Syrie : Omrane, un symbole, vraiment ?

La capture d’écran est en une du New York Times, d’El País, du Guardian, de la Repubblica et du South China Morning Post.

Elle montre un enfant hagard, qui vient d’être tiré des décombres après un bombardement à Alep. Dans une tribune diffusée par Al-Jazira, Hamid Dabashi met en garde contre la transformation de cet enfant en symbole.

La vidéo a été filmée par un journaliste, Mustapha Al-Sarout, mercredi 17 août. Omrane, 5 ans, est déposé sur un siège à l’arrière d’un véhicule médicalisé. Son corps est couvert de poussière, il a du sang sur le visage. Il ne pleure pas, ne parle pas et regarde dans le vide.  

“Nous ne devrions pas voir ça. Mais on nous fait comprendre qu’il faut regarder cette image parce que c’est ‘une image symbolique’ de la Syrie. Symbolique de quoi, au juste ? Ce mot ‘symbolique’ est devenu obscène”, réagit Hamid Dabashi, professeur à l’université Columbia, aux Etats-Unis, dans une tribune publiée par Al-Jazira. Il poursuit :  

 
"Nous utilisons cette idée de ‘symbole’ pour intégrer l’énormité de la terreur rencontrée en Syrie, en Irak ou en Palestine, une terreur si écrasante que nous avons besoin de la photo d’un garçon pour se représenter un désastre qui nous dépasse.”

 

Et de noter que nous nous contentons souvent de chercher un coupable : était-ce l’armée syrienne, les rebelles ou les bombardiers russes… ?  

Et après ?

“Mais que faisons-nous de ces images symboliques ?” interroge l’universitaire. Et de se demander ce qui s’est passé après la publication de la photo d’Aylan, dont le corps sans vie avait été retrouvé sur une plage turque, en septembre 2015, alors que sa famille tentait de fuir la Syrie.

 

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“Ces mêmes médias qui nous montrent ce ‘symbole’ un jour ont la capacité de concentration d’un babouin schizophrène, et demain, ce symbole sera oublié et remplacé par un autre”, commente Dabashi.  

Il évoque aussi l’indignation des réseaux sociaux, compare ces derniers à un tableau de Jérôme Bosch, “des scènes de meurtre et de chaos partout, en quête d’une seconde d’attention, jusqu’à ce qu’un cri soit remplacé par un autre”.
   

Un regard qui prend à la gorge

Hamid Dabashi conclut sur le réquisitoire que constitue cette image d’Omrane.  

  "Face à ce regard, face à ces yeux, chaque dieu, dans chaque paradis, et chaque créature dans le moindre recoin de la Terre, de la Maison-Blanche au Kremlin, d’Ankara à Riyad, de Téhéran au Caire, est mis en accusation. Non, ce portrait n’est pas un symbole. Il s’agit d’Omrane Daqneesh, un petit garçon syrien, dont le regard capturé sur le vif vous prend à la gorge – oui, littéralement à la gorge – et qui ne vous laisse pas détourner les yeux ou pointer quelqu’un d’autre du doigt. Ce regard contient notre damnation éternelle sur cette terre.”

 

 

Source : Al Jazira via Courrier international

 

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