Hommage à Mohamed Said Hamody Par Moktar LAM

La Mauritanie vient de perdre un de ses illustres fils, Mohamed Said Ould Hamody, décédé au Maroc dans la soirée du 20 Août 2015, après deux semaines de soins intensifs.

Ce brillant intellectuel (journaliste, écrivain, diplomate) était un chercheur chevronné et avide de connaissances, qualités qui avaient fini de faire de lui un homme d’une rare intelligence et d’une culture très vaste, maîtrisant des disciplines aussi variées que la littérature, l’histoire, la géographie humaine, l’ethnologie, etc.

Homme de culture et écrivain émérite il nous laisse en héritage des ouvrages de haute facture comme l’histoire des relations entre la Mauritanie et la France, une très riche Bibliographie retraçant tout ce qui a été écrit sur la Mauritanie, ou ses chroniques comma celles au journal Le Calame intitulée le Bloc de Cheikh-Dah…., etc. Ses discours reflétaient sa grande maîtrise de la langue française et sa vaste culture.

J’ai connu cet homme en 2003 dans le cadre de mes fonctions de responsable du Programme Gouvernance du PNUD en Mauritanie, période à laquelle il dirigeait la Commission Nationale des Droits de l’Homme (CNDH). Nos responsabilités nous avaient amené à travailler ensemble sur plusieurs dossiers notamment celui de la promotion des droits de l’homme et le renforcement des capacités de la société civile.

Il avait contribué de manière significative dans la mise en œuvre réussie d’un important projet que le PNUD avait élaboré cette année-là et intitulé « Dialogue avec la société civile pour l’atteinte des Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD).

Ce projet dont le principal objectif était de désamorcer la crise politique née de la tentative (avortée) de coup d’Etat de juin 2003 contre Ould Taya, avait également permis de lancer un deuxième projet non moins important, une étude prospective sur le devenir de la Mauritanie à l’horizon 2030 (Mauritanie Vision 2030).

Cette expérience enrichissante, m’avait amené à garder contact avec lui et lui rendre visite à chaque fois que je pouvais malgré mon éloignement du pays depuis 2008.

Cette année-là, nous avions également lancé ensemble, avec la participation d’autres amis, la préparation d’un colloque international sur les « Relations entre ElHadj Oumar Foutiyyou Tall et les Erudits Mauritaniens » tels que Mohamed ElHafedh et Cheikh El Mamy.

Cette initiative avait été suggérée par les descendants des trois illustres personnages à l’occasion de la visite de Thierno Madani Mountaga Tall en Mauritanie avec le soutien du Gouvernement Mauritanien. Mais suite aux changements intervenus le 6 Août 2008 le projet n’a pu aboutir. Il y a deux ans, nous avions discuté de l’idée de le relancer.

Issu d’une grande famille d’Atar, Said était tout simplement un homme exceptionnel. Il fait partie de cette génération de Mauritaniens – en voie de disparition malheureusement – qui croient en la possibilité de construire une Nation Mauritanienne unie, forte et prospère où cohabitent toutes les composantes nationales, protégées par un Etat de Droit où règnent la justice et l’égalité.

Il savait à tous égards « servir de passerelle ou de lien entre les générations et les communautés Mauritaniennes » pour paraphraser un ami commun que j’ai eu au téléphone en cette triste occasion. Il connaissait les citoyens de ce pays, l’histoire des relations intra et intercommunautaires et en faisait un bon usage en tissant de bonnes relations avec tout le monde.

Il savait parler à tout un chacun, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, personnalités en vue et citoyens modestes. Patriote sincère et intellectuel pondéré, les prises de parole de Said étaient toujours empreintes de sagesse et de modération. Il inspirait confiance à ses interlocuteurs tant du pouvoir que de l’opposition.

C’est sans doute ce caractère qui a guidé son choix pour présider aux destinées de la CNDH, au début des années 2000, après que l’unité nationale et la cohésion sociale furent mises à rude épreuve par des violations massives des droits de l’homme et la répression contre la communauté Négro-Africaine de 1986 à 1991.

L’autre aspect qui m’a impressionné chez Said Hamody, c’est la riche et grande bibliothèque qu’il entretenait chez lui et qui compte un nombre impressionnant de livres : des manuscrits anciens aux livres les plus récents en passant par les ouvrages des siècles de lumière ou ceux de nos cursus scolaires (le Capital, le Prince, l’aventure ambiguë, les Bouts de Bois de Dieu, etc.), tout est répertorié et bien classé.

Après la littérature dans toutes ses facettes (arabe, africaine, française, anglo-saxonne, etc.), les livres d’histoire figurent en bonne place : les rapports et récits des administrateurs coloniaux côtoient les ouvrages sur l’histoire de l’Afrique du moyen âge et celle contemporaine. Maitrisant parfaitement le français, l’anglais et l’arabe Said lisait et archivait tout. Je ne compte plus les ouvrages que j’ai empruntés ou photocopiés auprès de lui.

Fidèle à ses relations, il ne ratait aucune occasion pour rendre un hommage appuyé aux personnalités qui comme lui aujourd’hui nous quittaient. Les derniers papiers que j’ai lus de lui concernaient Sidi El Moktar Ndiaye et Ba Mamoudou Samboly en décembre 2013.

Enfin comme pour bien conclure une vie consacrée aux idéaux de liberté et de justice il a présidé ces deux dernières années l’initiative du « manifeste sur les droits politiques, économiques et sociaux des Haratines en Mauritanie » qui, au-delà des cadres haratines de tous bords qu’il regroupe a reçu le soutien massif de tous les Mauritaniens épris de paix et de justice.

Etant loin du pays, j’ai imaginé le vendredi soir, le nombre et la diversité des fidèles qui ont prié sur sa dépouille à la mosquée Ibn Abass, tant au plan communautaire et ethnique que générationnel, malgré l’heure tardive de la cérémonie.

Adieu cher ainé, qu’Allah t’accueille en son Saint Paradis, aux côtés de Seyyidina Mouhammad SAS ; « yoo Allaahu yurme, yaafo maa, haarnu maa Aljanna, aamiin ; Inna Lillaahi wa innaa ileyhi raaji’uun ».

Niamey, Niger, le 24/08/2015
Moktar LAM

 

Source : l’Eveil Hebdo via Adrar-Info.net

 

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