Pourquoi Emmanuel Macron a choisi le Burkina Fasso pour son grand discours sur l’Afrique

Alors que Nicolas Sarkozy et François Hollande s'étaient exprimés depuis Dakar, le chef de l'Etat le fera mardi depuis Ouagadougou.

En Afrique aussi, Emmanuel Macron aimerait ouvrir une nouvelle ère. Après avoir, durant six mois, fait voler en éclat beaucoup de certitudes en politique intérieure, le chef de l'Etat entame ce lundi 27 novembre une semaine importante sur le continent africain. Avant la Côte d'Ivoire et le Ghana mercredi et jeudi, le président de la République est attendu dans la soirée au Burkina-Faso.

C'est depuis Ouagadougou qu'il prendra mardi matin la parole pour une intervention très attendue. Ce n'est certes pas sa première visite de l'autre côté de la Méditerranée (il est allé au Mali rencontrer les troupes françaises à Gao juste après son élection puis à Bamako pour un sommet sur le terrorisme en juillet), mais ce rendez-vous doit marquer les esprits.

"On en attend beaucoup, confirme Pierre Jacquemot, ancien ambassadeur de France dans plusieurs pays d'Afrique aujourd'hui chercheur à l'Iris. C'est LE discours d'Emmanuel Macron, symbolique, politique. Cela fait partie des rites pour tous les présidents de la République. Il n'y en aura pas d'autres avant trois-quatre ans." Michel Scarbonchi, spécialiste de l'Afrique rappelle qu'Emmanuel Macron "a fait un discours sur sa politique internationale à l'Onu, un autre sur l'Europe à la Sorbonne. Il lui manque encore celui sur l'Afrique".

Dix ans après le discours de Dakar de Sarkozy

Pour le rédiger, il s'est appuyé sur le Conseil présidentiel pour l'Afrique nommé dans le courant de l'été. "Ce n'est vraiment pas un gadget et ça change de ce que l'on voit d'habitude", certifie un habitué de ces cercles diplomatiques. Ses membres avec qui il a récemment dîné à l'Elysée sont essentiellement des entrepreneurs binationaux en lien étroit avec leur pays d'origine qui lui apportent une autre vision de l'Afrique que les réseaux diplomatiques traditionnels. Cet organe illustre sa volonté de placer l'économie au coeur de sa diplomatie en rupture avec ses prédécesseurs.

Pour montrer qu'il appartient à une nouvelle génération, éloignée du passé colonial, Emmanuel Macron parlera surtout partenariat économique, entrepreneuriat, éducation, sport et énergies renouvelables, plutôt que d'aide au développement. "Pour cela, le Burkina est le bon pays car il concentre toutes les tensions actuelles de l'Afrique de l'ouest", résume Michel Scarbonchi.

Le choix du Burkina-Fasso pour s'adresser à l'Afrique marque aussi un changement par rapport aux anciens Présidents. "Traditionnellement dans la Ve République, les présidents français allaient plutôt à Dakar au Sénégal ou à Abidjan en Côte d'Ivoire", explique Pierre Jacquemot. Ses deux prédécesseurs avaient en effet réservé leur grand discours pour la capitale sénégalaise.

Comme Emmanuel Macron à l'université de Ouagadougou, c'est dans une université (à Dakar) que Nicolas Sarkozy avait pris la parole il y a tout juste dix ans, affirmant très maladroitement que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. "J'y vois un pied de nez, reconnait l'ancien ambassadeur. Ce fut un discours qui était épouvantable et qui avait fait beaucoup de mal."

La jeunesse a chassé l'ex-Président

Le chef de l'Etat répondra aux questions que lui poseront -"sans filtre", assure l'Elysée- des étudiants. "Ce public n'a pas forcément une bonne image de la France", estime l'entourage présidentiel selon qui la rue n'a pas bien digéré que Paris participe à l'exfiltration de Blaise Compaoré vers la Côte d'Ivoire en 2014. Cette année-là, le président burkinabais est chassé du pouvoir après 27 ans à la tête du pays. Le pays réclame aussi à Paris l'extradition de François Compaoré, le frère de l'ex-président visé par un mandat d'arrêt international pour l'assassinat d'un journaliste en 1998. Des manifestations pourraient d'ailleurs perturber la visite présidentielle.

"Le Burkina est un pays vertueux en matière démocratique, comme le Ghana où Macron se rendra dans quelques jours. S'adresser aux étudiants alors que beaucoup d'entre eux ont participé au mouvement 'balai citoyen' qui a chassé Compaoré n'est pas non plus anodin", note Pierre Jacquemot. A charge pour le Président de faire oublier ses propos polémiques de l'été quand il avait fait un lien entre les problèmes de certains pays et les taux de fécondité rencontrés.

Comme tous les pays de la zone sahalienne, enfin, le Burkina Fasso est concerné par le terrorisme, un attentat dans la capitale -un Français y avait perdu la vie- venant le rappeler au mois d'août. Même s'il ne veut pas s'enfermer dans cette thématique, elle demeure centrale comme en témoigne l'appel qu'il devrait adresser aux dirigeants africains pour qu'ils en fassent plus. Pour en parler, être dans l'un des pays membre du G5 Sahel (Mauritanie, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad) a plus de sens. A ce titre, le Niger a longtemps été pressenti pour accueillir ce premier discours. "Mais Macron ne pouvait pas favoriser le Niger plutôt que le Mali, deux pays où les dirigeants ne sont pas en grande forme", estime Michel Scarbonchi. Restait donc la capitale burkinabaise; rendez-vous mardi matin.

 

 Alexandre Boudet

 

Source : HuffPost

 

 

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