Derrière le « blackface » d’Antoine Griezmann, une tradition du XIXe siècle ridiculisant les personnes noires

Le footballeur s’est excusé mais le mal est fait.

BLACKFACE – Ce devait être une blague, c’est raté. Antoine Griezmann a posté dimanche 17 décembre une photo de lui « déguisé » en joueur de basket des années 1980, sur laquelle il apparaît avec tout son corps et son visage maquillés en noir.

C’est ce qu’on appelle une « blackface » et cela n’a pas manqué de créer un tollé sur les réseaux sociaux.

Le blackface est un tabou encore mal connu en France alors qu’aux États-Unis, il est le summum du racisme qui s’ignore, sans doute à cause de son origine, plus que controversée.

Tout commence au XIXème siècle, alors que sévissait la législation Jim Crow aux États-Unis, plus communément appelée « lois de ségrégation raciale ». A l’époque, Les « minstrels shows » font fureur. Il s’agit d’un genre théâtral dans lequel les comédiens blancs incarnaient tous les stéréotypes associés aux personnes noires.

Wikimedia Commons
Thomas D. Rice en Jim Crow, 1832

 

Spectacles de blackface

Selon John Strausbaugh, auteur d’un livre sur le sujet, les origines du blackface s’inspirent de la tradition d’exhiber les Noirs pour amuser les blancs, pendant les ventes d’esclaves africains.

« On ne le sait pas toujours, les spectacles de ‘blackface’ américains furent utilisés à la fois par les abolitionnistes et par les tenants de l’esclavage pour promouvoir leurs idées. Ils avaient aux yeux des spectateurs une valeur documentaire. C’était l’occasion, notamment pour les Américains des Etats du Nord, de découvrir la « vraie » vie des esclaves noirs dans les plantations du Sud », précise la scénariste et réalisatrice Isabelle Boni-Claverie au HuffPost en 2015.

Ces spectacles vont peu à peu disparaître à partir des années 30, pour mieux se diluer dans la culture populaire occidentale et continuer, aujourd’hui encore, de nous influencer.

Isabelle Boni-Claverie analyse:

« Le ‘blackface’ met en jeu une autre caractéristique, toute occidentale, celle de se croire universel et partant autorisé à s’approprier, littéralement, la peau de ceux qui ne le sont pas. (…) Il n’y a pas besoin d’être raciste pour porter la ‘blackface. Au contraire. La plupart de ceux qui se déguisent en Noirs vous diront qu’ils l’ont fait pour se marrer, parce que c’était le thème de la soirée. En aucune façon ils ne pensaient à mal. (…) Je suis tout à fait prête à croire en la bonne foi des uns et des autres. Je reste tout de même surprise par l’amnésie collective qui sous-tend le recours au ‘blackface' ».

Maquillage VS expérience brutale vécue par les Noirs

Ce n’est pas la première fois que ce malentendu fait scandale. En 2013, une rédactrice du magazine Elle France avait créé le malaise Outre-Atlantique. L’année suivante, Valérie Benhaïm avait dû présenter ses excuses après s’être déguisée dans « Touche pas à mon poste » en Compagnie créole avec Jean-Michel Maire. Plus récemment, c’est l’assistant de production de « C’Cauet » sur NRJ, Loris Giuliano, qui s’est grimé en noir pendant une chanson. Par ailleurs, le blackface est toujours pratiqué lors d’événements tels que le carnaval de Dunkerque.

« Les gens sont encore aujourd’hui les héritiers de ces spectacles populaires et de ce côté méprisant. On rigole des Noirs et du fait qu’ils soient noirs. Or, se grimer le visage n’est jamais neutre », explique auprès de Rue89 Pascal Blanchard, historien. « Nous n’avons pas fait le lien entre la société coloniale et notre société actuelle », poursuit-il.

Comme le souligne également sur Slate le sociologue Éric Fassin, en se grimant en noir, on oublie la réalité, « l’expérience brutale » qui est la leur. Car le maquillage s’enlève, contrairement au faire d’être noir. « Être Noir, affirme-t-il, ce n’est pas un travestissement, ce n’est pas pour rire; c’est une condition, prise dans une histoire raciale. »

 

Rédaction du HuffPost

 

Source : Le HuffPost

 

Diffusion partielle ou totale interdite sans la mention : Source : www.kassataya.com

 

Articles similaires

Bouton retour en haut de la page