Le grand chef des Blancs est dans nos murs depuis hier 27 novembre 2017. Pour les uns, cette visite est perçue comme un grand honneur rendu au pays des Hommes intègres.
Elle est également décryptée comme une opportunité de renforcement de l’axe Ouagadougou-Paris. De ce fait, ils invitent les Burkinabè à mettre les petits plats dans les grands et à tuer le veau gras pour réserver à l’hôte gaulois, un accueil digne de son rang et de la légendaire hospitalité burkinabè.
Pour les autres, cette visite est celle d’un grand impérialiste dont l’objectif est de renforcer la mainmise française sur le Burkina. Et cette mainmise est multidimensionnelle. Elle est, en effet, à la fois géostratégique, politique, économique et culturelle. Dans la foulée, les vieux slogans dignes des campus universitaires et de la période de braise de la guerre froide, ont repris du service.
Ainsi, l’impérialisme français dont l’incarnation du moment est le jeune Emmanuel Macron, est pourfendu sur toutes les latitudes et avec lui, « ses valets locaux ». Les tenants de ce discours n’ont pas tort. En effet, l’on peut faire le constat que bien que le Burkina ait accédé à l’indépendance, si l’on peut l’appeler ainsi, depuis 1960, l’ancienne puissance coloniale demeure omniprésente dans toutes les sphères de la vie du pays.
Pourfendre l’impérialisme est un chose et poser des actes de manière à signifier que l’on ne fait pas dans la démagogie en est une autre
Au plan économique, les multinationales françaises règnent pratiquement en maîtresses absolues. L’on ne prendra pas ici le risque de les énumérer, tant la liste est longue. Au plan géostratégique, le Burkina apparaît comme une mine au point que ce n’est pas demain la veille que l’armée française va se décider à tourner le dos au pays des Hommes intègres. Avec la menace terroriste qui plane aujourd’hui sur l’ensemble des pays du Sahel africain, la présence militaire française dans cet espace en général et au Burkina en particulier, a encore de beaux jours devant elle.
Au plan politique, tous les chefs d’Etat qui se sont succédé à la tête du pays, à l’exception de Thomas Sankara, ont toujours caressé la France dans le sens du poil, histoire de faire l’âne pour avoir du foin. Et l’on sait ce qui est arrivé au téméraire Thomas Sankara, pour avoir tenté de regimber. Et la précision vaut son pesant d’or, puisque c’est par la mitraille de Burkinabè que la vie de l’homme a été fauchée.
Au plan culturel et linguistique, puisque la langue est le vecteur de la culture, l’hégémonie de la langue de Molière est sans partage. Et justement, le sens de la polémique et de la dialectique dont seuls les Burkinabè croient avoir le secret, fait en réalité partie de la tradition française. Bref, personne ne peut nier la réalité de l’impérialisme français au Burkina. Mais pourfendre l’impérialisme français est un chose et poser des actes concrets de manière à signifier que l’on ne fait pas dans la démagogie en est une autre. C’est véritablement à ce niveau que le bât blesse. Autrement dit, descendre en flammes la mainmise de la France toutes les fois que l’actualité nous donne du grain à moudre est bien, mais le mieux, c’est de se comporter au quotidien de sorte à être en phase avec nos mots. Or, c’est ce qui fait défaut au pays des Hommes intègres en particulier et en Afrique francophone en général.
Chaque Burkinabè peut représenter « un valet local »
En effet, l’on peut faire le constat que bien des gens qui ont la dent dure contre l’impérialisme français en particulier et l’impérialisme occidental en général, ne rechignent pas à tendre la sébile aux structures mises en place par les mêmes impérialistes pour financer certaines de leurs activités. Et l’on peut observer cela aussi bien de la part d’OSC et de partis politiques dits de gauche. L’on ne sait pas si l’on doit en rire ou en pleurer. Les deux certainement. Car, ce faisant, ils contribuent de manière consciente ou inconsciente, à consolider l’impérialisme de l’Occident.
En réalité, dans certaines chapelles, on n’aime pas l’impérialisme, mais on aime l’argent des impérialistes. Thomas Sankara avait trouvé une image pour parler de l’impérialisme. Il avait, en effet, dit ceci : « l’impérialisme se trouve dans nos assiettes ». L’on peut ajouter qu’il se trouve aussi dans nos verres et dans nos garde-robes. C’est aussi simple que cela. Tant que l’on ne va pas agir sur ces leviers, nos discours enflammés sur l’impérialisme ne feront ni chaud ni froid aux impérialistes. La vérité est que chaque Burkinabè, par son mode de consommation, par ses habitudes vestimentaires, par son attachement affectif à la langue française, peut représenter « un valet local » sans le savoir, de l’impérialisme français.
Mais la grande responsabilité de cela peut être imputée à nos gouvernants. Ce sont eux qui, par manque de vision et de courage politique, ouvrent des boulevards dans nos pays, à l’impérialisme occidental. Et ce n’est pas demain la veille que cette posture va changer. Car, « les impérialistes » savent que sous nos tropiques, l’on ne fait pas la politique pour servir, mais pour se servir. Le terrain est donc favorable et les impérialistes en profitent. Et cela est de bonne guerre. Et même si, par extraordinaire, l’on arrivait à se défaire de l’impérialisme français, le risque est grand que l’on saute pieds joints dans un autre impérialisme. Car, les Africains sont ainsi faits qu’ils donnent toujours l’impression de vouloir le beurre et l’argent du beurre. En somme, et au risque de susciter le courroux de bien des gens, c’est nous qui donnons des verges aux autres pour nous faire flageller.
Sidzabda
Source : LePays (Burkina Faso)
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