« Cette affaire est un trait rouge », ne cessait de dire le Président. Des gens ''très gras'' lui rappellent que c'est même une question de deux traits rouges. Une affaire de rouge à lèvres.
Pour faire un peu beau, juste un toilettage pour notre drapeau national. Même l'opposition y allait, elle aussi, de son trait rouge. Des interdits qui n'en sont pourtant plus, en réalité. Puisque, à voir de près, il n’y a plus rien, ni de rouge, ni de blanc, ni de noir. Bonjour Stendhal, Ton Rouge et le Noir, ça ne marche plus ici !
Maintenant que tous les interdits ont été transgressés, bonjour les dégâts ! Il ne reste plus qu'à faire le décompte des apostats, des ennemis d'Allah et de son Prophète. Et c'est de justesse que de très grandes personnalités à narguer la République islamique, son gouvernement et son président. A commencer par Birame, l'incinérateur des traités malékites où sont consignées toute l'histoire religieuse de la Mauritanie, toute la gloire de l'éternel Bilad Chinguitt, toute la grandeur du pays au million de poètes. Pays qui risque, si cette tendance d'apostasie et d'hérésie se poursuit, redevenir le pays du million d'apostats et d'hérétiques. Hou la la ! Grande marche, donc, de condamnation de l'incinération, cap sur la Présidence ! Voilà le Président fortement enturbanné, « Notre religion est une ligne rouge ! Je vous ai compris. L'apostat d'IRA aura ce qu'il mérite. Il passera à l'échafaud ! » Promesse de Président.
Mais, entretemps, les calculs ont changé. Un peu comme ceux de Perrette et de son pot au lait Adieu, veau, vache, couvée ! Adieu, ligne rouge, ligne blanche, ligne verte ! Finalement, le Président a « oublié ». Hou la la, l'heure est grave ! Il faut maintenant penser à l'essentiel : collecte des signatures, pour préparer la candidature de l'apostat. Car ça aurait été une autre sacrée ligne rouge de ne pas organiser la présidentielle de 2014. Ne pas la mener aurait une véritable ligne de feu, même. Puis il ya eu une deuxième « apostate ». Oui, une femme, cette fois. Derrière chaque grand apostat, il ya toujours une femme, pardine ! L'apostasie n'est pas qu'une affaire d'homme. Cheveux coupés à la « garçon », appel à un Etat laïc où chacun ferait ce qu'il veut. Uriner debout, uriner couché, assis, en levant la jambe gauche ou la jambe droite. Être juif, chrétien ou rien du tout. Surtout pas de ligne rouge.
Il faut parler de tout. Même du Coran. Des règles de l'héritage. Un homme et une femme, c'est tout comme, c'est une femme et un homme, ni plus, ni moins. Vive la parité ! Vive le Genre ! Vive l'association des femmes chefs de ménage ! Quand un homme met une jupe ou une femme un pantalon, les rôles s'inversent. Comme maintenant. Alors, notre « apostate » nationale propose de revoir les textes coraniques. Les insultes fusent de toutes parts. Qu'Allah la tue ! Qu'Allah brûle les oreillettes de son père ! Mais on n'est pas fille de grande tente pour rien, on n'est pas sœur de conseiller de Président non plus pour rien. Les apostats se suivent et se ressemblent. Ils rivalisent, même, d'apostasie et d'hérésie. Même Allah n'a pas été épargné ! Ni la prière, ni le Saint Coran ! Des apostats informels, des apostats officiels, tous tellement excités qu'ils ne savent plus quoi dire. Qui nourrit contre la faim? Qui protège de la peur? Qui sécurise?
Allez demander à Sidi Mohamed ould Maham. Il l'a déjà dit clairement, aux gens de Boutilimit, et pas une chèvre n'a écorné une autre, en cela. Rien, pourquoi ? Hé, on n'est pas président de l'UPR pour rien. Ould Maham n'est pas Ould M'Khaitir qui n'est pas, lui, fils ni d'une grande tente, ni d'une grande case, ni même d'un grand hangar. L'apostasie dépend de l'apostat. L'hérésie dépend de l'hérétique. Les gens de La Nosra le savent très bien. Ça revient à la même histoire de ligne rouge : il ya des choses qu'il ne faut pas dire, qu'il ne faut pas faire. Une seule ligne rouge. Ou deux ou trois. Car il y a des apostats intouchables, comme les vaches hindoues. Il y a aussi des apostats comme des petits murs : très bons et faciles à sauter. Sans ligne rouge. Salut.
Sneiba El Kory
Source : Le Calame (Le 23 novembre 2017)
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