Dialogue politique : La leçon tunisienne comme déclic

En attribuant le Prix Nobel de la Paix 2015 au quartet tunisien qui avait chapeauté le dialogue national dans ce pays, beaucoup d’observateurs, en particulier mauritaniens,

y ont vu une belle leçon pour les démocraties africaines en général, et pour la Mauritanie d’une manière spécifique.

En effet, la classe politique mauritanienne bute sur un dialogue qualifié presque d’impossible tant il peine encore à se dessiner, malgré les déclarations d’intention qui fusent du côté du pouvoir en place, tout comme des oppositions, des plus radicales jusqu’aux plus modérées. Prévu le 10 octobre dernier, le dialogue vient en effet d’être reporté pour dix jours supplémentaires ; le cas échéant, des solutions de contournement sont menées pour ferrer la CUPAD et exclure définitivement le FNDU faute d’avoir pu l’entraîner vers la table de la concertation.

Le dialogue politique, annoncé depuis des semaines avec tambours et trompettes battants, n’a pas finalement eu lieu le 10 octobre 2015. Il aurait été reporté pour le 20 octobre prochain, sans que les prémisses d’une réussite totale qui inclurait tous les acteurs nationaux ne dessinent encore à l’horizon. Les observateurs trouvent que l’opposition, qui attend toujours une réponse écrite de la part du gouvernement, sous la forme d’une feuille de route qui répondrait aux attentes formulées dans une note exhaustive qu’elle lui avait remise depuis le dialogue avorté d’avril 2015, n’a aucune chance de participer à ce qu’elle considère être un diktat unilatéral qui chercherait à lui imposer un agenda non concerté.

Beaucoup considèrent cependant que l’exemple tunisien, qui vient d’être honoré par le Prix Nobel de la Paix 2015 pourrait servir de déclic aux acteurs nationaux, en les invitant à assumer leur rôle historique, en ces périodes où l’avenir de la Mauritanie et des Mauritaniens est en jeu.

En effet, les acteurs politiques tunisiens ont accepté de s’en remettre à l’arbitrage de la société civile qui a chapeauté et dirigé un dialogue national où pouvoir et opposition ont joué chacun sa partition, sans diktat et sans unilatéralisme. Les deux parties se sont soumises à un agenda qui leur a été proposé par une tierce partie formée par des personnalités indépendantes. C’est tout le contraire du scénario mauritanien, où en l’absence de l’implication de la société civile, le pouvoir veut s’ériger en juge et partie, selon l’opposition. D’où l’impasse permanente sur laquelle butent toutes les tentatives de dialogue entre le gouvernement et le FNDU.

Si une bonne partie du camp présidentiel estime que l’opposition radicale peut être contournée, et que le pays pourra poursuivre son avancée sans elle, une grande portion de l’opinion publique trouve pour sa part que la crise qui perdure depuis 2008 ne peut ignorer cette frange importante de la classe politique mauritanienne qu’est le FNDU, eu égard à son poids politique aussi bien sur le plan national qu’international. Si certains reprochent à l’opposition radicale une certaine intransigeance sur les termes du dialogue politique, d’autres considèrent que la majorité présidentielle de son côté veut tout contrôler et centraliser et qu’elle ne veut rien lâcher.

Sans compromis, qui ne pourra être trouvé qu’à travers une commission indépendante formés par des personnalités connues pour leur neutralité et leur probité, et qui sera chargé de formuler les termes du dialogue et le chapeauter comme en Tunisie, le statu quo continuera à maintenir le pays dans ce tiraillement préjudiciable à sa stabilité. Quelques uns des postulats que les Mauritaniens peuvent tirer du modèle tunisien est que d’abord, le dialogue et la concertation nationale sont incontournables pour la cohésion sociale et l’unité nationale ainsi que pour la stabilité politique. La leçon tunisienne est en fin de compte une « contribution décisive dans la construction d’une démocratie pluraliste » dira un commentateur.

Ce prix Nobel vient ainsi récompenser une démarche responsable qui est venue sauver une transition démocratique qui menaçait d’avorter.


Certes, le modèle tunisien peut être comparé au scénario mis en place en 2005 après le coup d’Etat contre Ould Taya, dans certains de ses aspects. Il peut servir encore aujourd’hui d’illustration pour des acteurs nationaux à la recherche de la bonne combine. Ces solutions ne passeront nullement pas, selon certains observateurs, par des tentatives de saborder l’opposition en poussant quelques uns de ses ténors à la défection, sous l’appât de gains financiers ou des promesses de nomination. Elle ne passera également pas par l’intransigeance à outrance de la part du FNDU quitte à pousser le pouvoir à tenter une seconde fois une aventure avec la CUPAD, inaugurant une sorte de retour au scénario de 2011 qui avait d’ailleurs échoué. En effet, le pouvoir actuel qui ne veut nullement traiter avec le FNDU sur la base de ses pré-conditions, chercherait à remettre au goût du jour, un dialogue avec l’opposition modérée, en laissant le FNDU sur la rade. Ce scénario avait montré ses limites. D’où l’urgence de réfléchir au modèle tunisien, en confiant à la société civile mauritanienne, le soin d’organiser un dialogue dan lequel ni le pouvoir ni l’opposition n’auront la suprématie sur son cour ni sur ses contours.

Cheikh Aïdara

 

Source : L’Authentic.Info

 

 

 

 

 

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