La Mauritanie risque l’instabilité si ses richesses ne sont pas mieux réparties, selon un expert de l’ONU

Le Rapporteur spécial des Nations Unies sur l'extrême pauvreté et les droits de l'homme, Philip Alston, a déclaré mercredi que la stabilité de la Mauritanie dans une région volatile risquerait d'être compromise à moins que les bénéfices de la croissance ne soient plus équitablement répartis.

« Le gouvernement doit faire davantage d'efforts pour tenir sa promesse de lutter contre les séquelles de l'esclavage, et doit aller au-delà d'une approche de charité pour aller vers une approche qui reconnaît que chaque Mauritanien a un droit fondamental à l'eau, aux soins de santé, à l'éducation, et à l'alimentation», a déclaré M. Alston à la fin de sa première visite officielle dans le pays.

Le Rapporteur spécial a décrit la Mauritanie comme un pays riche en ressources naturelles, et dont le système juridique n'accepte plus l'esclavage, qui a pu maintenir sa stabilité, et a, comparativement, bénéficié d'un niveau élevé d'aide internationale pour le développement.

Il a reconnu que des réalisations importantes ont été faites au cours de ces dernières années, en particulier en ce qui concerne les zones urbaines. Cependant, il a averti que 44% de la population rurale continuait à vivre dans une pauvreté écrasante dans des régions comme le Gorgol, le Brakna et le Trarza, qu'il a visitées.

« Pour beaucoup de personnes, le seul impact tangible des politiques de développement du gouvernement jusqu'à présent a été l'expropriation de leurs terres et leur attribution aux investisseurs à grande échelle et cela sans aucune compensation », a noté M. Alston.

« Les Haratines et les Négro-Mauritaniens sont systématiquement absents de toutes les positions de pouvoir réel et sont continuellement exclus de nombreux aspects de la vie économique et sociale », a dit l'expert. « Ces groupes représentent plus des deux tiers de la population, mais diverses politiques servent à rendre leurs besoins et leurs droits invisibles ».

Le Rapporteur spécial a noté qu'une reconnaissance officielle que des biens et de services tels que l'eau, les soins de santé, l'éducation, et l'alimentation sont des droits de l'homme « pourrait commencer à transformer la façon dont sont formulées et mise en œuvre les politiques de développement ».

« Au lieu de construire une école semblable au Taj Mahal pour 84 millions d'ouguiyas à Dar el Barka, l'Agence nationale de lutte contre les séquelles de l'esclavage, d'insertion et de lutte contre la pauvreté (Tadamoun) aurait pu entreprendre la construction de salle de classes additionnelles et de toilettes et soutenir le personnel des écoles périphériques qui sont tant dans le besoin », a noté M. Alston.

M. Alston a également souligné que « trop de programmes de développement social du gouvernement sont ad hoc et répondent davantage aux intérêts des circonscriptions électorales puissantes qu'aux besoins réels ». Il a appelé à la création d'un groupe des Amis de la Mauritanie, qui rassemblerait les principaux bailleurs de fonds, pour discuter des priorités en amont de leurs réunions régulières avec le gouvernement.

« Les bailleurs de fonds internationaux n'ont pas réussi à encourager le gouvernement à fonder son approche sur des principes, ni à être systématique dans son approche, et ont ainsi consacré beaucoup trop peu d'attention au type de coordination qui renforcerait considérablement leur impact combiné », a-t-il souligné.

Au cours de sa visite de dix jours en Mauritanie, l'expert des droits de l'homme a rencontré le gouvernement central et les autorités locales, les organisations non-gouvernementales, des représentants d'organisations internationales, et des personnes vivant dans l'extrême pauvreté à Nouakchott et dans différentes régions du pays.

 

(Photo : Le Rapporteur spécial Philip Alston. Photo ONU/Loey Felipe)

 

Source : Un.org (Le 11 mai 2016)

 

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