quarante ans les compatriotes de son mari. Et voilà ce qu’elle dit à propos du ramadan (nous sommes en 1906):

“La cigarette même, cette volupté indispensable à l’existence des Orientaux des deux sexes, est formellement interdite.” Tiens, les femmes fumaient en Égypte, au début du siècle dernier?

“Les mahométans, très rigoristes, vont jusqu’à proscrire les parfums des mets, l’odorat pouvant être considéré comme une des satisfactions préliminaires du repas. J’ai vu des femmes s’interdire la visite des cuisines où se préparait l’iftar.” Vous y croyez, vous? Et chez nous, ça se fait? Si ce n’est pas le cas, chut! ne donnons pas d’idées à ceux qui veulent toujours être plus pieux que les autres…

“Le mois sacré ramène les coutumes ancestrales, et tel indigène qui fera volontiers son ordinaire de vin de Champagne s’abstiendra de boisson fermentée durant tout le temps du ramadan.” Hé hé… Sans commentaire.

“Mais que l’on ne croit pas que le mois de ramadan soit un mois de pénitence. Il n’est véritablement triste que pour le fellah. Le repas de quatre heures du matin, qui permet aux riches de jeûner sans peine jusqu’au soir suivant, le fellah préfère ne pas l’attendre. Pour son être harassé, le sommeil vaut toutes les nourritures.” Quelqu’un peut-il nous renseigner sur ce point? Il n’y a pas de s’hour dans nos campagnes?

Les villes, en tout cas, ressemblent aux nôtres, malgré la distance dans le temps et dans l’espace. “Les boutiques s’ouvrent tard et ferment tôt. Presque partout, la sieste est autorisée. Dans les grandes administrations et les ministères, le ramadan supprime presque toutes fonctions. C’est la douce paresse admise en haut lieu et dont on profite béatement.” Sommes-nous Égyptiens, sur ce point? Dites-moi.

“Dans les familles aisées, le mois de jeûne se transforme en une époque de réjouissances (…). Les riches se lèvent sur le coup de midi, font traîner leur toilette le plus longtemps possible bain, massage, épilage, etc., puis, de nouveau, un repos d’une ou deux heures sur les nombreux divans qui encombrent chaque pièce. Une promenade, quelques affaires, et l’heure de l’iftar a déjà sonné.”

“Les femmes plus encore que les hommes ont le culte du ramadan. Dès le premier coup de canon elles sont prêtes. Vêtues de robes éclatantes, elles attendent, dans leurs demeures parées comme aux jours de fêtes, les amies qui arrivent par groupes. Tout le logis est illuminé. À chaque instant circulent des plateaux de friandises, gâteaux aux amandes, nougats, dragées, pistaches, fruits secs de toutes sortes, verres de sirop et tasses de moka.” Mmmm. C’est censé être un mois de méditation, de retour sur soi…

Et puis le mois passe, et c’est bientôt l’Aid. “Aux jours de fête, en Egypte, au Maroc, en Tunisie, il y a du bonheur dans tous les yeux et des sourires sur toutes les lèvres. Car c’est là le beau côté de cette religion et de ces pays où il semble que le soleil en brûlant les fronts réchauffe les cœurs. La fête est générale et le peuple, si misérable soit-il, a sa part de toutes les joies.” Mmm. C’est une belle conclusion. Mais est-elle encore d’actualité?

 

 

Fouad Laroui

 

Source : Le 360.ma (Maroc)

 

 

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