L'image est rapidement devenue virale…
Si vous avez veillé un peu tard sur les réseaux sociaux, ou que vous y naviguez déjà en ce début de semaine, vous avez sûrement vu passer cette photo, prise le 21 septembre à Orlando et diffusée en masse sur Twitter.
Victor Ng, membre de l’équipe d’Hillary Clinton, a posté cette photo en ajoutant ce simple commentaire: «2016, c’est ça.» Le commentaire est étrange. On peut facilement s’interroger sur le sens qu’ont voulu donner l’auteure de la photo (Barbara Kinney, photographe officielle de Clinton) et l’auteur de ce tweet, qui travaillent tous les deux pour la candidate. Le but était-il de montrer maladroitement la ferveur que provoque la candidate chez les jeunes, qui veulent tous se prendre en photo avec elle? Plusieurs internautes ont souligné à juste titre qu’une image aussi puissante pouvait vite se retourner contre la Démocrate.
«Combien de temps avant que Trump tweete cette photo pour dire que les gens tournent le dos à Hillary Clinton et déclare que “triste”?»
Le coup de com’, pour peu qu’il ait été calculé, est donc raté. En revanche, une autre critique est souvent revenue dans les commentaires, cette fois à l’encontre de la jeunesse américaine, accusée une nouvelle fois d’être narcissique.
«Il y avait un temps où les gens faisaient vraiment plus attention aux autres personnes.»
Cette accusation est presque inhérente à l’activité du selfie; ce n’est pas un hasard si Kim Kardashian a intitulé son recueil de selfies Selfish, «égoïste» en anglais. Mais ici, dans le cadre de la campagne électorale, on se trompe en estimant qu’il s’agit là d’une décadence inhérente au XXIe siècle.
Les candidats comme les électeurs ont besoin des selfies
Tout d’abord parce que cette photo est un instantané, il ne montre qu’un fragment mis en scène de la rencontre entre Clinton et ses fans. Le site Heavy a publié une autre photo de la soirée, prise par l’agence Getty, où l’on voit la candidate parler face à son audience, qui lui fait face, la prend en photo et l’écoute attentivement.
«Ah tiens, le “moment selfie” n'a donc été qu'un moment, autorisé, peut-être impulsé par la candidate elle-même, écrit Daniel Schneidermann sur le site arretsurimage.net. […] Non, le selfie ne "remplace" pas les codes traditionnels de contact entre une foule et l'objet de son amour. Il vient seulement s'y ajouter, à sa petite place.»
En voulant montrer le lien tissé par la candidate avec la jeunesse, ses chargés de communication on fait croire au monde qu’elle était devenue la victime du narcissisme numérique.
Ensuite, il faut savoir que la campagne électorale américaine repose énormément sur le selfie. Les New York Times l’annonçait l’été dernier, lorsqu’Hillary Clinton apprenait à une supportrice à prendre une photo, et Recode l’a confirmé fin juillet sur son site. Le photojournaliste Brad Zucroff explique ainsi qu’il est désormais «rare de voir un supporter qui veut serrer la main ou demander un autographe [à son candidat]. Ce qu’ils veulent en réalité, c’est un selfie avec lui.» Des ados du New Hampshire en ont même fait un défi, cherchant par tous les moyens à arracher une photo avec un potentiel président pour la diffuser en ligne. Les candidats, de leur côté, risquent de voir des photos ratées d’eux devenir «virales» sur internet, mais ils consacrent tout de même «trois fois plus de temps qu’avant» à ce genre d’activité, quitte à avoir encore plus de retard sur le planning. Après tout, s’imposer sur les timelines de leurs fans et de leurs amis est un moyen comme un autre de faire campagne.
Les seuls déçus sont les photographes d’agence qui, comme le raconte Brad Zucroff, naviguent difficilement dans la marée de bras et de téléphones levés, pour tenter une photo correcte du candidat. 2016, c’est ça.
Repéré par Vincent Manilève
Source : Slate
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