Mauritanie : pour l’IRA, la lutte contre l’esclavage ne suffit pas

Haratines, dockers, grévistes… Malgré la répression, l'Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA) est de tous les combats.

Les autorités mauritaniennes ont choisi l’épreuve de force avec l’Initiative pour la résurgence du mouvement abolitionniste (IRA-Mauritanie), et cette répression semble au contraire donner une plus grande audience à ce mouvement antiesclavage dont le président, Biram Ould Dah Ould Abeid, condamné à deux ans de prison pour « offense et désobéissance à la force publique », a refusé de se présenter, le 20 août, devant la cour d’appel d’Aleg, qui a confirmé sa condamnation.

D’origine haratine (descendants d’esclaves maures noirs), Biram a fondé l’IRA en 2008. D’abord consacré à lutter contre l’esclavage, son combat a été récompensé par un prix des droits de l’homme de l’ONU en 2013. Il s’est élargi à « l’esclavage foncier et aux expropriations foncières » qui privent les populations négro-mauritaniennes de leurs terres. C’est en organisant une « caravane » contre un tel phénomène, qui s’accélère avec l’arrivée de capitaux saoudiens dans la vallée du Sénégal, que Biram a été arrêté à Rosso le 11 novembre 2014.

Profitant du refus de la coalition de l’opposition de participer à l’élection présidentielle de juin 2014, il était arrivé deuxième derrière le président sortant avec 8,67 %, à la surprise générale. Forte de cette audience, l’IRA fait, depuis, preuve d’une belle combativité. Privée de siège social et interdite de manifestation, notamment le 30 juillet, elle s’affirme partout où les exclus protestent contre leur sort.

L’IRA aux élections ?

Elle a créé une section Dockers pour soutenir la lutte des manutentionnaires du port de Nouakchott, « qui vivent une autre forme d’esclavage, sans assistance sanitaire et avec des salaires de misère », explique Balla Touré, responsable des relations extérieures de l’association. Les grévistes de la Société nationale industrielle et minière (Snim) ont reçu son soutien lors de leur bras de fer de soixante-trois jours avec la direction au début de l’année.

Il n’est pas jusqu’au jeune Cheikh Mohamed Ould Mkheitir, condamné à mort pour apostasie le 24 décembre dernier, qui n’intéresse l’IRA. Le jeune comptable de Nouadhibou avait été arrêté pour avoir publié un texte en arabe sur Facebook intitulé « La religion, la religiosité et les forgerons », dans lequel il dénonçait la société de castes qui prévaut en Mauritanie. Balla Touré estime que c’est son appartenance à la caste inférieure des forgerons qui explique l’extrême sévérité des juges car, dit-il, « certains imams disent bien pire sans encourir le moindre reproche ».

Esclaves, Haratines, Négro-Mauritaniens, travailleurs, forgerons : l’IRA est manifestement en train de se constituer un fonds de commerce politique avec « les damnés » de la Mauritanie. Ira-telle jusqu’à se muer en parti et à se présenter aux prochaines élections ? « Nous y pensons », répond Balla Touré. D’après plusieurs observateurs, l’élan est donné, mais il pourrait tourner court si Biram cédait aux réflexes autocratiques qui l’ont déjà isolé de sa base par le passé. Par exemple, quand il avait décidé en 2012, contre l’avis de l’IRA-France, de brûler en public des traités de l’islam malékite défendant l’esclavage. Le pire ennemi de Biram pourrait bien être Biram.

 

Alain Faujas – envoyé spécial

 

Source : Jeune Afrique

 

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