Mauritaniens : des historiens de la diaspora sur les traces du génocide des noirs

La découverte du charnier macabre à Choum continue de défrayer la chronique au sein de la diaspora.Deux historiens sont montés au créneau cette semaine dans une tribune de la presse nationale pour ouvrir un nouveau débat sur la cohabitation en émettant l’hypothèse d’une requalification du passif humanitaire en génocide des noirs en Mauritanie.Ciré Bâ et Boubacar Diagana considèrent que l’armée au pouvoir depuis 78 est comptable et responsable de ce génocide par conséquent disqualifiée pour diriger une quelconque commission d’enquête sur les 15 squelettes dont 9 sont ligotés aux pieds et aux mains découverts par des gendarmes.

 

Du passif humanitaire au génocide des noirs c’est la réalité d’une même face qui fait l’objet d’une attention particulière de deux historiens de la diaspora qui ont pris l’initiative cette semaine à Paris dans une tribune de la presse nationale d’ éclairer l’opinion publique en ouvrant un nouveau débat sur la difficile cohabitation en Mauritanie.Ciré Bâ et Boubacar Diagana appartiennent à une jeune génération de chercheurs mauritaniens installés en France depuis assez longtemps.Et ils n’ont jamais hésité à former ce duo pour mettre en commun leurs connaissances au service du citoyen à chaque fois que l’histoire est interrogée pour comprendre la question nationale.Et c’est naturellement qu’ils ont réagi au lendemain de la découverte de 15 squelettes dont 9 ligotés aux mains et aux pieds à Choum, au Nord du pays près de la frontière avec le Sahara occidental.

L’existence de ce charnier dans l’inconscient collectif des noirs rappelle d’autres charniers durant les événements de 89 Sori Malé et Wothie au Sud du pays suite à la déportation de près de 120000 noirs au Sénégal et au Mali sous le régime de Ould Taya.Et c’est avec l’arrivée au pouvoir du civil Sidi Ould Cheikh Abdallahi en 2007 que les premières vagues de réfugiés sont rentrés au bercail.Et le putschiste général Ould Aziz poursuivra ce processus de rapatriement appelé communément passif humanitaire dès 2009 une fois élu avant de l’interrompre en 2014.Et depuis les multitudes tentatives de règlement de la réintégration des réfugiés n’ont servi en réalité au régime de Ould Aziz que de jouer avec le temps et la division des familles des victimes pour des réparations financières comme solution à la réconciliation nationale.

L’initiative du chef de l’Etat de la journée de prière à Kaédi en 2009 pour demander pardon à la communauté noire victime des crimes commis par le régime de Ould Taya rentre dans ce cadre. Une journée de réconciliation nationale a été décrétée par la suite pour apaisée les mauritaniens.Tout ce maquillage politique vise à couvrir les criminels militaires dont beaucoup sont loin d’être inquiétés par la justice.L’existence de ce troisième charnier connu dans l’histoire du pays est une aubaine pour le binôme historien de remettre à plat les années de braise de 86 à 92 sur fond d’extermination des noirs et de « dénégrification » de la Mauritanie avec le génocide biométrique. Et de proposer une relecture de la réconciliation nationale qui pourrait désormais passer par une requalification du passif humanitaire en génocide qu’ils pensent recevable devant la cour pénale internationale.

Dans ce cas un nouveau débat s’impose à la classe politique dans sa diversité et àla société civile pour reconnaître que des assassinats ont été bel et bien été commis par le régime de Ould Taya entre 89 et 92 dans l’intention de détruire en grande partie les Haapularen une composante de la population majoritaire au Sud du pays.Alors les plaintes internationales déposées aujourd’hui dans les tribunaux belge et français par les organisations nationales des droits de l’homme ont tout leur sens et apportent de l’eau au moulin de ce débat.

En attendant l’armée au pouvoir depuis 78 est considérée par les historiens comme comptable et responsable de ce génocide et par conséquent disqualifiée pour diriger une quelconque commission d’enquête sur le charnier de Choum et à fortiori au moment venu diligenter une commission de vérité et de réconciliation nationale.

Bakala KANE

(Reçu à Kassataya le 5 avril 2018)

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