Biram Dah Abeid : « Je ne céderai pas à la peur et poursuivrai le combat »

Biram Dah Abeid est un homme libre. Après seize mois de détention dans des conditions qu'il qualifie d'"inhumaines", le célèbre militant anti-esclavagiste mauritanien est physiquement affaibli mais toujours aussi déterminé.

Bilan d'Aziz, lutte contre l'esclavagisme et candidature à la prochaine présidentielle : Biram Dah Abeid s'est confié à Jeune Afrique.

Le célèbre défenseur des droits mauritanien n’a rien perdu de sa verve et de son engagement. Condamné à deux ans de prison en août 2015 aux côtés de deux autres militants pour « appartenance à une organisation non reconnue, rassemblement non autorisé, appel à rassemblement non autorisé et violence contre la force publique », Biram Dah Abeid vient de passer seize mois derrière les barreaux.

Sa peine a été en partie annulée mardi 17 mai par la Cour suprême mauritanienne. Dans une revirement inattendu, la haute juridiction a en effet requalifié et allégé les faits retenus contre lui et son camarade de détention Brahim Ould Ramdane, estimant que les deux hommes n’auraient pas dû passer plus d’un an en détention.

Preuve qu’il s’agissait d’un « simulacre de procès », rétorque aujourd’hui Biram Dah Abeid, président de l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) en Mauritanie, où l’esclavage est toujours pratiqué malgré son abolition en 1981. Quelques jours après sa remise en liberté, le militant, également connu pour être arrivé en seconde position à l’élection présidentielle de juin 2014, s’est entretenu de ses conditions de détention et de ses ambitions. Interview.

Jeune Afrique : Comment vous portez-vous après 16 mois de détention ? 

Biram Dah Abeid : Ma santé s’est détériorée, je vais d’ailleurs passer des examens médicaux dans les prochains jours. J’ai été privé d’exercice physique et d’un régime alimentaire adéquat par rapport aux problèmes de santé que je subis depuis ma grève de la faim et mes précédentes incarcérations.

Nos conditions de détention étaient inhumaines. J’ai échappé aux tortures physiques endurées par mes camardes, mais pas à celles psychologiques et morales. Nous avons subi des privations de soins et de visites familiales.

Comment expliquez-vous ce revirement de situation après la décision de la Cour suprême de vous libérer immédiatement ? 

C’est un revirement du pouvoir lui-même. Depuis novembre 2014 [date de son arrestation aux côtés de trois autres militants, NDLR], les autorités mauritaniennes ne cessent de livrer bataille à l’IRA en nous arrêtant arbitrairement et en ordonnant aux juges de nous condamner après des simulacres de procès.

Tout cela n’est que manipulation pour nous abattre. En tant que mouvement de renommée internationale, l’IRA est une épine dans le pied du pouvoir de Mohamed Ould Abdel Aziz. Et comme nous l’avons démontré lors de l’élection présidentielle de 2014, nous sommes aussi une force de proposition politique malgré la fraude massive au profit du candidat Mohamed Ould Abdel Aziz [le président largement réélu en juin 2014, NDLR]. Nous sommes la seule force d’opposition capable de le concurrencer.

Vous dénoncez donc une incarcération politique ? 

Bien sûr ! Il s’agit d’une incarcération idéologique car nous menons une bataille contre les dogmes locaux et l’islam esclavagiste, sectaire et féodal incarné par le code noir et le code de l’esclavage. Ce système continue de régir les rapports entre les groupes sociaux en Mauritanie ainsi que les rapports de domination entre la minorité arabo-berbère et la majorité écrasante que sont les esclaves et anciens esclaves.

Après votre détention, comment comptez-vous poursuivre votre combat contre l’esclavage ?

Je ne changerai pas mon approche, l’IRA non plus. Je ne céderai pas à la peur. J’ai consacré ma vie à ce combat et j’ai fait le serment à Dieu et à mes compatriotes de le poursuivre. Je ne renierai jamais ce serment.

Notre approche est une lutte à mort contre le système esclavagiste et raciste qui régit la Mauritanie. Nous sommes des militants pacifistes mais nous ne ferons pas de compromis tant que la Mauritanie ne respectera pas les droits humains.

Serez-vous candidat à la prochaine élection présidentielle  ? 

Bien sûr, je serai candidat. Mes camarades et moi préparons l’élection de 2019 et travaillons sur le projet de société que nous présenterons aux Mauritaniens. J’incarnerai à nouveau ce projet.

Depuis votre libération, vous avez reçu de nombreux soutiens : ceux de l’Union européenne, de la France mais aussi des États-Unis, qui ont dépêché jeudi à votre rencontre leur ambassadeur Larry E. André à Nouakchott. Que vous a-t-il dit ?

L’ambassadeur des États-Unis m’a témoigné de la solidarité du gouvernement américain envers l’IRA et envers le combat contre l’esclavagisme et pour le respect des droits humains. Les États-Unis considèrent que l’esclavagisme perdure en Mauritanie et est un facteur d’instabilité. Ce soutien me va droit a cœur.

Claire Rainfroy

 

Source : Jeune Afrique

 

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