Sur les images, on voit des participants à un mariage célébrer la mort d'un bébé palestinien brûlé vif avec ses parents lors d'une attaque en Cisjordanie cet été.
Le conflit israélo-palestinien est un vivier d’images choquantes. Les dernières en date ont été diffusées mercredi soir par la chaîne de télévision israélienne Canal 10, dont l’indépendance de ton détonne dans le paysage audiovisuel local. On y voit des extrémistes juifs participant à un mariage et brandissant des couteaux, des feuilles de boucher, un fusil mitrailleur, des armes de poing et des cocktails molotov. Certains portent des tee-shirts au sigle de Kach, une organisation d’extrême droite se revendiquant de l’héritage du rabbin raciste Meir Kahane, et d’autres arborent le slogan «Tag mehir» («le prix à payer»), que l’on retrouve régulièrement sur les maisons palestiniennes et les établissements chrétiens vandalisés durant la nuit.
L’un des participants danse sur les épaules d’un ami avec le visage caché. Durant sa ronde extatique, il s’approche de la photo d’un enfant palestinien qu’il poignarde. Horrible. Encore plus si l’on sait que la photo transpercée est celle d’Ali Dawabsheh, un bébé brûlé vif avec ses deux parents à la fin de l’été, lorsque deux cocktails molotov ont été lancés dans le salon de leur maison familiale de Douma (Cisjordanie).
La suite de la vidéo est du même acabit, puisque l’on voit d’autres extrémistes poignarder le portrait des époux Dawabsheh en hurlant «mort aux Arabes».
Laxisme envers ces ultras
Certes, le Premier ministre, Benyamin Nétanyahou, a estimé la séquence «choquante» et condamné le comportement de ces ultras. Et la police a ouvert une enquête. Mais trois mois après l’attentat de Douma, pour lequel cinq kahanistes se trouvent en détention provisoire sans que la moindre inculpation n'ait été prononcée, les extrémistes juifs bénéficient toujours de soutiens au plus haut niveau de l’Etat.
Surtout au sein du parti d’extrême droite Foyer Juif, dont Betzalel Smotrich, l’un des députés, maintient que la tuerie de Douma «n’était pas un acte terroriste». Selon lui, elle serait le résultat d’un règlement de comptes interpalestinien. Quant au ministre de l’Agriculture, Ouri Ariel, il s’est prononcé en faveur de la dissolution du département du Shabak (la Sûreté générale israélienne, équivalent à la DGSI) chargé d’enquêter sur les extrémistes juifs.
Le Kach et ses organisations sœurs telles Lehava («le flambeau») ne regroupent pas plus de quelques centaines de personnes. Des excités aux méthodes fascisantes, rejetés par la majorité de l’opinion publique et de la classe politique israéliennes. Mais depuis une vingtaine d’années, leurs éléments résidant en Cisjordanie occupée ont toujours bénéficié du laxisme du «Yecha», le puissant lobby des colons qui les a couverts.
Cela a changé avec la diffusion de la vidéo, puisque le ministre de la Défense, Moshé Yaalon, a convoqué les dirigeants de ce lobby pour les sommer de couper les ponts avec ces ultras. Même Naftali Benet, ministre de l’Education et leader du Foyer juif, semble avoir changé d’avis : il dénonce désormais «ceux qui veulent détruire l’Etat» après avoir manifesté avec eux en juillet dernier dans la colonie de Beit El.
Nissim Behar
à Tel-Aviv
(Photo : Un drapeau de l'organisation d'extrême droite juive Kach, en octobre à Jérusalem. Photo Gali Tibbon. AFP)
Source : Libération (France)
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