Senghor a été plus poéte qu'autre chose. Et il ne serait pas injuste de dire qu'il a profité de sa position de président du Sénégal pour promouvoir sa poésie et le sens qu'il donnait à cette dernière.
L'homme qui, sa vie durant, a crié sa Négritude sur tous les toits du monde comme il voulait déchirer tous les rires banania des murs de France, était tout simplement en avance sur son temps. L'époque où Senghor, Césaire et Gontran Damas criaient leur Négritude était une époque où ceux issus des colonies françaises ( Africains, Indochinois ) rasaient les murs à Paris. Il fallait avoir un certain courage intellectuel pour clamer ce qu'on est. Son poème le plus marquant fait de la nudité un vêtement, un beau vêtement : "Femme nue, femme noire. Vêtue de ta couleur qui est vie, de ta forme qui est beauté…"
Je sais que Senghor a été l'objet de toutes les critiques. Pour certains, il était simplement blanc, pour d'autres il était le représentant du néo-colonialisme.
Le poéte chantait le royaume de l'enfance, le polique se servait de la poésie pour imposer sa vision du monde et de la civilisation. Très tôt les jeunes Sénégalais ont entendu parler de la Négritude et de la Civilisation de l'universel. Senghor croyait aux vertus irremplaçables du dialogue. Par la culture, il a dessiné un Sénégal où tout le monde se dit Sénégalais sans commencer par dire qu'on est de telle ou telle communauté. Cette unité nationale, que beaucoup envie au pays de Mamadou Dia, de Lamine Guèye et de Waly Jojo, est l'oeuvre la plus réussie du poéte- président. La stabilité du Sénégal, son jeu banalisé de l'alternance politique viennent de loin, je dirais même de très loin. Ils sont le fruit du travail d'un homme qui voulait que son pays fut regardé en exemple. Senghor dort.
Ce catholique, qui allait à la messe, gardait en lui un fond animiste qui fait le lien entre les esprits et nous, entre nos ancêtres et le monde des vivants. Chaque fois que Senghor était invité à une émission et qu'on lui demandait s'il voulait lire un de ces poèmes, il lisait le même. La mort, il la respectait comme on considère un ainée, mais la redoutait. Il avait, comme il disait, peur du non-être. Ainsi aimait-il se réfugier dans la réligion antique de l'Afrique; dans Je ne sais ….. " Je ne sais en quels temps c'était, je confonds toujours
l'enfance et l'Eden
Comme je mêle la Mort et la vie- un pont de douceur les relie."
Mamadou SAKHO
Facebook – Le 20 décembre 2016)
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