Destination formellement déconseillée par le Quai d’Orsay depuis l’assassinat de quatre Français par un groupe djihadiste en 2007, la Mauritanie rouvre partiellement ses portes au tourisme pour la plus grande joie des voyagistes d’aventure parmi lesquels Allibert. Cet hiver la région de l’Adrar accueille de nouveau des randonneurs comme à la grande époque. Reportage.
Il doit encore se demander si nous ne blaguions pas. Lui, le douanier de l’aéroport Oumtounsy à Nouakchott. «Que venez-vous faire en Mauritanie? Eh bien, voyager». Dans ses yeux, l’étonnement. Sans doute que l’espèce de pseudo-touareg, à moitié enturbanné, aux trois quarts endormi qui se tient devant lui, ce samedi 16 décembre à 2 heures du matin, ne lui évoque rien de connu. Aussi me sens-je obligé de préciser «Oui, nous allons dans le désert». Il hausse les épaules et ses galons gondolent. Qu’importe ! Après dix ans d’absence, les randonneurs passionnés du Sahara sont bien de retour.
«Je me suis battu pour ça», raconte Maurice Freund. Sa voix éraillée traduit l’émotion – et les années. À 74 ans, le fondateur de Point Afrique (première compagnie aérienne à avoir affrété des vols charters Paris-Atar en 1996) et président de l’agence Point-Voyages est l’artisan du retour des tour-opérateurs dans l’Adrar.
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Une rencontre, en juillet 2016, entre Maurice Freud et Marc Foucaud, général à la retraite, après avoir dirigé au Sahel les opérations militaires Serval et Barkhane, amorce le processus : «Pour nous, ça ne faisait aucun doute : parmi tous les pays du Sahel, la Mauritanie était le seul à avoir mené ces dernières années une politique sécuritaire efficace pour lutter contre le djihadisme, se souvient Maurice Freund. La Mauritanie était devenue un pays exemplaire.»
Le plus dur restait à faire : convaincre le ministère des Affaires étrangères de sortir l’Adrar de la zone rouge. Les rencontres s’enchaînent, auprès des gouvernements français, mauritaniens et des diplomates… Le duo, lui, engrange les soutiens, notamment ceux de Jean-François Rial, propriétaire du groupe Voyageurs du Monde, et de Jean-Marie Bockel, sénateur du Haut-Rhin et membre de la commission des affaires étrangères au Sénat.
Le 21 mars 2017, la page de recommandation du site Conseil aux voyageurs abaisse le niveau de sécurité de l’Adrar de rouge à orange. La renaissance du tourisme chamelier en Mauritanie s’esquisse. Fabrice Freund, du haut de ses 200 séjours dans l’Adrar, jubile : «Accro à la Mauritanie ? Peut-être. Accro au tourisme comme facteur de développement en Mauritanie ? Sans aucun doute».
Sécurité renforcée
Rouvrir la destination, c’est une chose, encore faut-il garantir la sécurité des clients sur le terrain. Alexandre Bréan, chef de produit chez Allibert, explique: «Depuis l’annonce de la réouverture de la Mauritanie par le quai d’Orsay, les guides sont formés à des consignes de sécurité. Tout le monde prend ça très au sérieux». Et pour cause, les tour-opérateurs sont pénalement responsables en cas d’accident. Pour réduire au maximum les risques, le Quai d’Orsay a commandé un audit de sécurité à la société Angon Risk Management.
L’Atar… Une longue route nous en sépare. Pour l’heure notre petit groupe éberlué passe les derniers contrôles douaniers avant de débouler sur le parvis de l’aéroport de Nouakchott. Nuit noire et boubous bleus. Direction l’hôtel. Courte nuit avant d’entamer un trek de 100 kilomètres. Demain, nous découvrirons Chinguetti, ville sainte de l’Islam, classée au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1996, dont les parchemins vénérables luttent depuis toujours contre le sable du désert.
A suivre…
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Jérémie Vaudaux pour A/R
Source : Libération (France)
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