Pas acquitté, pas blanchi, William Ruto a obtenu un non-lieu de la Cour pénale internationale (CPI). Les juges ont décidé de clore l’affaire et de retirer les charges de crimes contre l’humanité portées contre le vice-président du Kenya et contre son coaccusé Joshua Sang, un animateur radio de la vallée du Rift.
L’accusation souhaitait modifier les charges portées contre les deux hommes, elle n’a pas eu gain de cause. La procureure pourra néanmoins rouvrir l’affaire si elle devait récolter de nouvelles preuves. Car celles déposées dans ce procès ouvert en septembre 2013 n’ont pas convaincu les juges. En l’absence de dossier solide, les avocats avaient décidé de ne pas appeler de témoins à décharge et demandé l’acquittement, espérant clore ainsi définitivement les aventures judiciaires du vice-président. Si la décision laisse la porte ouverte à de nouvelles poursuites, le précédent Kenyatta pourrait en faire une option très théorique. Le chef de l’Etat kényan avait lui aussi bénéficié d’un non-lieu de la Cour en décembre 2014, laissant une possibilité à l’accusation de relancer l’affaire, ce qui n’a jamais été fait. Les deux hommes peuvent aussi, le cas échéant, être poursuivis par la justice kényane.
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Une enquête bâclée
L’affaire « Ocampo Six », comme l’avaient désignée les médias kényans, s’est donc effondrée. Les six hauts responsables ciblés par la Cour en mars 2011 s’en sortent tous par des non-lieux. Deux raisons à cela : l’enquête conduite par le procureur à partir de 2010 a été bâclée et l’accusation a constamment été entravée par des interférences avec les témoins. Lors du procès de William Ruto, seize des trente-deux témoins prévus par l’accusation ont soit refusé de se rendre à la barre de la Cour de La Haye, soit sont revenus sur leurs dépositions initiales lorsqu’ils se sont retrouvés face aux juges. La procureure, Fatou Bensouda, a d’ailleurs émis des mandats d’arrêt, en 2013 et 2015, contre trois Kényans pour « entrave à l’administration de la justice ». Mais aucun n’a été livré à la Cour par Nairobi.
La décision rendue aujourd’hui permettra-t-elle de pacifier les relations entre la Cour et l’Union africaine ? Depuis l’émission d’un mandat d’arrêt contre le président soudanais Omar Al-Bachir, de nombreux chefs d’Etat africains se sont mobilisés contre la juridiction, l’accusant de servir une forme de néocolonialisme. Le conflit s’était renforcé à la suite de l’élection du ticket Kenyatta-Ruto à la présidentielle d’avril 2013, malgré les accusations portées contre les deux hommes. L’Union africaine avait reproché à la Cour de poursuivre des chefs d’Etat en exercice, et aux Occidentaux de soutenir cette option. Aucun haut responsable des crimes commis au Kenya à la fin de 2007 et au début de 2008 n’aura donc été jugé par la Cour. Les violences avaient fait quelque 1 100 morts, 350 blessés et provoqué l’exode de 350 000 personnes.
Stéphanie Maupas, (La Haye, correspondance)
Source : http://www.lemonde.fr/afrique/
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