La déchéance de la nationalité est appliquée dans plusieurs pays

Prévue dans 15 Etats de l'Union européenne, cette mesure s'est étendue aux binationaux sous la pression des gouvernements conservateurs.

 

La déchéance de nationalité pour les binationaux existe dans plusieurs pays en Europe et dans le monde, " proches de la France ", comme l'indique Manuel Valls dans son texte publié lundi 28 décembre sur Facebook. Elle est prévue dans 15  pays de l'Union européenne, mais s'applique souvent aux personnes naturalisées. Avec l'augmentation de la menace terroriste, elle s'est étendue aux binationaux sous la pression des gouvernements conservateurs, au Royaume-Uni, en Belgique, aux Pays-Bas ou au Canada.

Royaume-Uni

Pendant la seconde guerre mondiale, alors que le pays était menacé par le nazisme, seules quatre déchéances avaient été prononcées. Le pouvoir de déchéance a été étendu par le travailliste Tony Blair après le 11  septembre 2001, puis durci après les attentats de Londres en  2005. Quatre déchéances ont été prononcées entre 2006 et 2010.

Depuis le retour au pouvoir des conservateurs en  2010 et l'élection de David Cameron, la déchéance est devenue une pratique courante destinée à empêcher le retour au pays de Britanniques compromis dans le terrorisme. La nationalité peut être retirée à une personne ne disposant que de la citoyenneté britannique à condition qu'elle l'ait reçue par naturalisation et que son comportement soit " sérieusement préjudiciable aux intérêts vitaux " du pays. Le Home Office peut prononcer la déchéance s'" il existe des raisons de penser " que cette personne peut acquérir la nationalité d'un autre pays.

Une trentaine de décisions de déchéance ont été prises, depuis 2010, par la ministre de l'intérieur Theresa May, qui répète que " la nationalité est un privilège ". Ellea ainsi justifié sa décision de retirer en  2011 la nationalité britannique à un homme né au Royaume-Uni et à ses trois fils pour leurs liens avec Al-Qaida.

Belgique

En janvier, à la suite des attentats parisiens et du démantèlement d'une cellule terroriste à Verviers, près de Liège, la Belgique a rouvert le dossier de la déchéance de nationalité pour ses binationaux. Au terme d'un vif débat politique, une nouvelle loi " visant à renforcer la lutte contre le terrorisme " est adoptée et entre en vigueur en août. Le nouveau texte vient étoffer les dispositions déjà prévues par la loi de 2012, qui limitait la déchéance de nationalité aux personnes qui ne sont pas nées d'un parent belge et élargissait la sanction aux binationaux condamnés à des peines de prison fermes (5  ans et plus) notamment pour terrorisme. La loi intègre le fait d'inciter ou de voyager à l'étranger en vue de préparer ou de commettre une infraction terroriste. Depuis dix  ans, une dizaine de binationaux ont été déchus de la nationalité belge.

Pays-Bas

Les Pays-Bas ont intégré dès 2010 dans leur loi la possibilité de déchéance de nationalité en cas d'activité terroriste (uniquement pour les binationaux). En  2014, un projet de loi du gouvernement, abandonné au final, avait créé une polémique : le texte proposait que la déchéance de nationalité ne soit pas systématiquement liée à une condamnation pénale. L'idée était d'empêcher préventivement des candidats au djihad à se rendre en Syrie en leur retirant leur passeport par le biais d'une procédure administrative.

Allemagne

Le premier ministre français se trompe en disant que la binationalité n'est pas autorisée en Allemagne. Ce n'est plus le cas depuis l'assouplissement en  2000 du principe de droit du sang qui régit le droit de la nationalité allemande. La double nationalité est possible pour les ressortissants de l'Union européenne ou de Suisse. Depuis juillet 2014, les enfants d'immigrés ayant vécu huit  ans en Allemagne obtiennent la nationalité allemande tout en gardant celle de leurs parents. La CDU d'Angela Merkel a adopté, lors de son congrès en décembre, une motion prévoyant la possibilité de retirer sa nationalité allemande " à une personne combattant pour une milice terroriste à l'étranger et détenant la double nationalité ".

Suisse

Selon l'article  48 de la loi sur la nationalité, la citoyenneté helvétique peut être retirée à une personne ayant la double nationalité si sa " conduite porte une atteinte grave aux intérêts et au renom de la Suisse ". En pratique, ce retrait n'est envisageable que dans des situations extrêmement graves, comme dans le cas d'un criminel de guerre condamné, explique le porte-parole du secrétariat d'Etat aux migrations. " Cet article existe depuis 1951, mais n'a jamais été appliqué ", ajoute-t-il.

Canada

C'est sous l'ex-premier ministre conservateur Stephen Harper que la loi sur la citoyenneté a été modifiée au printemps, dans la foulée des attentats perpétrés au Québec et au Parlement d'Ottawa par de jeunes radicalisés aux idées djihadistes. Elle autorise le ministre de la citoyenneté et de l'immigration à révoquer la nationalité des Canadiens ayant une double citoyenneté et " déclarés coupables d'infractions de terrorisme, de trahison, de haute trahison ou d'espionnage pour le compte de gouvernements étrangers ". Il n'y a eu qu'un seul cas de déchéance de citoyenneté. Le premier ministre Justin Trudeau, élu en novembre, a promis de revenir sur cette loi.

Etats-Unis

Depuis que le XIVe amendement à la constitution a accordé la citoyenneté à toute personne née aux Etats-Unis, en  1868, il est impossible de priver un Américain de sa nationalité. A moins qu'il y renonce volontairement (ce qu'ont fait, en 2014, 3 400  Américains, surtout pour raisons fiscales). Pour les naturalisés, la déchéance de nationalité est difficile, les faits incriminés ne pouvant être intervenus qu'avant la naturalisation. L'article  349 de la loi McCarran-Walter de 1952 prévoit qu'un Américain binational peut être déchu de sa nationalité s'il refuse de témoigner devant le Congrès au sujet d'activités subversives, s'il s'engage dans les forces armées d'un pays étranger sans autorisation, s'il vote dans des élections étrangères, déserte ou se rend coupable d'actes de trahison.

Service international

 

Source : Le Monde

 

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