Oum Tounsi était une bataille tribale et non une résistance armée contre l’occupation française /Par le Colonel ER Ould Beïbacar

Encore une fois, le colonel ER Ould Beïbacar jette un pavé dans la mare, en fustigeant l’apologie d’une résistance qui n’en fut rien, selon lui.

Il estime, avec des données historiques, que la bataille de Oum Tounsi, qui donne son nom controversé aujourd’hui à l’aéroport international de Nouakchott, n’était qu’une bataille tribale revancharde des Oulad Dleim contre les Elb du Trarza, laquelle tribu leur avait infligé une cuisante défaite lors de précédents accrochages.

Assez suffisant pour faire exploser le blogosphère et susciter la réponse acerbe de l’association pour la revalorisation de la résistance armée, une structure récente qui a le vent en poupe ces temps-ci et qui semble bien vivre de ce créneau, allant jusqu’à initier un festival qui se veut annuel et qui chante l’épopée des guerriers maures qui auraient chassé le colon français de la Mauritanie et arraché son indépendance. Un point de vue bien discutable selon certains historiens qui estiment que la résistance armée a été matée en Mauritanie dès 1932 et que jusqu’en 1960, date de l’indépendance du pays, aucune résistance armée n’a été signalée.

Voilà la traduction du texte de Ould Beïbacar à propos de la bataille de Oum Tounsi qui a eu lieu le 18 août 1932. Je m’excuse d’emblée auprès du colonel Ould Beibacar d‘avoir pris sur moi le soin de traduire ce texte historique sans sa permission, mû par le seul souci de porter auprès de tous ceux qui ne pourrons pas avoir accès au texte original en arabe, les faits se rapportant à la bataille de Oum Tounsi. Il ne m’échappe pas cependant les capacités littéraires de l’auteur à apporter ces faits dans les deux langues. Ceci étant, je laisse aux professionnels des faits historiques, en l’occurrence les historiens, le soin d’apporter leur propre jugement sur les faits ici abordés.

Le groupement nomade du Trarza basé à Boutilimit était composé de 100 hommes, dont 17 officiers et sous-officiers français, 30 soldats noirs africains et 50 recrues appartenant à diverses tribus maures du Trarza. Ce groupement était appuyé par deux centres de commandement, Nouakchott et Akjoujt, tous deux reconstitués en 1929. Le groupement nomade du Trarza était composé également d’un groupe de guides, le Mejbour, placé sous l’autorité du grand cheikh soufiste Baba Ould Cheikh Sidiya. Le Mejbour était chargé des patrouilles sur l’axe Nouakchott-Akjoujt pour barrer la route aux Rezzous qui tentaient de rejoindre le Sénégal.

Le 6 août 1932, les renseignements militaires français signalèrent un important mouvement Ghazzi qui avait quitté la ville de Smara dans le Sahara Occidental le 26 juillet de la même année. Leur objectif, le groupement nomade du Trarza. Le 17 août, les mêmes sources militaires françaises sont informées de l’arrivée du Ghazzi dans la zone de Haimouda dans le Tijirit. Ordre fut alors donné au commandant du groupement nomade du Trarza d’intercepter le Ghazzi sur cet axe, au point nommé Oum Tounsi. Il s’agit d’un point d’eau stratégique au cœur de l’Emirat du Trarza.

Le Ghazzi avait cependant repéré le groupement nomade autour du puits. Il était composé de 120 fusils sous la direction de Sidi Ould Cheikh Ould Laroussi, épaulé par Ibrahim Salem Ould Meichane. Cent parmi eux appartenaient à la tribu Oulad Dleim, mus par un sentiment de vengeance contre les guerriers du Trarza, en particulier la tribu Elb. Le Ghazzi avait organisé une embuscade autour du puits. Profitant de l’effet de surprise, il décima plus de la moitié de la capacité du groupement nomade, 39 hommes, dont 6 français parmi lesquels un officier, 5 sous-officiers et 21 gardes maures, plus dix soldats noirs africains, 1 domestique et 1 traducteur. Le commandant du groupement nomade parviendra cependant à sauver une soixantaine d’hommes, dont 9 blessés parmi les soldats maures. Un soldat noir africain fut signalé disparu.

Le Ghazzi ne sortit pas lui aussi indemne de la bataille, car il perdit 27 hommes dont son chef, qui a succombé le lendemain à ses blessures. Le reste de la troupe parviendra à rejoindre ses bases à Smara avec 22 blessés.


Quelques mois avant la bataille de Oum Tounsi, deux Ghazzi des Oulad Dleim de Techla, Aghweinit et autres campements, avaient subi une cuisante défaite face à deux autres Ghazzi de la redoutable tribu guerrière des Elb du Trarza. Cette tribu était chargée de la surveillance du flanc Nord de l’Emirat. Cette bataille n’était qu’un des nombreux accrochages qui opposèrent à cette époque les frères Beni Hassane. Les survivants Oulad Dleim se retirèrent ainsi de cette double confrontation, profondément meurtris par les pertes subies.

Leurs plus valeureux guerriers étaient tombés sur le champ de bataille, à l’image de leur chef, Cheikh Ould Laroussi, dont le fils conduira le Ghazzi de Oum Tounsi. Cheikh Ould Laroussi a été tué par Sidina Ould Ma Yaghbé, au cours d’une de ses deux batailles. Les Oulad Dleim s’étaient repliés à Smara pour préparer la riposte. Ce sera l’embuscade de Oum Tounsi, étant entendu que les guerriers Elb étaient à l’origine de leur cuisant revers, en particulier le tireur d’élite que fut Mohamed Ould Ekteit qui était capable à lui seul de détruire le Ghazzi dans sa totalité. La tribu Elb avait rejoint le groupement nomade du Trarza sur recommandation de son guide spirituel Cheikh Baba Ould Cheikh Sidiya.


Lettre d’engagement des Ould Dleim adressée aux colons français

Comme je l’avais signalé en août dernier, la preuve que la bataille de Oum Tounsi était uniquement revancharde, c’est le parcours du Ghazzi qui avait quitté ses territoires du Rio de Oro alors sous occupation espagnole le 26 juillet 1932 sans libérer le moindre bout de son territoire. Le Ghazzi n’était pas non plus venu au Trarza pour le libérer des colons français, eu égard à la profonde inimité qu’il vouait à ses tribus. Par ailleurs, sur les 1.000 Km qu’il avait parcourus pour rejoindre le puits d’Oum Tounsi, il avait pris le soin d’éviter d’importants garnisons militaires français bien connus, Nouadhibou, F’Dérick, Bir Moghreïn, Atar, Akjoujt. C’étaient là pourtant des cibles militaires idéales à leur portée. Mais l’objectif du Ghazzi dans le Trarza, ce n’était pas les colons français, mais bel et bien une revanche contre leurs frères Terrouzi.

Une lettre secrète a été ainsi envoyée au colonel Tranchan par les chefs de la tribu Oulad Dleïm. Elle a été rédigée le 2 décembre 1932 à Atar, soit 107 jours après l’embuscade de Oum Tounsi. Cette correspondance a été mentionnée par Jean Igoual dans son livre « Batailles des sables » parus en 1933, pages 149 à 150. Elle a été paraphée par Ely Ould Meichan de Leghleiga, Ahmed Ould Ely des Oulad Beamar, Sidi Mohamed Ould Oumar Ould MBareck des Sarahina, Ahmed Ould Yarba des Oulad Tikiri, en plus de l’ensemble Oulad Dleîm de l’Adrar. Ci-après le contenu de la lettre secrète qui confirme ce qui a été dit.

« Nous sommes toujours attachés à l’accord qui nous lie ; nous y sommes d’ailleurs encore plus attachés que jamais et il en sera ainsi, que nous soyons proches ou éloignés de vous. Mais le Trarza, en particulier la tribu Elb, nous a fait subir ce que vous savez, et les batailles entre nous ont tourné, parfois en notre faveur et parfois en notre défaveur. Il en est ainsi depuis longtemps entre les Elb et nous. Nous ne voulons toucher personne d’autres que les Elb. La preuve, nous avons évité Outhmane (guerriers de l’Adrar) et les Oulad Ahmed Ben Damane, ainsi que les garnisons militaires. Nous nous sommes rendus directement vers nos ennemis. Et dès qu’ils ont appris que nous nous dirigeons vers eux, ils sont allés vers le groupe rival. La bataille a eu lieu sur un terrain dégagé. Les parties ennemies se faisaient face et aucune d’entre elles n’a battu retraite.

Ce qui est arrivé l’a été par la volonté d’Allah
Tout ce que nous souhaitons, c’est la paix et l’amitié
Le délateur gâche en une heure ce que le sorcier met une année à détruire
Méfiez-vous des délateurs, ils n’œuvrent que pour la guerre et ne vont à la guerre que les méchants

Allah a dit : Satan est votre ennemi, considérez-le comme tel.
Wa Salam »

Les Oulad Dleïm n’ont finalement pas atteint leur objectif, car le héros, Mohamed Ould Ekteit, était sorti de l’embuscade sain et sauf, tout comme plusieurs de ses cousins du groupement nomade du Trarza. Ils ont même joué un rôle déterminant dans la riposte qui s’en était suivi. Le héros Ould Ekteit, mourra dans la sérénité en 1973, alors que son dernier compagnon de lutte, Mohamed Salem Ould Sidi Ould Mokhtar s’éteindra un peu plus tard, entouré de ses enfants. Qu’Allah les accueille dans sa vaste Miséricorde et qu’il les loge dans son Paradis éternel en compagnie de nos autres martyrs.

La lettre secrète des Oulad Dleïm au colonel français dément ainsi les allégations du grand notable Oulad Dleïm, Ibrahim Ould Boydaha qui dans une publication en date du 23 février 2012, écrivait sous le titre « Appel pour une sépulture des morts de Oum Tounsi », « l’objectif principal des Moujahidines était la mort en martyr et non le butin ». Comment des gens pareils peuvent-ils parler de quête d’une mort par martyr, alors qu’ils s’étaient rendus sur la tombe de Outhmane Ould Hamou pour demander secours, selon les propos de Devaly Ould Cheîne, comme s’il pouvait leur apporter une quelconque aide.

Ould Boydaha, toujours lui, avait écrit dans son article : « chaque Mauritanien honnête et réellement honoré de l’être, doit porter à ce lieu (Oum Tounsi : Ndlr) historique qui représente une partie de notre passé, un profond respect et protection pour conserver la mémoire de nos morts des deux bords. Les Français doivent aussi se joindre à nous au nom de leurs valeurs et par respect pour le sang de leurs fils versés pour la même cause qu’ils continuent de combattre et dans laquelle ils ont prouvé qu’ils sont plus honnêtes intellectuellement et moralement que nous »


A la fin de son article, Ould Boydaha a lancé l’appel suivant : « je lance un appel au ministère de l’Education et à celui de la Culture, mais aussi à l’ambassadeur de France en Mauritanie et à l’Unesco pour que ce lieu historique qui fait désormais partie de notre patrimoine historique national soit conservé, car s’y confond le sang de la France, son honneur et son histoire. Que les Mauritaniens dignes de ce nom se joignent à cet appel et que ceux qui le peuvent, puissent comprendre »


Aujourd’hui, l’espoir de Ould Boydaha a été réduit à néant par la volonté d’un Chef d’Etat qui se veut plus royaliste que le roi. Par sa volonté à lui tout seul, il a donné le nom de Oum Tounsi au nouvel aéroport.

Il existe certes une grande avenue, une école et un quartier dans la ville de Dakhla, capitale de notre Tiris Occidental, qui portent tous le nom de Oum Tounsi. Mais le nouvel aéroport de Nouakchott ne portera pas éternellement ce nom de Oum Tounsi, même si le président actuel a choisi lui-même son propre camp, celui des négationnistes qui profitent de la complaisance de la République pour s’exhiber en héros, au détriment des chantres de notre paix, ceux qui ont vaincu les hérauts de la rébellion et participé à l’édification et à la naissance de notre chère Mauritanie.


La lettre secrète des Oulad Dleim adressée aux Français dément également la version de Devaly Ould Cheine, ce Baathiste qui parle le hassaniya et qui comme tous les Baathistes, est devenu tribaliste jusqu’à la moelle. Il soutient que le but du Ghazzi de Smara était principalement de venger leur neveu, l’Emir de l’Adrar, alors que les véritables oncles de l’Emir, plus déterminés et mieux connus, vivent en Inchiri, non loin de Oum Tounsi. Quelques uns de leurs membres faisaient même parti du groupement nomade du Trarza et avaient participé à cette fatidique journée du 18 août 1932. Parmi eux, le grand guerrier Wedad, le père du doyen de nos martyrs de la guerre du Sahara et aujourd’hui dans les oubliettes, Soueidat Ould Wedad.

Mais pour que la vengeance de l’Emir ait été plus héroïque et plus courageuse, il était plus logique et plus convaincant que le groupement nomade visé soit celui de Chinguitty, placé sous le commandement du capitaine Charles Le Coq, entre 1931 et 1935, ou qu’il ait cibléle premier responsable de la mort de l’Emir le 19 mars 1932 à Wedyane Kharoub qui déambulait lui, sans aucune crainte à la même date en Adrar, en quittant de Chinguitty.

Cette lettre des Oulad Dleim, alors même qu’elle confirme la nature vengeresse de l’aventure de Oum Tounsi, dévoile un aspect encore plus grave. C’est la connivence entre les Oulad Dleim et les colons français. Ce qui récuse complètement, s’il en était besoin, le fait que cette bataille soit considérée comme l’une des plus grandes batailles de la résistance nationale au point de donner son nom au nouvel aéroport de Nouakchott.

Le pouvoir actuel qui défend d’une façon aveugle la thèse de ces faux résistants aurait mieux fait d’écouter l’avis technique du ministère de la Culture ou les historiens pour s’éviter une telle déconvenue face à l’Histoire. Il aurait mieux fait aussi de ne pas s’en prendre à la femme du Père de la Nation qui n’a fait qu’exprimer un souhait qui est en réalité celui de l’écrasante majorité des citoyens de ce pays.

Nous sommes les descendants de ces nombreuses tribus de berbères, d’arabes et de négro-africains et qui représentent près de 80% de la population mauritanienne. Nous sommes les fils de ceux qui avaient répondu d’une manière honorable à la Fatwa du Cheikh de l’Emirat du Trarza, le Cheikh Baba Ould Cheikh Sidya et du Soufi Cheikh Saad Bouh Ould Cheikh Mohamed Vadel qui avaient convaincu Capolani de prendre les armes pour imposer la paix contre la pagaille d’Emirs sanguinaires et de bandes de pillards sans foi ni loi.

Nous sommes les fils des interprètes et des gardes-cercles, les fils des recrues, des snippers et des aides, les fils des fonctionnaires de l’administration coloniale et des chantres de la paix. Nous sommes les fils des vainqueurs, les fils du groupement nomade du Trarza. Nous sommes les fils du Père de la Nation, compagnon des fondateurs et bâtisseurs de la République. Nous sommes les fils des martyrs, apôtres de la paix, descendants des victimes de l’embuscade de Oum Tounsi, ces Mauritaniens dont on veut désormais fêter le massacre par des étrangers sahraouis. Nous tous, rejetons cette trahison et cette persécution que nous combattrons jusqu’à la dernière énergie.

L’aéroport de Nouakchott portera, dès que possible, son nom véritable, celui du Président Mokhtar Ould Daddah, le président fondateur et bâtisseur de la Mauritanie moderne, le président qui a servi la Nation avec abnégation, sans en tirer le moindre profit. Et adviendra que pourra.

Traduction : Cheikh Aïdara

 

Source : L’Authentic.info

 

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