Menacés par le réchauffement climatique, les pays du Golfe freinent (encore) la Cop21

ENVIRONNEMENT – Abou Dhabi, Doha, Dubaï, Dhahran, Bandar Abbas… D'ici 2100, la plupart des villes des pays du Golfe persique pourraient devenir inhabitables sous le double effet du réchauffement de la planète conjugué à l’humidité très dense qui sévit dans la région.

Dévoilé il y a quinze jours par la très sérieuse revue spécialisée Nature Climate Change, à deux mois de la COP21, ce scénario apocalyptique élaboré par deux chercheurs américains n'a pas semblé émouvoir outre mesure les pays concernés qui viendront en décembre à Paris en traînant des pieds.

Les simulations climatiques régionales avancées par Jeremy Pal, professeur à la Loyola Marymount University à Los Angeles, et Elfatih Eltahir, du Massachusetts Institute of Technology de Cambridge (USA), sont pourtant alarmantes: elles démontreraient que "des pics de température humide dans la région du Golfe vont probablement frôler et dépasser un seuil critique", c'est à dire mortel, avant la fin du siècle si rien n'est fait pour inverser la trajectoire des émissions des gaz à effet de serre (GES).

Difficile de nier le climat étouffant qui sévit déjà dans la région. En juillet dernier, l'Iran a failli battre le record détenu par l'Arabie saoudite de température ressentie en enregistrant un pic de 74°C. D'ici quelques décennies, des millions de musulmans pourraient devoir renoncer à leur pélerinage à La Mecque en raison des températures humides suffocantes.

L'Arabie saoudite "cancre" officiel des négociations

De quoi inciter l'Arabie saoudite, le Qatar ou le Koweit à jouer un rôle décisif lors de la conférence climat en décembre prochain à Paris? Même pas.

Malgré le sérieux et l'imminence de la menace, la plupart des Etats du Moyen-Orient tout comme certains membres de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Venezuela, Nigeria), dont l'essentiel du PIB repose sur les énergies carbonées, peinent à s'impliquer franchement dans la lutte contre le réchauffement climatique.

Signe qui ne trompe pas, rares sont les pays pétroliers à avoir remis la liste de leurs engagements (INDC) pour réduire leurs émissions de GES. Le Koweit, le Qatar, l'Iran, l'Irak et surtout l'Arabie saoudite manquent toujours à l'appel. Officiellement, ces INDC devaient être remis au 1er octobre afin d'être comptabilisés par l'ONU. Les Emirats Arabes Unis, l'un des pays du Golfe les moins en retard en matière de transition énergétique, ont quant à eux remis leur copie le 22 octobre dernier avec un plan a minima dans lequel le gaz et le pétrole sont mis en avant comme la source d'énergie la plus efficace du monde.

"Cancre officiel" des négociations climatiques aux yeux des experts et des ONG, l'Arabie saoudite est le seul pays membre du G20 à avoir failli à ses obligations en la matière, en dépit des rappels répétés de la communauté internationale. Un "très mauvais signal" pour Célia Gautier, responsable des politiques européennes au Réseau Action Climat (RAC). "C'est une preuve de plus que ces pays n'ont aucun intérêt à soutenir une transition énergétique mondiale", dénonce-t-elle. Le royaume saoudien en particulier, lui qui doit son statut de puissance régionale à sa diplomatie du pétrodollar.

"A l’approche de Paris ses négociateurs se font de plus en plus présents pour obstruer le processus et tenter de s’opposer aux mesures les plus ambitieuses", prévient l'ancien ministre écologiste Pascal Canfin dans Libération.

Une ligne maximaliste pour "mieux verrouiller les négociations"

Entre la question de leur propre survie à moyen terme et leurs intérêts économiques immédiats, "les pays du Golfe sont pris dans une position intenable", confirme Sandrine Maljean-Dubois, directrice de recherche au CNRS et spécialiste des négociations climatiques.

Pour autant, il n'est plus question pour l'Arabie saoudite de s'opposer à tout accord au nom d'un climatoscepticisme d'Etat, comme elle le faisait par le passé. Membre influent du LMDC (Like-Minded Developing Coutries), l'aile dure du groupe des pays du Sud (G77 + Chine), alors même que son PIB par habitant avoisine celui des Etats-Unis, l'Arabie saoudite joue à fond la carte de la solidarité avec les pays les plus pauvres. Une ligne maximaliste " qui est une autre manière de verrouiller les négociations", précise Sandrine Maljean-Dubois.

"Parallèlement à nos progrès dans le domaine de l’efficacité énergétique et de la gestion du carbone, nous continuons à dépendre des transferts de technologie des pays développés", se plaint le négociateur saoudien Khalid Abuleif cité par Le Monde.

Une maigre excuse alors que Ryad, tout comme ses riches voisins, dispose de moyens financiers et énergétiques (à commencer par le soleil) considérables pour amorcer sa transition énergétique.

Même promise à un véritable enfer climatique, l'Arabie saoudite reste en réalité persuadée qu'elle dispose des capacités technologiques pour s'adapter au réchauffement climatique. D'où ses difficultés à respecter le Protocole de Montréal, censé lutter contre le trou de la couche d'ozone en régulant certains gaz très présents dans la réfrigération et les climatiseurs. Pour l'Arabie saoudite comme les pétromonarchies, "n'importe quel litre de pétrole extrait maintenant est plus rentable qu'un litre de pétrole qui reste dans le sol. C'est pourquoi elles ont tout intérêt à freiner le processus, même s'il est inéluctable", résume Célia Gautier.

Toute la question est de savoir si Ryad et ses alliés auront les moyens diplomatiques pour bloquer les discussions à Paris. Entre le groupe des Pays arabes, le G77 et le LMDC, certains points ambitieux sont effectivement susceptibles de passer à la trappe. A commencer par l'objectif espéré par les ONG de voir inscrire noir sur blanc la fin de l'extraction du pétrole à l'horizon 2050.

Geoffroy Clavel

 

Source : Le HuffPost

 

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