Au Pakistan, le fléau tenace des « crimes d’honneur »

C’est un nouveau coup, violent et sournois, porté aux droits des femmes au Pakistan.

Vedette des réseaux sociaux, sur lesquels elle était suivie par des dizaines de milliers de personnes, Qandeel Baloch – Fauzia Azeem, de son vrai nom – a été tuée en fin de semaine dernière par son propre frère au Pendjab (Nord-Est) dans ce qui s’apparente à un nouveau « crime d’honneur ».

Arrêté par la police, son frère a reconnu les faits, affirmant qu’il avait drogué puis étranglé sa sœur de 26 ans pendant son sommeil, au domicile de leurs parents, au motif que celle-ci aurait souillé le patronyme familial en postant des photos « osées » d’elle, notamment sur Facebook.

Loin de venir à résipiscence, Muhammad Wasim a admis qu’il lui avait donné un comprimé avant de commettre son macabre forfait. Dimanche, il a assuré qu’il n’éprouvait aucun remords, allant même jusqu’à ajouter que le comportement de sa défunte sœur, connue pour son aplomb et sa liberté de ton, était « complètement intolérable ».

D’après la commission des droits de l’homme au Pakistan, un organe indépendant, plus de 1 000 femmes ont perdu la vie l’an dernier au Pakistan en raison de prétendus « crimes d’honneur », reflets de la tradition patriarcale et phallocrate qui prévaut dans le pays.

La mort de Qandeel Baloch a suscité des réactions très contrastées, certains dénonçant un meurtre sauvage, d’autres se réjouissant de cette « bonne nouvelle ». Une césure qui montre combien la question des femmes, surtout celles qui assument leur indépendance et leur sexualité, pose problème à la frange la plus conservatrice de la société (laquelle les qualifie d’ailleurs de « femmes immodestes »).

Indigné par cet assassinat, qu’il condamne en des termes sans équivoque, le quotidien pakistanais Dawn exhorte les législateurs à réagir avec la plus grande fermeté. « Quand le Parlement sortira-t-il de sa léthargie pour adopter la loi sanctionnant les crimes d’honneur ? », s’interroge-t-il, enjoignant aux autorités de mieux protéger les femmes qui cherchent à « briser le plafond de verre ».

Elle était « drôle, intrépide et libre », rappelle un autre quotidien, The Nation, en forme d’hommage à une (forte) personnalité aussi adulée que haïe. Des mots qui n’effacent pas la colère. Et le journal de lancer, en conclusion : « Sommes-nous à ce point mesquins et amers que l’on préfère tuer quelqu’un que nous n’apprécions pas ou avec qui nous sommes en désaccord plutôt que de le tolérer ? »

Aymeric Janier

 

Source : Le Monde

 

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