Mohamed Saïd, la bibliothèque manquante

Le journaliste et diplomate est décédé le 20 août 2015, à Rabat au Maroc. Cheikh Aïdara, du journal L’Authentique Quotidien, rappelle qui était l’homme.

Voilà un an, jour pour jour que Mohamed Saïd Ould Homody a quitté ce bas-monde. Le 20 août 2015 il décédait au Maroc. Ce natif d’Atar, né le 23 mai 1942, laisse derrière lui un immense héritage, plus de cinquante ans d’humanisme, de combats et de réflexions. Il a vu naître la Mauritanie et participé, jusqu’à son dernier souffle, à l’œuvre de construction nationale.

Journaliste chroniqueur, chercheur, écrivain, diplomate et acteur incontournable de la société civile mauritanienne, Mohamed Saïd Homody avait su tisser des relations d’amitié profonde avec l’ensemble des communautés nationales. Issu d’une famille noble d’Atar, la famille Homody, Mohamed Saïd n’a épargné ni son temps ni sa santé pour défendre la cause des opprimés. Il était un homme de consensus qui a flirté avec le sommet de la République sans quitter le bas-peuple. Son passage à la tête de la Commission nationale des droits de l’homme, après avoir longtemps défendu la cause antiesclavagiste au sein de SOS Esclaves, a légué à la postérité l’image d’un homme juste et droit, un homme qui n’a jamais renié ses convictions, l’un des rares qui n’a jamais courbé la tête ni cherché à plaire au Prince du moment.

Président du Manifeste des droits politiques, économiques et sociaux des Harratines, il a mené le combat des opprimés avec résolution, sagesse et abnégation.

C’est en 1968 qu’il débarque au Lycée National de Nouakchott, petite bourgade de quelques milliers d’habitants, après un passage au Lycée Faidherbe de Saint-Louis et au Collège Michelet de Nice en France. A Paris, il suivit des études de journalisme et se distingua dans le mouvement estudiantin, notamment l’Association de la jeunesse mauritanienne (AJM), puis comme président de la section Paris de l’Union nationale des étudiants mauritaniens.

Mohamed Saïd a par la suite embrassé une longue carrière diplomatique qui l’a menée au Caire comme secrétaire d’ambassade, à Washington et Rabat comme Premier conseiller chargé d’affaire…

A la fin des années 1970, il occupa pendant une année la fonction de Secrétaire général de la Présidence de la République, puis Représentant Permanent de la Mauritanie auprès de l’ONU à New York, et ambassadeur non résident auprès du Canada et de Cuba. Entre 2000 et 2001, il est ambassadeur de Mauritanie auprès des Etats-Unis d’Amérique,

ambassadeur non résident auprès du Mexique. En janvier 2002, il fit valoir ses droits à la retraite et s’engagea dans la société civile, la consultation et l’expertise internationale.

Grand lecteur, et archiviste, Mohamed Saïd Homody est l’auteur d’une Biographie générale de la Mauritanie (Préface Pierre Messmer, Ed Sépia, 1995), la première étude complète sur la Mauritanie. Il fut surtout un grand ami de la France, qui l’avait décoré quelques années plus tôt de la Légion d’Honneur.

L’hommage le plus complet qui lui a été rendu est celui de Mokhtar Lam dans les colonnes de L’Eveil-Hebdo où ce dernier saluait en lui, «le brillant intellectuel, le chercheur chevronné avide de connaissances ». Mohamed Saïd Homody était un homme d’une intelligence exceptionnelle et d’une culture encyclopédique qui a marqué l’espace médiatique à travers ses chroniques aujourd’hui conservées aux archives du journal Le Calame et qu’il avait appelées «Le Bloc de Cheikh Dah». Mohamed Saïd Homody, pour tous ceux qui l’ont connu, faisait partie de cette génération de Mauritaniens qui n’existent pratiquement plus, ceux qui ont cru en la possibilité de construire une Nation Mauritanienne unie, forte et plurielle, capable d’accueillir tous ses enfants quelle que soit leur communauté. Une Mauritanie prospère, protégée par un Etat de droit où règneraient la justice et l’égalité. Mohamed Saïd Homody savait surtout jouer le rôle de passerelle entre les générations et les communautés nationales dont il connaissait les relations inter et intrasociales. Il était bien au fait des plaisanteries à cousinage répandues chez les Négro-Mauritaniens et savaient bien en faire usage avec cet humour plein de condescendance. Sa bibliothèque était la plus riche du pays. Aucun visiteur de passage à Nouakchott ne pouvait éviter de faire un détour dans ce temple du savoir où le patriarche dans ses derniers jours aimait se réfugier. C’est donc une bibliothèque qui a quitté cet ici-bas, en laissant de brillants héritages. Que ces œuvres lui servent de Paradis, Amen !

                                                                                                                                                                             Cheikh Aïdara

 

Source :  Traversees Mauritanides

 

 

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