Hillary Clinton va-t-elle échouer à cause de ses e-mails ?

Le boulet plombe sa campagne depuis un an : la prétendante démocrate au fauteuil présidentiel des Etats-Unis va-t-elle perdre à cause de sa correspondance personnelle ?

Depuis un an, Hillary Clinton est gênée par un adversaire étrange : ses vieux e-mails.

A cause de sa correspondance électronique, la presque candidate démocrate a été entendue ce 2 juillet près de trois heures et demie par des agents du FBI, au QG de l’agence, à Washington.

A en croire les médias américains, cette entrevue – que l’équipe de campagne d’Hillary Clinton s’est empressée de présenter à l’initiative de la candidate, est la dernière étape de l’enquête lancée l’été dernier.

Quelques mois plus tôt, les Etats-Unis apprenaient que l’ancienne Secrétaire d’Etat (équivalent de notre ministre des affaires étrangères) avaient continué à utiliser une adresse personnelle lors de son passage dans le gouvernement Obama. Quitte à mettre à nu de potentiels secrets. Une imprudence qui pourrait aujourd’hui lui coûter la présidence des Etats-Unis.

Des textos dans l’avion

C’est une photo depuis devenue mythique sur Internet qui a mis la puce à l’oreille : Hillary Clinton en train de textoter sur son téléphone Blackberry, enfoncée dans un fauteuil en cuir d’un avion militaire américain, en 2011.

Les doutes de l’administration se sont rapidement confirmés : oui, de 2009 à 2013, la prétendante au fauteuil présidentiel envoyait et recevait encore des messages sur son adresse perso « hrod17@clintonemail.com ».

Au lieu d’être stockés sur un serveur gouvernemental supposément très sécurisé, ses e-mails atterrissaient donc sur un espace de stockage maison, précisément situé dans le domicile familial des Clinton, à New York.

Malgré son apparente banalité, la pratique pose de sérieuses questions :

  • de sécurité déjà : des infos sensibles ont-elles transité sur cette boîte mail par nature moins barricadée qu’une adresse en .gov – en théorie, du moins ?
  • de droit : en tant que Secrétaire d’Etat, Hillary Clinton devait faire une copie de toute sa correspondance – messages classifiés exclus.

La sécurité « prise très au sérieux »

L’affaire sentant de plus en plus mauvais, l’équipe de campagne d’Hillary a entrepris de démolir point par point les soupçons entourant l’affaire. Une page très étoffée y est même consacrée sur le site de campagne officiel de la candidate. A l’en croire :

  • les e-mails de nature professionnelle étaient systématiquement transférés sur l’adresse en .gov d’Hillary Clinton : exit donc le souci d’archivage ;
     
  • « la sécurité et l’intégrité des communications électronique de sa famille étaient prises au sérieux ». Il faut les croire sur parole, puisqu’aucun détail n’est donné – et bizarrement, nous n’en avons pas reçu non plus suite à nos demandes d’information ;
     
  • à l’époque, aucune information échangée dans ces courriels était présentée comme confidentielle ;

Hillary Clinton tend son téléphone aux journalistes, le 8 décembre 2011.

Hillary Clinton tend son téléphone aux journalistes, le 8 décembre 2011. – J. Scott Applewhite/AP/SIPA
 

2000 e-mails confidentiels

C’est là que ça se gâte. Sur les 30 000 messages que la femme politique a consenti à transmettre à la justice américaine pour vérification, plusieurs centaines ont été jugés comme sensibles, et de nature à être protégés, raconte Politico.

« Plusieurs dizaines d’entre eux [jugés] “Secret” ou “Top secret”, le tiers supérieur de la classification de la sécurité nationale, et près de 2 000 désignés comme “Confidentiel”, le niveau le plus faible de protection des informations classées secrètes […]. »

Ajoutez à cela l’action d’un certain « Guccifer », qui a piraté la boîte d’un ancien collaborateur d’Hillary Clinton, avant d’en révéler les secrets, et un rapport accablant du département d’Etat, et vous obtenez ce qui s’apparente à du pain béni pour les opposants de la candidate dans la course présidentielle.

« Hillary Clinton doit aller en prison »

Si Bernie Sanders (l’ancien prétendant démocrate) n’en a pas abusé, Donald Trump lui, ne s’en est pas privé. Fidèle à ses habitudes, le candidat Républicain a mené une campagne violente à l’encontre d’Hillary Clinton, pour qui il a inventé le sobriquet de « Crooked Hillary » (« Hillary malhonnête, tordue »).

Après lui avoir promis « la prison » pour son imprudence, Donald Trump a partagé une affiche de campagne polémique, au lendemain du passage de sa rival dans les bureaux du FBI.

Pour ne rien arranger aux soupçons de conflits d’intérêts, Bill Clinton a récemment croisé Loretta Lynch, l’actuelle ministre de la justice. Si les deux intéressés présentent la chose comme un banal papotage, l’opposition Républicaine elle, considère qu’il s’agit d’une entrave de l’enquête actuellement en cours.

Regrettant d’avoir ainsi « jeté une ombre » sur l’investigation en cours, la procureur générale des Etats-Unis a fait savoir qu’elle prendrait en compte les recommandations du FBI dans l’affaire des e-mails de Clinton. La sentence est imminente : les agents ont également entendus des anciens collaborateurs d’Hillary Clinton, afin de savoir si des secrets d’Etat avaient été divulgués.

La possibilité d’une plainte

La candidate et son équipe risquent-ils d’être poursuivis pendant la campagne ?

Comme le note le Guardian, les analyses diffèrent sur ce point. De nombreux juristes estiment que l’imprudence d’Hillary Clinton peut difficilement être qualifiée de crimes.

D’autres, comme un ancien pilote de l’Air force, plaide qu’une telle négligence se terminerait mal pour n’importe qui d’autre dans l’administration.

« Si je m’étais comporté comme ça dans l’armée, je serais aujourd’hui très préoccupé par mon avenir judiciaire. »

Interrogé sur ce point, le boss du FBI James Comey a fait savoir qu’il « n’y avait pas de règles spéciales selon la personne sur laquelle le FBI enquête ». Et a insisté sur le fait que les recherches en cours relevait bien d’une investigation, et non d’une « enquête de sécurité » – l’expression privilégiée par l’équipe d’Hillary Clinton.

Et si une accusation venait à tomber ? Alors la candidate pourra toujours poursuivre sa campagne, présomption d’innocence oblige. Le procès pourrait même se dérouler pendant l’affrontement attendu entre Trump et Clinton.

Vu le cauchemar, en termes d’image, que représenterait un tel bourbier judiciaire, on imagine alors que l’éventualité d’un retrait d’Hillary Clinton aurait alors plus à voir avec des arbitrages politiques, que de droit.

Andréa Fradin

 

Source : Rue89

 

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