«Facebook peut entraîner une réelle détresse psychologique»

INTERVIEW – Ce mercredi, c’est la 8ème Journée mondiale sans Facebook. À cette occasion, Yannick Chatelain, enseignant-chercheur et spécialiste des nouvelles technologies, décrypte les risques que comporte une utilisation excessive du troisième site le plus visité au monde.

24 heures sans Facebook. C’est le défi lancé ce mercredi aux utilisateurs du site. Soit une journée sans «liker» aucun contenu, sans parcourir machinalement son fil d’actualité, sans espionner le profil de ses amis. Comme chaque année depuis 2010, la journée mondiale sans Facebook a pour but de lutter contre l’addiction aux réseaux sociaux. Au-delà de ce boycott symbolique, Yannick Chatelain, professeur et spécialiste des nouvelles technologies, explique les répercussions que peut avoir l’utilisation du réseau social le plus connu au monde, notamment sur notre santé.

 

LE FIGARO. – Pourquoi une journée mondiale sans Facebook?

 

Yannick CHATELAIN. – C’est une journée dédiée à la prise de conscience des conséquences de l’utilisation de ce réseau social. Nous avons aujourd’hui un rapport délirant avec nos téléphones et les réseaux sociaux. On est actuellement dans une forme de colonisation numérique qui impacte nos vies au quotidien. Facebook est le réseau social le plus nocif pour les 16-24 ans. Il n’y a pas besoin d’être psychologue pour comprendre que lorsqu’un jeune publie une photo de lui-même, il est en attente de «like» et de compliments et est en alerte constante. Cela peut entraîner une réelle détresse psychologique. Un commentaire désagréable aura évidemment un impact négatif qu’on ait 20 ou 50 ans d’ailleurs. L’impact social a, par prolongation, un impact sur la santé.

 

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Pourquoi est-ce que Facebook est considéré comme le plus nocif des réseaux sociaux pour les 16-24 ans?

 

Facebook c’est le dinosaure, les autres réseaux sociaux sont des clones. C’est l’outil auquel les générations ont été le plus exposées et le plus tôt. La jeunesse en a essuyé les plâtres, elle a subi tous les méfaits de Facebook en première ligne. Quelle conscience un enfant de 11 ans peut-il avoir sur les images qu’il publie, comment peut-il se rendre compte que c’est une arme qui peut se retourner contre lui? Les conséquences sur le comportement sont visibles partout et à chaque instant. L’autre n’existe pas. Au cinéma par exemple, au lieu de parler à son voisin en attendant le début du film, on regarde Facebook. Dans certains pays, ils ont même installé des bandes de lumières au niveau des passages piétons pour les gens qui ont les yeux rivés sur leurs téléphones. On est dans une ère de techno-facination mais on finira par lever les yeux.

 

«Aujourd’hui il y a une génération girafe, du nom de l’animal qui dort le moins au monde.»

Yannick Chatelain, enseignant-chercheur et spécialiste des nouvelles technologies.

 

Quels risques pour la santé?

 

Les risques sont considérables, une sur-utilisation de Facebook entraîne dépression, sentiment de solitude, anxiété, sans compter l’affaiblissement du rendement scolaire, l’exposition à la violence, le cyber-harcèlement ou l’augmentation du nombre de victimes d’intimidations. L’utilisation excessive de Facebook entraîne aussi des changements du sommeil et de l’alimentation. Aujourd’hui il y a une génération girafe, du nom de l’animal qui dort le moins au monde. Les jeunes dorment moins car ils sont toujours en attente de like ou de commentaires sur leurs contenus publiés. Ils sont constamment connectés. Cela a une incidence directe sur la créativité qui ne cesse de s’amenuiser. De nos jours, on ne sait plus s’ennuyer. On se réfugie sur Facebook à la moindre occasion.

 

Comment remédier aux impacts négatifs de Facebook?

 

Ce sont les enfants qui ont enseigné à leurs parents comment utiliser les réseaux sociaux. La génération des 16-24 ans aujourd’hui est une génération sacrifiée. En l’absence de garde-fous, elle a subi tous les dommages de Facebook, des réseaux sociaux et de manière générale, du téléphone portable. Mais la génération sacrifiée actuelle sera celle qui sera en mesure d’apporter aux enfants de demain un enseignement d’un usage plus approprié de Facebook. Ayant elle-même été exposée aux dangers, elle sera beaucoup plus exigeante et vigilante. Tout passe par l’éducation. C’est ainsi que les limites seront fixées, l’utilisation contrôlée et les conséquences sur la santé diminuées.

 

Ottilia Ferey

 

 

Source : Le Figaro

 

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