Vu d’Afrique : A Malte, l’Europe tente d’acheter la fin des migrations

Conclusion du sommet de Malte : l’Europe veut stimuler le développement de l’Afrique pour décourager la migration.

Une idée logique si elle n’était pas couplée à une analyse superficielle des moteurs de l’émigration, jugent les médias africains.

“Submergée par les flux migratoires, l’Europe tente de s’en dépêtrer comme d’une nasse dans laquelle elle s’est elle-même enfermée, raille Liberté-Algérie dans son éditorial. Les Etats membres de l’UE multiplient les rencontres et… les trouvailles.”

La dernière en date : le sommet Europe-Afrique qui s’est tenu à Malte les 11 et 12 novembre. Il s’est conclu sur la promesse d’une aide au développement de 3,6 milliards d’euros pour l’Afrique, en échange, notamment, d’une aide au rapatriement de migrants irréguliers et d’un renforcement des capacités de “réadmission” des personnes expulsées dans leur pays d’origine.  

Stimuler le développement pour décourager les migrations, le remède n’est pas nouveau, mais de nombreux médias africains craignent qu’il soit peu efficace s’il accompagne un diagnostic trop superficiel de la situation.

C’est aussi l’avis de plusieurs leaders africains, dont le Sénégalais Macky Sall et le Nigérien Mahamadou Issoufou, qui ont clairement affiché leur scepticisme. Une position critique que salue le quotidien burkinabé Le Pays, ravi d’observer que, malgré l’attrait que constituent les fonds de l’UE, ces dirigeants n’aient “pas fait dans la dentelle pour dénoncer l’iniquité et le caractère inapproprié des solutions préconisées par les Européens”. Mais surtout qu’ils aient replacé la question migratoire et la recherche de solutions dans leur contexte historique, économique et politique.  

Les conditions de la paupérisation

D’un point de vue historique, d’abord, Le Pays rappelle que “les groupes humains, depuis l’aube de l’humanité, ont essaimé à travers la planète” et que, dans l’histoire récente, “les plus grands mouvements migratoires ont été le fait des Européens et se sont soldés par la colonisation de l’Afrique et de l’Amérique pour ne citer que ces deux continents”. En outre, “la présence africaine en Europe, à l’origine, n’est pas volontaire” et elle a largement contribué au développement de l’économie européenne.

Seneweb soulève ensuite un argument économique avancé par le président Macky Sall lors du sommet : “Si nous sommes pauvres, c’est que vous ne payez pas un juste prix pour nos ressources naturelles, agricoles et minières.” Pas étonnant dès lors, renchérit Le Pays, que cette Afrique rendue “exsangue” par le pillage de ses ressources soit “devenue répulsive pour les jeunes générations”. L’Europe, en somme, “a créé les conditions de la paupérisation du continent”, juge le journal.  

Mais il y a pire, reprend Liberté-Algérie, qui se penche sur la part politique des facteurs de migration. Certes, la pauvreté, les conflits armés et la sécheresse sont responsables de l’exil, admet le quotidien algérien. Mais s’il en est ainsi, “c’est bien parce que c’est sur le chapitre de la gouvernance que cela coince”. Une gouvernance souvent corrompue et tyrannique, “elle-même productrice de pauvreté, de conflits, d’insécurité et, en définitive, de migrations”. L’Europe feint de l’ignorer car elle y trouve son compte et parce que, “bien souvent, les régimes aux commandes en Afrique sont l’émanation directe de volontés européennes”.

Dans ce contexte, conclut Liberté, il ne reste qu’à espérer que l’Europe se libère “de ce cynisme historique au nom duquel elle prétend aider au développement de l’Afrique au moyen d’aides financières”. Elle ne peut, moralement “se contenter d’acheter la fixité des Africains et se barricader derrière de hautes murailles tout en fournissant l’arsenal répressif aux Africains pour exécuter la basse besogne”, complète Le Pays.

 

Source : Courrier international

 

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