Changements immoraux

Quand j'étais petit, à Bousdéra sur mon chemin vers Cheggar, un homme hospitalier, (comme l'était le "chez nous" en ces temps reculés), m'offrit une "Tadit" débordant d'un lait de chamelle pétillant de mousse.

 

Un lait d'une blancheur éclatante, comme l'était notre société en ces temps, assassinés. Quand j'ai porté le récipient à ma bouche, je vis une tique. C'était le début de mon aversion pour le lait de chamelle.

Pourtant cette salle bestiole, ne figurait pas à l'origine dans les ingrédients qu'Allah avait assemblés, pour donner à l'homme ce breuvage délicieux et nourrissant.

Les cieux et la terre trembleront quelques changements, plus tard devant la prolifération inouïe de parasites qui viendront dénaturer le calme maladroit de cette société anodine.

La démocratie, enrobée de zizanie de violence de boulimie et de séparatisme, aura facilement raison de la peau mince et dépigmentée d'un conservatisme, qui d'ailleurs tenait à peine sur ses jambes. Une société fissurée à la base, non seulement par les guerres tribales fondées sur l'appât du butin facile et la soif de domination, mais aussi par des règles, des partages et des normes, hors normes, tissées par des ingénieurs de la manipulation du verbe et du livre, qui ont très souvent donné libre cours à leurs intérêts personnelles et à l'appel de leurs désirs, au détriment des recommandations divines. Ils ont ainsi développé, par ces écarts un état d'esprit favorable à une exploitation en règle, de l'homme par l'homme religieusement licite selon leurs ajouts. (Allah est leur Juge).

Au fil d'on ne sait quelle période, les esclaves, les forgerons, les griots, les "hautes" et les "basses", castes furent créées et institutionnalisées. La pigmentation de la peau prit son importance, et la majesté de son horreur au rythme d'un hymne religieux, qui n'existe nulle part ailleurs que chez nous.

Si les castes avaient une quelconque justification religieuse, elles auraient existé en Arabie, lieu de la vie et de la mort du dernier des prophètes (psl);  Ou même alentour, dans les contrées avoisinantes. Rien. Une stratification, made in Mauritanie, et qui plus tard germera, pour matérialiser la source de toutes nos peines.

" Et voilà des cités que nous avons fait périr, quand leurs peuples commirent des injustices. Et nous avons fixé un rendez-vous pour leur destruction." Al Kahf-59.

Qu'Allah fasse que nous ne soyons pas parmi ceux-là.

Cette société là, en ces temps là est-elle blâmable aujourd'hui? Voila la racine de la question.

En tout cas c'était une autre société d'une autre époque.

Le verdict, pour nous les musulmans, est venu de Dieu, dans ce cas précis : "Voilà une génération bel et bien révolue. A elle ce qu'elle a acquis et à vous ce que vous avez acquis et on ne vous demandera pas compte de ce qu'ils faisaient." Al Baqara-134.

Voilà une vérité si logique et tellement évidente; mais que personne ne veut admettre et pour cause.

A l'inverse de la théorie de Darwin, qui lui a eu le bon sens d'aller du bas vers le haut. C'est à dire de la bestiole immonde vers l'être parfait, nos générations, elles évolueront, dans le sens contraire des aiguilles de la morale.

Les plantes telles que les renégats, les usurpateurs, les agitateurs, la traitrise et la corruption, sortiront de ces graines, à l'origine, déséquilibrées, mais auréolées d'une certaine droiture et d'une certaine pureté de la relation.

Quand nous étions petits nous disions : "Je suis ce que je suis, mais je ne suis pas un âne."

La société mauritanienne traditionnelle peut être ce qu'elle était, mais elle n'a jamais atteint le degré de décrépitude et d'immoralité dans lesquelles nage cette mosaïque d'acteurs assoiffés de chair humaine, qui peuplent cette terre de nos jours.

Mais comme disaient les anciens, au fou qui prétendait que toutes les vaches lui appartenaient "Tu guériras et tu seras déçu par ta gourmandise."     

Le passé avec ses bons et ses mauvais cotés, ne sera à leurs yeux, aveuglés par la recherche maladive du profit, et l'égoïsme acéré, rien de plus qu'un justificatif pour encore enfoncer un peu plus de clous dans le cercueil sanguinolent d'une société, qui ne réalise même pas ce qui lui arrive.

Les tiques, sans tiquer, se collent au corps national, pour le vider de son sang. Un corps affaibli par la nuée de vampires qui s'y collent comme un destin.

Certain s'accrochent aux événements flous et injustifiables d'un passé glorieux et débordants d'épopées héroïques, pour s'habiller d'un avantage et d'une priorité qui leur confèrent une supériorité qui peine à se décoller d'un racisme et d'un tribalisme, plus que dégoutants.

Si vos ancêtres avaient atteint réellement ces hauts degrés de noblesse, qu'avez-vous fait de l'héritage?

Soyons circonspects. Tous les pommiers, ne peuvent pas donner que des fruits à la saveur si amère.

Vos ascendants ayant gérer le pays avec les moyens si primitifs que nous savons, ne peuvent que se retourner dans leurs tombes à vous savoir si négligeant et si pervers avec tous le bien qu'ils se sont tués à vous conserver sous terre et dans les profondeurs des océans.

Qu'avez-vous fait à part vous distribuer des coups de griffes pour le monopole des plaisirs et de la luxure?

Pourtant vous n'êtes pas sans savoir que de la même façon que vous parlez de ceux qui vous ont précédé, d'autres parlerons de vous au futur, dans un tombeau, plus que parfait.

D'autres génies s'arment du prétexte de la défense des opprimés, des esclaves, des forgerons, des wolofs, des gens de la vallée, des habitants de la montagne, pour se donner une consistance. C'est bien. C'est même très bien. Mais on n'émancipe pas les statistiques. Vous jonglez avec des discours et vous distribuez des libertés creuses et dérisoires. On ne casse pas les chaines séculaires en distribuant les plaintes et les théories gazeuses.

Léopold Sedar Senghor disait que "Le tigre ne clame pas sa tigritude."

J'ai passé 26 ans dans les Adwabas, le long de la Chamama, Jai cultivé avec les cultivateurs, j'ai réuni les harratins et les peuls sous les mêmes tentes festives pour circoncire nos enfants ensemble, manger dans les même calebasses, réduire la distance de xénophobie qui a poussé comme une graine de malheur entre nos communautés. Et pendant cette si longue période, jamais un intellectuel harratin, ou wolof, ou puular, n'est venu pour "aider" ces marginalisés à se relever ou pour leur apprendre à mieux prier.

Je ne les trouve que dans les meetings et les arènes de lutte politique. Vous voulez guérir une plaie par télépathie, ou par la vocifération à distance.

Pourtant des américains, des espagnols des français, sont venus nous aider. Kyhl Amosson l'ancien responsable des small projects est venu cultiver la terre avec nous et manger le "Bassi", modestement sous la tente de ma mère (Que Dieu accueille son âme dans le Paradis.).

William Faulkner, ancien directeur général de l'usaid, pris de sympathie humaine, aida ces villageois par l'envoi de 5 ONG pour étudier leurs problèmes sur le terrain et les résoudre. Il n'est pas harratin.

L'ONG tryckle-up de New-York, dont j'étais coordinateur, envoyait des sommes en dollars pour financer les projets de ces villageois.

Nous avions fait 44 petits projets, qui libéraient 44 familles de la servitude de la faim. La faim, mère de toutes les servitudes. Un marché villageois, qui liait les villageois par un commerce qui détruit beaucoup de barrières. Et n'eut été les pièges que nous tissons sans relâche sur les sentiers du bien, ces projets débutés en 1986 auraient réellement "libéré" des esclaves.

Ce n'est pas pour me vanter ou bruler mes "Hassanat", si elles existent, mais pour vous dire qu'une action concrète, vaut mille discours creux, ou querelles stériles. Je n'ai jamais trempé dans la marre de la politique et ses discours.

Depuis des temps vous affrontez les maures, qui vous le rendent bien. Alors jusqu'à quand ce carnaval prendra t-il fin?

Pour que vous les éradiquiez ou qu'ils vous éradiquent, vous devez au préalable créer la "demi-mort." Pour tuer la moitié de la personne sans détruire l'autre moitié.

La majorité des maures ont des mères harratines et vis versa la plupart des harratins ont des mères mauresques.

N'est-il pas noble de faire comme le palmier? Il jette des dattes à ceux qui lui ont jeté des pierres.

Traitez les maures, comme ils vous traitent maintenant, pas d'après le comportement de leurs ancêtres dans un passé, ou peut-être que leurs aïeux ne sont autres que les vôtres. On ne peut prévoir ce que les tests d'ADN sortiront un jour.

 Il est injuste, voire ridicule de classer toute une communauté sous un seul titre. "Ils sont tous bons" ou "ils sont tous méchants."

Tout le monde a quelque chose de tout le monde. Tous se valent et la liberté commence dans les plis des cœurs et volonté des esprits.

Allah n'a permis à personne d'asservir ou de contraindre personne. Même en religion. Il a dit : "Point de contrainte en religion." A plus forte raison l'appropriation des êtres.

La magnanimité et le pardon vous hissent bien au dessus de ceux qui pensent vous surpasser. Tout est question de foi de volonté et de courage.

Ces deux groupes nommés plus haut, ont salit pour très longtemps l'image et la renommé de ce peuple.

Mais de ce qui vient d'être cité la catastrophe sociale ronfle dans les âmes de groupes beaucoup plus anonymes et beaucoup mieux entrainés aux méthodes du camouflage et de la prédation.

Je viens de parler des rapaces. Les vautours qui loin de s'apitoyer sur le corps mourant de leur mère patrie, développent de nouveaux codes moraux, qui n'ont de morale que le nom.

Les patrons et les fonctionnaires ou "fonds-questionnaires". Ceux qui, termites inlassables, rongent l'avenir et le devenir de  tous les citoyens.

Avec l'avènement de ces vampires insatiables, le pays est entré dans l'ère de la gabegie financière, du trafique d'influences et du travestissement des réalités. Un délabrement matériel et moral qui tiendra encore longtemps ce peuple entre ses crocs d'acier.

La restauration nationale digne de ce nom devient un vœu pieux psalmodié dans l'intimité de quelques réflexions de vieillards vidés de leur force ou de quelques jeunes désorientés devant l'ampleur d'un mal si puissant.

Un équilibre pathétique entre la misère d'un peuple orphelin et la toute puissance de l'enrichissement illicite, de la morsure d'influence tenaces, qui ne laissent plus d'autres choix que la prière. Une lettre muette à Allah, le Seigneur des mondes, pour que ce peuple ne se dissolve dans les méandres de la manipulation machiavélique et des antivaleurs cuisinées par ses propres enfants.

La faim l'ignorance et la maladie viennent aider les passagers pour le dernier voyage. Ceux qui ne peuvent se soigner au Maroc, en France, au Sénégal, ont déjà à leur insu le visa gratuit pour traverser vers l'autre rive. En gibier de la politique, ils ont vécu et en gibier, ils meurent.

Pourtant Allah nous a donné assez de moyens pour que nos responsables et nos misérables se traitent également sur leur sol national. Pour que nos enfants prospèrent chez eux et lèvent la tête devant le monde. Mais allez savoir que sont devenus tous ces capitaux sortis de la terre de la mer et même du ciel.

Les étudiants las de rêver, après d'honorables diplômes supérieurs, seront gardiens de riches émirs dans le Golfe, après avoir acheté un certificat de gardiennage, ou simplement chômeurs sur une terre, que les peuples se bousculent pour exploiter.

Dommage !!!

Pourtant nous étions un peuple pour lequel l'honneur et la valeur du terroir voulaient dire beaucoup de choses.

Nous ne tôlerions ni la traitrise, ni l'infidélité. Surtout l'infidélité aux parents et à la patrie. Dieu a dit : "Allah n'aime pas les traitres." Alanfal-58.

Ceux qui ont gaspillé leur peuple et ses potentialités ne perdent rien pour attendre. Le gaspillage et la dénaturalisation des créatures de Dieu est prévue dans la liste des faux-pas et péchés qui seront commis par les hommes, mais le châtiment également est prévu.

Dans ce monde ils détruisent ce qu'ils ne peuvent corriger : les dignités et les vies humaines. Ils deviennent ainsi des personnalités écœurantes et voraces qui se repaissent de ce qu'ils ont de plus sacrés. Ils seront condamnés à s'entre-déchirer et s'entre-dévorer pour une viande qu'ils n'auront, bientôt plus la force de digérer.

Le jour de la rétribution est une autre affaire. Une nouvelle, qu'ils n'auraient jamais voulu entendre.

Ces hautes sphères de la malhonnêteté nationale, ont tout intérêt à se reprendre et à commencer dès cet instant à se sevrer de ce qu'ils ne méritent, ni ne produisent. Le prophète Mohamed (psl) a dit dans un hadith authentique : "Toute chair qui a poussé de l'illicite est destinée à l'Enfer."

L'échéance est très courte et le dossier est irréversible après le dernier souffle.

Que le Puissant, le Glorieux et le sage ouvre les yeux, avant que les graines de sable ne les scellent pour l'éternité. Amine.

Mohamed Hanefi

Koweït

 

(Reçu à Kassataya le 29 octobre  2015)

 

 

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