Les écrans de la télévision française demeurent bien pâles.
La toute récente secrétaire d’Etat à l’égalité réelle, Ericka Bareigts, a décidé de profiter de l’examen du projet de loi Egalité et citoyenneté, en cours de discussion à l’Assemblée nationale, pour prendre des mesures qui promeuvent la diversité dans les médias audiovisuels.
Jeudi 30 juin, le gouvernement va présenter des amendements pour lutter contre les préjugés sur les chaînes nationales, encourager plus fortement la visibilité des minorités sur les chaînes publiques et étendre les missions de contrôle du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA).
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La loi du 30 septembre 1986, renforcée par celle du 31 mars 2006, avait confié au CSA le soin de veiller à la représentation de la diversité à l’écran et sur les ondes, et de contribuer aux actions en faveur de la lutte contre les discriminations. Sans réel pouvoir d’injonction. Les chaînes et les radios n’ont donc fait que montrer leur bonne volonté. Le dernier baromètre de la diversité, rendu public le 1er juin, montre les limites de ces recommandations avec des résultats en stagnation. Seules 14 % de personnes perçues comme « non blanches » (selon la terminologie) sont présentes à l’antenne, selon l’étude de la vague 2015, réalisée à partir du visionnage de 16 chaînes de la TNT gratuite (privées et publiques) ainsi que de Canal+, tous programmes – information, magazines et fictions – confondus.
Marginaux, trafiquants ou voyous
Dans leur représentation à l’écran, les stéréotypes ont la vie dure. Les personnes des minorités visibles ont rarement le beau rôle dans les fictions et les divers programmes. Elles sont surreprésentées dans les rôles de marginaux, de trafiquants ou de voyous (37 %), sont presque exclusivement jeunes et occupent la plupart du temps des postes du bas de l’échelle sociale. Seules 9 % sont retenues dans des rôles de héros ; 21 % n’ont que des rôles de figurants. Le rapport souligne aussi que les éditeurs ont beau afficher une bonne volonté en matière de diversité, celle-ci se traduit rarement dans les actes.
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Le bilan diversité 2015, que vient de publier la direction de France télévisions, corrobore cette tendance. Delphine Ernotte, la présidente, a affiché son engagement en faveur d’une politique volontariste, mais, à lire le document, on ne voit surnager que quelques programmes, comme le documentaire Human, de Yann Arthus-Bertrand, et les séries Cherif ou Plus belle la vie. Pas de quoi chambouler l’image de la télévision publique. La direction n’a pas souhaité communiquer sur le sujet, tout juste a-t-elle présenté son document qui chiffre à 12 % la proportion de non-Blancs dans l’information sur France 2 et à 10 % sur France 3.
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Pour Mme Bareigts, il est temps de passer à la vitesse supérieure, afin que « les écrans soient réellement le miroir de la diversité ». « Cette diversité, c’est la réalité de la société française, et il faut le montrer. Cela apaise le débat, et on en a besoin », dit la secrétaire d’Etat. « Les médias ne montrent les non-Blancs que dans des rôles négatifs ou secondaires. Il faut que cela change. Et pour cela, il faut rentrer dans le qualitatif des programmes et des émissions », insiste-t-elle.
Mme Bareigts entend ainsi « fixer une ambition », des « objectifs négociés » avec les chaînes publiques. Les amendements devraient donc permettre « une meilleure représentation de la diversité » et la production de programmes qui « contribuent à la lutte contre tous les stéréotypes ».
Le CSA voit sa mission étendue à la surveillance de l’application de ces principes dans la production des chaînes, et plus seulement de manière générale. Une mission plus intrusive, que le ministère de la culture, qui n’a pas souhaité s’exprimer, ne semble pas voir d’un très bon œil.
Sylvia Zappi
Source : Le Monde
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